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Personnes âgées - Financement de la dépendance : des propositions peu consensuelles

Dans le rapport qu'elle vient d'achever pour la mission d'information de l'Assemblée sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, Valérie Rosso-Debord affirme qu'il faut remettre à plat la prise en charge et le financement de la dépendance. Recours obligatoire au champ assuranciel privé, restrictions d'accès à l'APA... Ses recettes, très éloignées de l'idée d'un cinquième risque financé par la solidarité nationale, ne feront certainement pas consensus.

On ne compte plus les rapports sur le sujet… Mais celui-ci est le premier depuis que François Fillon s'est engagé devant les présidents de conseils généraux, le 1er juin dernier, à ce que la réforme de la dépendance soit mise sur les rails "avant la fin de cette année". Sachant que l'on dispose pour l'heure de peu d'éléments récents quant aux intentions du gouvernement sur le contenu de cette réforme, toute nouvelle contribution est à considérer avec attention. Surtout lorsqu'elle émane d'une députée UMP - en l'occurrence Valérie Rosso-Debord, membre de la commission des lois de l'Assemblée et présidente de la mission d'information sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes mise en place en septembre dernier. Surtout, aussi, lorsque le rapport en question comprend quelques propositions saillantes – "novatrices", dit Valérie Rosso-Debord – pour répondre à la question du financement de la dépendance. Dont l'introduction d'une assurance perte autonomie obligatoire dès 50 ans, la réintroduction d'une option "recours sur succession" pour certains patrimoines ou bien encore la fin du bénéfice de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes en GIR 4, dites "modérément dépendantes".
Réalisé au terme d'une bonne cinquantaine d'auditions et sur la base de nombreux travaux précédents (Drees, Cour des comptes, Igas…), le rapport Rosso-Debord se propose d'abord comme un constat détaillé de la prise en charge de la dépendance aujourd'hui, sur fond de contraintes budgétaires croissantes, et pose un certain nombre de dysfonctionnements. Parmi lesquels figurent en bonne place les "disparités départementales de la gestion des aides". Des disparités liées à la fois aux situations inégales des départements face à la charge financière que représente pour eux le financement de l'APA malgré le mécanisme de compensation assuré par la CNSA, celui-ci ne couvrant plus que 28% de la dépense. Mais des disparités liées, aussi, aux modalités hétérogènes d'attribution et de gestion des prestations entre départements : dates d'ouverture des droits, durées d'attribution, géométrie des plans d'aide, versement ou pas de prestations extralégales, disparité dans les politiques départementales de recouvrement du ticket modérateur et d'appel à la solidarité familiale lors de l'attribution de l'aide sociale à l'hébergement... D'où cette fois, estime la parlementaire, un sérieux "problème d'équité" entre les personnes dépendantes elles-mêmes.
Le rapport développe également le problème de l'important reste à charge pesant sur les personnes âgées, pointe les énormes différences de tarification entre secteur médico-social (Ehpad) et secteur sanitaire (hôpital) en termes de forfait journalier, rappelle la fragilité actuelle du secteur de l'aide à domicile (qui a conduit à la liquidation de plusieurs grandes associations ne pouvant faire face à des coûts "qui ne sont plus compensés par les financements publics"). Le document évoque aussi une offre d'hébergement qui ne correspondrait plus à la demande, décrit en quoi les financements manquent cruellement de lisibilité et parle d'un "éclatement du pilotage national ou territorial" résultant d'une "juxtaposition de plan et d'autorités" et d'outils de programmation départementaux non réalisés (65% des départements n'auraient pas de schéma gérontologique) ou insuffisants. Avec, toutefois, l'espoir que les nouvelles ARS nées de la loi HPST permettent de "réduire ces difficultés" et de rapprocher le sanitaire et le médico-social.

Mieux gérer l'APA

Sur la base de ce diagnostic plutôt sombre - et peu flatteur pour la décentralisation des politiques en faveur des personnes âgées dépendantes -, Valérie Rosso-Debord formule une série de dix-sept propositions. Lesquelles, précise-t-elle, ne sont pas nécessairement cumulatives et restent, pour certaines à "affiner". Et ne sont surtout pas dictées, a-t-elle également tenu à insister en présentant sont rapport à la presse, ni par le gouvernement ni, par exemple, par le monde des assurances.
Une première série de propositions relève du volet prévention de la dépendance – ou comment limiter les dépenses à venir – avec, par exemple, l'idée de systématiser une consultation gratuite de prévention auprès de toutes les personnes de plus de 60 ans (les plans Solidarité Grand Age et Bien Vieillir le prévoyaient déjà mais cela n'a, indique le rapport, jamais été mis en place). Il est également question de formation des aidants professionnels et informels, de sensibilisation du corps médical, d'étude des conditions d'entrée et de sortie d'hospitalisation, de recours aux TIC…
D'autres propositions concernent directement les politiques de prise en charge, politiques dans lesquelles la députée de Meurthe-et-Moselle souhaiterait clairement que l'on conforte le rôle des ARS. Il s'agirait notamment d'"améliorer la gestion" de l'APA avec réorganisation des services départementaux concernés et recours aux nouveaux outils de télégestion déjà expérimentés par certains conseils généraux. Mais aussi de redéfinir le système de péréquation actuellement assuré par la CNSA (en modifiant les critères de répartition et leur pondération). Et de réduire le reste à charge en établissement. Ceci, en cessant d'imputer les coûts d'amortissement des établissements sur les prix journaliers, en supprimant la possibilité de recours des départements auprès des obligés alimentaires des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement… et en créant un "droit d'option" pour les bénéficiaires de l'APA disposant d'un patrimoine de plus de 100.000 euros. Ou comment réintroduire l'idée d'un recours sur succession volontaire, déjà formulée à plusieurs reprises ces dernières années notamment du côté du Sénat, tel que dans le rapport Vasselle de juillet 2008, le bénéficiaire ayant le choix entre une APA à taux plein avec récupération sur succession (jusqu'à 20.000 euros) et une APA à 50% sans récupération.

"Il faut dégager de l'argent sur le GIR 4"

Enfin, parmi les cinq propositions relatives aux "leviers de financement", deux retiennent plus particulièrement l'attention. La plus remarquée : "rendre obligatoire dès l'âge de cinquante ans la souscription d'une assurance perte d'autonomie liée à l'âge et assurer son universalité progressive par la mutualisation des cotisations et la création d'un fonds de garantie". Pour la parlementaire, "proposer la création ex nihilo d'une nouvelle branche uniquement assurée par des financements publics – et donc par des déficits publics – ne serait pas raisonnable". Elle prend toutefois soin d'accompagner sa proposition d'un certain nombre de garde-fous, dont l'encadrement du dispositif par "un cahier des charges très strict" portant sur le socle minimal de couverture, les hausses maximales de cotisation, la revalorisation des rentes, la portabilité des droits, l'évaluation de la perte d'autonomie par des équipes indépendantes de la société ou mutuelle d'assurance ou prévoyance… Interrogée sur le sujet, Valérie Rosso-Debord évoque une rente moyenne possible de l'ordre de 500 euros par mois pour une cotisation inférieure ou égale à 15 euros par mois.
Parallèlement, une autre piste est posée : "redéployer" l'APA en la réservant aux personnes les plus dépendantes, classées dans les GIR 1 à 3. Autrement dit, exclure du bénéfice de l'APA toutes les personnes en GIR 4… lesquelles représentent aujourd'hui pas moins de 45% des allocataires ! "Il faut dégager de l'argent sur le GIR 4", assume la rapporteure.
La mission propose aussi d'augmenter le taux de CSG applicable aux pensions de retraite "et appliquer un taux de 7,5% aux montants les plus élevés" et de "faire participer" à la contribution solidarité autonomie (CSA) "les agriculteurs, artisans, membres des professions libérales et indépendantes et retraités".
Le gouvernement n'a pour l'heure pas réagi à ces propositions. Seul Xavier Bertrand, numéro un de l'UMP et ancien ministre en charge des affaires sociale, s'est dit hostile à une augmentation de la CSG des retraités.
Du côté de l'opposition, on saura que la mission d'information n'était pas unanime… puisque les députés du groupe SRC membres de cette mission ont indiqué dans leur contribution être d'accord sur le constat mais juger "inacceptables" les propositions retenues. Pour eux, "l'aide à l'autonomie quel que soit l'âge doit rester dans le champs de la protection sociale". Tout en admettant qu'un rôle des assurances privées peut être "envisagé", mais uniquement "en complément". Valérie Rosso-Debord leur répond : "La journée de solidarité restera. Les 22 milliards actuels, tout restera, on n'enlève rien. On vient là où les conseils généraux n'arrivent plus à payer."
 

Claire Mallet

 

L'assurance dépendance a marqué le pas en 2009

Hasard de calendrier, la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) présentait le 23 juin son rapport annuel 2009. Ainsi que le souligne le document, "le secteur de l'assurance est affecté par la crise, mais s'est montré résistant dans les turbulences que nous traversons". Une formulation qui tient de l'euphémisme, puisque le chiffre d'affaires de l'assurance a progressé l'an dernier de 9% - après, il est vrai, une baisse du volume de cotisations de 6,4% en 2008 - et a ainsi atteint, pour la première fois, le montant record de 200 milliards d'euros. Ces bons résultats sont meilleurs encore dans le secteur des assurances de personnes, qui progresse de 12%.
Dans cet ensemble très positif, l'assurance dépendance fait exception. Selon le rapport annuel de la FFSA, le nombre d'assurés à ce titre a stagné en 2009. Au total, près de 1,9 million de personnes sont aujourd'hui couvertes par un contrat en garantie principale. La FFSA constate que cette stagnation correspond à une diminution des contrats collectifs (-2%), compensée par une légère progression des souscriptions individuelles (+2%). Cette stabilité ne vaut toutefois que pour le nombre de personnes couvertes. Les cotisations collectées ont augmenté en effet de 3% en 2009 pour atteindre un montant total de 403,1 millions d'euros. Les prestations versées au titre de l'assurance ont pour leur part progressé plus rapidement encore (+12%), pour atteindre 127,7 millions d'euros. Ce dernier chiffre est toutefois à comparer aux 5,25 milliards d'euros versés en 2009 par les départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Si l'on totalise les contrats des compagnies d'assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance - désormais regroupées au sein de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam) - ce sont ainsi environ cinq millions de personnes qui sont couvertes par une assurance dépendance.
Ces résultats semblent paradoxaux, alors que plusieurs enquêtes ont montré que les Français sont de plus en plus préoccupés par le risque de dépendance et sont prêts à souscrire des protections complémentaires. Et le rapport de Valérie Rosso-Debors va bien dans le même sens. Les quelques informations distillées par le chef de l'Etat ou par les ministres successifs des affaires sociales laissent également entendre que le cinquième risque devrait comporter une dimension assurantielle (voir notre article ci-contre du 18 septembre 2007). C'est d'ailleurs peut-être ce contexte qui nuit aujourd'hui au développement de l'assurance dépendance, dans l'attente d'un cadre juridique qui imposerait des garanties minimales et une certaine harmonisation des contrats. De leur côté, les assureurs veillent à rester discrets. S'ils prennent part au débat public (voit notre article ci-contre du 11 décembre 2009), ils évitent de paraître pousser trop ouvertement la dimension assurantielle. D'autant plus qu'il reste encore à démontrer l'intérêt économique d'un tel marché s'il devait être strictement encadré par les pouvoirs publics...

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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