Habitat - Construction de logements : le gouvernement échafaude son plan de relance
Sylvia Pinel a présenté le 25 juin un ensemble de mesures visant à relancer la construction de logements, d'abord en Conseil des ministres, puis devant la presse. La ministre du Logement et de l'Egalité des territoires a expliqué aux journalistes qu'elle faisait de cette relance un impératif d'abord économique (pour l'ensemble des entreprises du bâtiment "en crise profonde"), puis un impératif social (pour les concitoyens qui peinent à se loger convenablement). Elle y a ajouté une "exigence républicaine".
Extension du zonage du PTZ au risque de l'étalement urbain
Pour encourager l'accession à la propriété, l'Etat compte bien sur le prêt à taux zéro (PTZ). Sylvia Pinel a annoncé plusieurs évolutions du dispositif pour porter de 44.000 à plus de 70.000 le nombre de PTZ distribués par an, soit une augmentation de plus de 60% (la ministre n'a pas souhaité s'avancer sur les délais pour y parvenir).
A partir du 1er octobre 2014, le zonage du PTZ sera ainsi étendu "sur les zones où son effet de levier est le plus grand pour les classes moyennes et modestes". Comprendre : hors zones tendues, là où le foncier est le plus abordable, quitte à étendre encore les territoires périurbains, la ministre expliquant qu'une des clés de la relance passe par la construction de maisons individuelles.
Par ailleurs, le montant de l’achat pris en compte et la quotité du prêt seront relevés, le plafond de revenu sera élargi pour les classes moyennes et le remboursement différé sera allongé pour les plus modestes (*).
Le PTZ sera, en 2015, ouvert à l’achat de logements anciens à réhabiliter sur environ 2.000 communes rurales dont la liste sera diffusée "à l'automne", a assuré la ministre également en charge de l'égalité des territoires. Objectif : favoriser la revitalisation des centres-bourg. Le PTZ sera dans ce cas conditionné à des travaux de rénovation. Les modalités seront précisées dans le projet de loi de finances pour 2015.
Sylvia Pinel a également annoncé que les plafonds PAS (prêt accession sociale) seront alignés sur ceux du PTZ, "pour plus de cohérence et de simplicité", à partir du 1er octobre 2014. Cela se traduira par une augmentation des plafonds PAS et "permettra à davantage de ménages modestes primo-accédants d’êtres bénéficiaires de la garantie publique", souligne le ministère.
Simplifier les règles de construction
Au chapitre de la simplification de la réglementation en matière de construction, la ministre a bien précisé qu'"il ne s’agit pas de diminuer les exigences de qualité, mais de mieux articuler les différentes réglementations existantes autour d’un projet de construction, de fixer des exigences de résultats et non de moyens, de mutualiser les procédures lorsque c’est possible, de réduire les risques de contentieux".
Cinquante premières mesures de simplification de la réglementation ont été présentées, issues de la démarche "Objectifs 500.000" engagée par sa prédécesseure, Cécile Duflot, autour de professionnels (voir notre encadré ci-dessous). Elles seront proposées aux instances consultatives obligatoires dès cet été pour une mise en œuvre à l’automne au plus tard. L'objet est bien "de faire baisser les coûts de construction et de faciliter la conception des projets".
50 mesures de simplification : ce n'est qu'un début. La ministre a annoncé l'ouverture, en juillet, d'un espace sur le site internet du ministère destiné à recueillir les propositions de professionnels pour poursuivre l'exercice de simplification.
Par ailleurs un "conseil supérieur de la construction" réunissant les professionnels serait installé en septembre. Sa mission : évaluer l'impact économique de toute nouvelle règle concernant la construction et veiller à la bonne articulation des réglementations entre elles.
Bonus constructibilité
Plusieurs mesures concernant la réglementation en matière d'urbanisme feront l'objet d'une ordonnance visant à accélérer les procédures d'aménagement. Ce n'est pas pour tout de suite : l'ordonnance serait prise dans un délai de 9 mois après la publication de la loi habilitant le gouvernement à simplifier la vie des entreprises dont le projet de texte a également été présenté à ce Conseil des ministres. Ces dispositions (énoncées à l'article 7 du projet de loi) proposeront de nouvelles modalités de participation du public, en alternative à l’enquête publique. L'ordonnance prévoiera également d'élargir le champ d’application des dérogations aux documents d’urbanisme pour faciliter la réalisation de projets dans les secteurs où le foncier est rare et où les projets de construction sont soumis à davantage de contraintes. L'ordonnance devrait aussi permettre de réduire les obligations de création de parking dans les zones tendues et bien desservies par les transports. Enfin, elle devrait favoriser le développement de projets de construction de logements dans les zones à dominante commerciale, par l’établissement d’un bonus de constructibilité, sous réserve de bonne desserte par les transports en commun et de mixité fonctionnelle.
Une première étape avait été franchie en 2013 avec les ordonnances prises pour accélérer les projets de construction avec notamment la création de la procédure intégrée pour le logement (PIL), la réduction des délais de traitement des contentieux et la lutte contre les recours malveillants dans le domaine de l’urbanisme ou encore l’incitation à densifier, en facilitant la réalisation de logements dans les zones tendues (voir nos articles ci-contre).
Vers des procédés constructifs et innovants
"Pour construire et rénover plus, mieux et à coûts maîtrisés", plusieurs leviers d'action sont annoncés. Il y aura le lancement, cet été d'un appel à manifestation d'intérêt "méthodes industrielles pour la rénovation et la construction de bâtiments" par l’Ademe pour développer des "procédés constructifs innovants" (la ministre a cité comme exemple l'utilisation d’imprimantes 3D et le recours aux techniques du numérique dans l’élaboration des maquettes).
Des travaux seront lancés, avec les acteurs de la construction, sur un label de "performance environnementale des bâtiments", en vue d’un affichage environnemental des bâtiments au 1er trimestre 2015. Des plates-formes de l'innovation pour le bâtiment seront installées d'ci à fin 2015 sur l'ensemble du territoire national, à l'image de l'expérience menée entre l'Alsace et le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Le CSTB pourrait se voir confier la responsabilité de développer et d’animer un tel réseau.
Enfin, un "ambassadeur du numérique dans le bâtiment" est nommé en la personne de Bertrand Delcambre, président du CSTB, avec la mission de définir et de mettre en oeuvre un programme opérationnel pour développer les applications et innovations numériques dans le processus de construction
Plus de logements locatifs sociaux
L’Etat s'engage, en lien avec le mouvement HLM et la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), à soutenir les projets de logements sociaux retardés. Un suivi opérationnel "à haut niveau, mobilisant les préfets concernés", sera chargé dès juillet de rechercher les solutions adaptées pour débloquer ces projets.
Sylvia Pinel a rappelé que l'Etat sera "ferme" vis-à-vis des communes n’ayant pas atteint le seuil de la loi SRU et n’ayant pas fourni suffisamment d’efforts de rattrapage au cours des trois dernières années. "Le cas échéant, une majoration de leur pénalité sera déterminée", souligne le ministère.
La ministre a rappelé le lancement en mai dernier de l'appel à projets "PLAI adapté" (pour la production annuelle de 3.000 logements PLAI adaptés, dont au moins 2 000 dès 2014) et le soutien de l'Etat au programme de production de logements accompagnés (résidences sociales, pensions de famille), dans le cadre d'un appel à projets lancé fin mars au sein du mouvement HLM et dont la sélection sera connue cet été.
Sylvia Pinel a également confirmé que serait signé en septembre prochain, avec l'Union sociale pour l'habitat, un "accord national d’engagement sur la qualité de service dans le logement social" qui fixera des objectifs sur plusieurs thématiques (développement du lien social, diminution des charges pour les locataires, rénovation du bâti, amélioration de la sécurité, réduction des nuisances sonores, adaptation des logements pour la prise en compte du vieillissement et du handicap, offre "innovante et adaptée" pour l’accueil des jeunes…)
Révision du Duflot
Le gouvernement entend développer une offre de logements dits "intermédiaires" en zone très tendue. Le projet de loi de ratification de l’ordonnance sur le logement intermédiaire du 20 février 2014 (voir nos articles ci-contre des 20 et 21 février 2014) sera ainsi déposé "avant le 21 juillet 2014" au Parlement. Ce projet de loi prévoira des dispositions incitatives nouvelles, notamment la possibilité d’augmenter dans les documents d’urbanisme la constructibilité en cas de réalisation de logements intermédiaires.
Un décret sera publié cet été portant définition des plafonds de ressources, de loyer et de prix, en locatif et en accession, du logement intermédiaire. Le dispositif fiscal "Duflot" sera modifié en octobre prochain pour inciter l'investisseur à maintenir son logement dans ce dispositif pour une durée plus longue, en contrepartie d'un avantage supplémentaire. Le zonage sera révisé "afin de favoriser l’investissement locatif et la construction de logements en zones tendues", pour une entrée en vigueur le 1er octobre 2014.
Il est rappelé que l’Etat et la Caisse des Dépôts, via la Société nationale immobilière (SNI), prendront une part dans cet effort de construction en faveur du logement intermédiaire (voir notre article ci-contre du 22 janvier 2014). Mais les investisseurs privés "long terme" sont aussi sollicités. Ils seront reçus en septembre par le Premier ministre, la ministre du Logement et le ministre des Finances et des Comptes publics.
Accélérer la mise à disposition des terrains
La ministre a assuré qu'elle chargerait les préfets de faire émerger, pour avant la fin de l'année 2014, dans les régions où les besoins sont les plus criants, cinq projets de construction de logements, en lien avec l’ensemble des acteurs locaux, parmi les terrains qui ont déjà été identifiés.
Une commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier sera installée en juillet, et présidée par le sénateur, ancien ministre et ex-président de l'USH, Thierry Repentin. Sa mission : suivre et soumettre au bon niveau de décision les dossiers nécessitant un arbitrage. Elle identifiera également les freins à lever pour renforcer l’efficacité du dispositif.
L'intervention des établissements publics fonciers (EPF) sera renforcée via des décrets attendus avant fin 2014. Les collectivités seront dispensées de l’obligation qu’elles avaient sur certains territoires de garantir les emprunts contractés par les EPF. "Cette garantie n’était plus nécessaire compte tenu de la bonne gestion des EPF, mais elle freinait leur intervention et donc la mobilisation du foncier pour la construction", a expliqué Sylvia Pinel.
La ministre du Logement a annoncé qu'elle effectuera un "tour de France de la construction" d’ici la fin de l’année 2014 afin de "mobiliser l’ensemble des forces vives". Dans chaque région, les acteurs seront invités à "s’engager dans une démarche volontaire pour contribuer à l’effort global en faveur de la construction de logements".
Valérie Liquet
(*) Par exemple, une famille de trois enfants vivant à Saint-Etienne (zone B2) avec 4.400 euros par mois pourra emprunter 53.000 euros à 0% d’intérêt sur 12 ans alors qu’aujourd’hui elle serait inéligible. La mensualité sur l’ensemble des prêts diminuerait de 54 euros. Une famille de deux enfants à Alençon (zone C, non tendue), vivant avec 2.000 euros par mois, pourra emprunter 35.000 euros à 0% d’intérêt au lieu de 31.000 euros aujourd’hui. Le remboursement sera différé de neuf ans supplémentaires, de 5 ans aujourd’hui à 14 ans. La mensualité sur l’ensemble des prêts diminuerait de 24 euros.
Quelques-unes des 50 premières mesures de simplification pour la construction de logements
Parmi les cinquante premières mesures de simplification de la réglementation présentées par Sylvia Pinel le 25 juin, 17 concernent les règles d'accessibilité.
Par exemple : dans le cas de deux logements superposés (ou un logement situé au-dessus d'un commerce) une mesure consiste à ne plus pouvoir exiger l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite pour le logement situé à l'étage. Une autre consiste à supprimer les dispositions pour l'accessibilité aux personnes en fauteuils roulants aux étages non accessibles. Pour les logements à occupation temporaire de type résidences étudiantes ou résidences sociales, il faudra désormais prévoir qu'un quota de logements soient accessibles mais non plus la totalité. Une réglementation spécifique pour les établissements recevant du public (ERP) sera élaborée. Est également révisée la règle de l'accessibilité relative aux places de stationnement dans les parcs de stationnement qui comportent plusieurs étages…
Trois mesures concernent les ascenseurs (voir aussi notre article ci-contre du 26 mai 2014) : la suppression de l'obligation de travaux de précision d'arrêt, l'instauration d'un moratoire sur l'obligation de travaux de protection contre la vitesse excessive et une mesure déjà entrée en vigueur sur le dimensionnement du nombre d'ascenseurs.
Au chapitre "Divers", l'Etat entend par exemple revoir la réglementation pour faciliter l’installation de prises de recharge pour les véhicules électriques dans les copropriétés ; ou encore étendre les possibilités de réalisation d’un espace de stationnement pour les vélos à l’extérieur des bâtiments, lorsque celui-ci est obligatoire ; supprimer l’obligation de taux de bois dans la construction (mais "au profit de mesures opérationnelles en faveur de l’utilisation du bois" dans le cadre du plan bois national) ; faciliter l’utilisation de matériaux biosourcés en façade (et ne pas permettre aux documents d’urbanisme de les interdire)…
On retiendra également la suppression de l'interdiction de l'usage du bois en façade pour les grands bâtiments (une norme établie en 1986 au nom de la sécurité incendie), la suppression du sas entre le cabinet de toilettes et le séjour ou la cuisine (confort et hygiène), la révision de normes portant sur les risques sismiques et technologiques, la révision du périmètre d'application des mesures de prévention pour la lutte contre les termites (aujourd'hui le département), des révisions concernant la RT 2012…
V.L.