Habitat - Comment les collectivités pourraient intervenir sur les prix de l'immobilier ?
"Comment modérer les prix de l'immobilier ?" Les économistes Alain Trannoy et Etienne Wasmer, membres du conseil d'analyse économique, ont quelques idées sur la question, réunies en onze propositions. Leur étude, résumée dans une Notes du conseil d'analyse économique publiée en février (*), a été présentée au Premier ministre le 14 février. Ils proposent une politique nationale du logement qui combinerait trois types de mesures : des mesures destinées à "stimuler l'offre", d'autres visant à "corriger des distorsions du côté de la demande" et enfin les dernières mesures ayant pour objet de "fluidifier le marché".
Pour stimuler l'offre, ils se sont interrogés sur l'amélioration de la gestion du foncier et proposent de transférer sa responsabilité de façon systématique au niveau des intercommunalités. Ils suggèrent que l'intercommunalité soit l'échelon de la définition du PLU (plan local d'urbanisme) mais aussi de la délivrance des permis de construire, "car c'est bien l'intercommunalité l'échelon pertinent en matière de logement", justifient-ils. "On peut en attendre des économies d'échelle importantes en termes de gestion administrative et, surtout, une optimisation en termes d'aménagements, de transports et d'équipements publics."
Supprimer les aides à la pierre
Les deux économistes suggèrent également de supprimer progressivement l'ensemble des aides à la pierre car, selon eux, "les dispositifs de défiscalisation coûtent cher pour une efficacité peu évidente". Ils jugent en effet ces mesures "coûteuses" en citant le chiffre de plus de 4 milliards d'euros en 2012, alors qu'elles "tendent à soutenir les prix pour un gain limité en termes d'accession à la propriété".
Le dispositif Scellier sur les terrains à bâtir aurait ainsi entraîné "une hausse des prix en moyenne de 7 euros/m² à la frontière de la zone B2, ce qui correspond à 7% de hausse pour ces zones situées à la marge du dispositif". Quant au prêt à taux zéro (PTZ), il n'aurait fait que provoquer "un effet d'aubaine massif".
Selon Alain Trannoy et Etienne Wasmer, les politiques d'accession à la propriété recèlent pourtant "un potentiel de progrès en termes à la fois d'efficacité, d'équité et d'économies budgétaires". A la formule du PTZ, ils trouveraient ainsi "plus judicieux de proposer des formules de type 'location-accession' où le ménage aurait une option d'acheter après dix ans de location et où les loyers acquittés seraient décomptés du reste à payer à terme". "Ce serait alors aux bailleurs de porter le risque de déperdition de valeur en s'assurant sur le marché financier", précisent-ils, "cette solution paraît plus raisonnable que de faire supporter ce risque à des ménages modestes, eux qui font déjà face à un risque non assurable en matière d'emploi".
Supprimer les DTMO
Cherchant à fluidifier le marché et à rendre la fiscalité foncière "plus équitable", les deux économistes suggèrent de supprimer par étape les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de réformer la taxe foncière sur la propriété bâtie. "La suppression des DMTO ferait perdre environ 9 milliards d'euros de recettes fiscales aux différentes collectivités publiques (chiffre 2011). Nous proposons de compenser cette perte par une réforme de la taxe foncière."
Dans le cadre de cette réforme, la TFPB "serait désormais assise sur la valeur vénale nette des biens" (c'est-à-dire sur la valeur de marché, moins les emprunts en cours) et il serait prévu une taxation des plus-values latentes des terrains non-bâtis visant à encourager la vente des terrains lorsqu'ils deviennent constructibles.
Valérie Liquet
(*) Comment modérer les prix de l'immobilier ?, Alain Trannoy et Etienne Wasmer, Les notes du conseil d'analyse économique, n° 2, février 2013.