Habitat - L'ordonnance sur le logement intermédiaire sur le point d'être publiée au JO
Cécile Duflot a présenté, mercredi 19 février en Conseil des ministres, l'ordonnance visant à booster l'offre de logements intermédiaires, en location et en accession, dans les territoires marqués par un décalage croissant entre les loyers du parc privé et ceux du parc social. Une ordonnance attendue depuis cet été, exactement depuis la loi du 1er juillet 2013 "habilitant le gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction" (voir ci-contre notre article du 2 juillet 2013).
L'ordonnance définit le statut du logement intermédiaire : ce sont des logements "dont le loyer ou le prix est maîtrisé et qui sont destinés à être occupés par des ménages aux ressources moyennes", comme le résume le compte-rendu du Conseil des ministres tandis que l'ordonnance fixera des dispositions bien plus précises dans son article 1er (voir ci-dessous). Au-delà de la clarification du terme, "ce statut permet aux collectivités de fixer dans leurs documents de programmation des objectifs de construction de ce type de logements", souligne le gouvernement.
L’ordonnance crée également un nouvel outil ouvert aux collectivités territoriales : le contrat de bail de longue durée dit "bail réel immobilier", sur le modèle du bail à construction ou du bail emphytéotique logement.
Enfin, elle confère aux organismes de logement social la capacité de créer des filiales dédiées à la réalisation et la gestion de tels logements.
60.000 logements intermédiaires par an
Un texte qui vient "compléter les dispositifs fiscaux mis en place par les lois de finances initiales pour 2013 [dispositif Duflot] et 2014 [TVA à 10% et exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties], qui permettent, tant aux particuliers qu'aux personnes morales, d'investir dans la construction de logements locatifs intermédiaires à des conditions avantageuses", présente le compte rendu du Conseil des ministres du jour.
Devant le Parlement, à qui elle présentait le texte d'ordonnance la veille du Conseil des ministres, Cécile Duflot avait annoncé qu'elle tablait au final sur 60.000 logements intermédiaires par an. Un peu moins de 50.000 en location : 30.000 au titre du Duflot (dont 20.000 situés dans le périmètre géographique également couvert par l'ordonnance), auxquels s'ajouteraient 10.000 logements "Duflot institutionnels" (qui bénéficieront du régime fiscal créé via la TVA à 10% et l'exonération de TFPB), et 8.000 logements conventionnés Anah. Et quelque 20.000 logements en PTZ+ en accession.
Une définition très précise
Selon l'article 1 de l'ordonnance, qui offre une définition très précise, les logements intermédiaires doivent être implantés soit dans une des 28 agglomérations soumises à la taxe sur les logements vacants, soit dans une commune de plus de 15.000 habitants en forte croissance démographique.
Ensuite, ces logements doivent "faire l'objet d'une aide directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, accordée par l'État, une collectivité locale ou l'un de ses groupements" et cela "pendant une certaine durée". Ils doivent par ailleurs être "destinés à être occupés à titre de résidence principale", "pendant la durée fixée lors de l'attribution de l'aide", et ce par les classes moyennes, à savoir des ménages dont les ressources n'excèdent pas les plafonds fixés dans le cadre du dispositif Duflot.
Enfin, le prix d'acquisition des logements ou leur loyer est également soumis aux plafonds du dispositif Duflot, en contrepartie de l'aide publique accordée.
Des objectifs de construction attendus dans les PLH
L'article 2 prévoit que la programmation potentielle de logements intermédiaires s'intégrera dans l'élaboration des programmes locaux de l'habitat. Dans ce cas, les logements détenus par des organismes HLM ou des Sem qui répondent aux plafonds de ressources et de loyers du dispositif Duflot sont "assimilés" à des logements intermédiaires, dès lors qu'ils ont été achevés ou ont fait l'objet d'une demande de permis de construire déposée avant le 1er mars 2014. Pour les PLH adoptés avant la publication de cette ordonnance, ils pourront être adaptés à ces nouvelles dispositions jusqu'au 31 décembre 2016 (art.6).
Les dispositions relatives au logement intermédiaire dans les documents de planification et de programmation ne s'appliquent pas aux communes faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de carence au titre de la loi SRU (art.3).
Le "bail réel immobilier" pour dissocier foncier et bâti
A l'article 4 de l'ordonnance, le "bail réel immobilier" vise à "faciliter la dissociation du foncier et du bâti", avait expliqué Cécile Duflot aux députés. "C'est le même principe que le bail à construction ou que le bail emphytéotique logement", avait-elle ajouté, à la différence qu'il permet "d'organiser la possibilité de cession du bâti entre acquéreurs successifs en gardant le statut de logement intermédiaire dans la durée". En l'occurrence, le bail est conclu "pour une longue durée de 18 à 99 ans" entre un propriétaire foncier et un preneur.
Le preneur a obligation de construire ou réhabiliter des constructions existantes, en vue de la location ou de l'accession temporaire à la propriété de logements intermédiaires. Il s'acquitte d'une redevance "dont le montant tient compte des conditions d'occupation des logements".
Les constructions et réhabilitations réalisées par le preneur demeurent sa propriété en cours de bail et deviennent la propriété du bailleur à son expiration. Mais le preneur peut céder son propre droit au bail, ainsi que son droit de propriété temporaire sur les constructions édifiées, ou encore librement consentir des baux sur l'immeuble. Ces derniers s'éteignent à l'expiration du bail réel immobilier (sauf dispositions contraires).
Les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics, ainsi que les établissements publics fonciers de l'État, peuvent notamment conclure ce type de contrat.
Les organismes HLM peuvent créer des filiales dédiées
L'article 5 donne la possibilité aux organismes HLM de créer des filiales dédiées aux logements intermédiaires, afin de lever les contraintes rencontrées jusque-là par les bailleurs sociaux volontaires en la matière. Jusqu'à présent, "ils ne peuvent réaliser que 10% de logements intermédiaires par rapport à leur parc de logements sociaux" et "ne peuvent pas faire appel à des capitaux extérieurs pour financer ces opérations et doivent donc aujourd'hui dépenser un volume important de fonds propres", avait rappelé Cécile Duflot aux parlementaires. En outre, l'ordonnance leur garantira "un cadre clair et sécurisé qui évite toute confusion entre l'activité de logement social d'un côté, et l'activité de logement intermédiaire de l'autre", avait précisé la ministre.
Pour la constitution du capital des filiales, les bailleurs sociaux peuvent apporter en nature les logements intermédiaires en leur possession, ou toute forme de concours financier qui ne serait pas issue des activités de logement social.
Les filiales peuvent prendre des participations dans des sociétés ayant pour objet la construction et la gestion de logements intermédiaires, dès lors que ces participations leur permettent d'exercer un contrôle conjoint sur lesdites sociétés.
Le préfet de région peut s'opposer (selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État), à une augmentation de capital de la filiale, par exemple s'il estime qu'il y a atteinte à la capacité du bailleur social d'assurer sa mission première.
Pour Cécile Duflot, les "fortes contraintes" auxquelles sont soumis les bailleurs pour la création de filiales font qu'il "est assez prévisible que peu [d'entre eux] se saisiront de cette possibilité". "Mais ceux qui le feront le feront dans un cadre sécurisé".
Valérie Liquet avec AEF Habitat et Urbanisme
Habitat en région et la FPI préparent un dispositif de foncières régionales dédiées au logement intermédiaire
L'ordonnance sur le logement intermédiaire était très attendue d'Habitat en région - le réseau d'entreprises sociales pour l'habitat en région - et de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Tous deux avaient annoncé leur intention de présenter "avant l'été" un projet de foncières régionales "d'habitat intermédiaire et social", en attendant de connaître le cadre imposé par l'ordonnance, notamment concernant le statut des filiales dédiées des organismes HLM.
Les deux entités envisagent en effet la création d'une foncière d'envergure nationale, qui chapeauterait un réseau de foncières régionales spécialisées dans le logement intermédiaire, lesquelles bénéficieraient des deux dispositifs inscrits en loi de finances pour 2014 (TVA à 10 % et exonération de TFPB) et dorénavant de la possibilité pour les organismes HLM de créer des filiales dédiées qui elles-mêmes pourraient prendre des participations dans des sociétés de construction et de gestion de logements intermédiaires ("dès lors que ces participations leur permettent d'exercer un contrôle conjoint sur lesdites sociétés").
À terme, "d'ici trois à cinq ans", précise Valérie Fournier, présidente d'Habitat en région, les foncières créées par la FPI et Habitat en région pourraient produire "5.000 à 10.000 logements par an en rythme de croisière". "Le système est ouvert à tout type d'organismes HLM", précise-t-elle.
Quant à savoir si le réseau de foncières régionales pourrait entrer en concurrence avec l'appel à projets lancé par la SNI mi-janvier (voir notre article ci-contre), François Payelle, président de la FPI, assure qu' "il y a de la place pour tout le monde".
VL avec AEF