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Habitat - Les retards et blocages de projets de logements sociaux se confirment

Depuis quelques jours, des retards et blocages de projets de logements sociaux étaient dénoncés, à la fois par Sylvia Pinel et par l'Union sociale pour l'habitat. Le groupe 3F a indiqué, le 17 juin, qu'il n'a pu lancer que 6.300 logement sociaux, au lieu des 7.000 escomptés. Le groupe estime que "1.500 logements sont aujourd'hui bloqués", soit l'équivalent de 20% du réalisé. 40% de la production neuve de 3F dépend de logements acquis en Vefa.

En réponse à la remise en cause de certaines dispositions de la loi Alur et aux critiques sur les mauvais résultats récurrents de la production de logements neufs, le gouvernement invoque, depuis quelques jours, des blocages ou des retards dans certains chantiers ou projets de création de logements HLM. Intervenant, le 5 juin, devant l'assemblée générale de la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH), Sylvia Pinel évoquait ainsi "certains programmes de logements qui seraient aujourd'hui retardés ou remis en cause dans certaines communes". Un argument repris lors de la séance de questions au gouvernement, le 17 juin à l'Assemblée (voir nos articles ci-contre des 10 et 17 juin 2014).

Une conséquence des municipales ?

Les collectivités visées - même si elles ne sont pas nommées et qu'aucun chiffre n'est avancé - seraient des villes ou des intercommunalités ayant basculé à droite lors des municipales de mars. L'argument est de bonne guerre dans un contexte de fortes tensions autour de la question du logement.
Mais l'Union sociale pour l'habitat (USH) a également évoqué ces blocages, en particulier dans la lettre adressée par son président à la ministre du Logement, le 4 juin dernier, et récemment présentée à la presse (voir notre article ci-contre du 12 juin 2014). Jean-Louis Dumont y évoquait deux causes principales à ces retards. La première, "conjoncturelle", tiendrait à "un retard de mise en chantier des opérations programmées en vente en état futur d'achèvement (Vefa), dont les parts d'accession à la propriété ne trouvent pas preneurs et bloquent l'ensemble des programmes". On notera au passage que cette explication montre la dépendance croissante des acteurs du logement social vis-à-vis d'opérations initiées et pilotées par des promoteurs immobiliers.
La seconde raison invoquée est plus politique, puisqu'elle résulterait du "réexamen, voire [de] la remise en cause, par les nouvelles équipes municipales, des opérations programmées".
Dans ce courrier, l'USH jugeait la situation très préoccupante, préconisait d'"exiger la mobilisation locale" et suggérait "la mise en place d'un comité de suivi de la production, renforcé par un dispositif opérationnel chargé d'identifier les freins à la production et de les traiter, en tenant compte des réalités locales". Mais le courrier ne fournissait pas d'éléments chiffrés et le président de l'USH est aussi, par ailleurs, député de la Meuse et membre de la majorité présidentielle.

Le groupe 3F donne des chiffres

Les choses changent avec le communiqué publié, le 17 juin, par le groupe 3F - filiale du groupe Solendi (opérateur d'Action logement) -, qui regroupe 14 entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et gère 190.000 logements sociaux, dont plus de 123.000 en Ile-de-France. Dans une sorte de "profit warning", le groupe indique que "la crise économique et celle du marché immobilier ne lui ont pas permis d'atteindre ses objectifs de mises en chantier, avec 6.300 logements lancés en 2013 (- 2 %) contre les 7.000 escomptés".
Le communiqué confirme que la production neuve de 3F - dépendant à 40% de logements acquis en Vefa - "a été touchée par le report, voire l'annulation de nombreux programmes en promotion privée". Mais il indique aussi que "cette situation est aggravée par les changements de politique intervenus après les élections municipales de mars dernier, ayant pour conséquence de suspendre certains programmes en cours de développement". Le groupe 3F affirme que "1.500 logements sont aujourd'hui bloqués", ce qui représente plus de 20% de l'objectif de construction neuve fixé pour 2013.
Il reste toutefois une question en suspens : ces retards ou ces blocages sont-ils provisoires - le temps que les nouvelles équipes prennent leurs marques et se saisissent des dossiers -, ou s'agit-il au contraire d'une remise en cause des projets concernés ?
Le groupe 3F ne répond pas à la question, mais il fournit néanmoins un indice. Il affiche en effet l'ambition d'"intensifier son développement" en 2014 et se fixe pour objectif de lancer la construction de 7.900 logements en 2014 (+26% par rapport au réalisé 2013), dont 4.750 en Ile-de-France. Un objectif qui semble peu compatible avec une remise en cause durable des projets en cours...