Archives

Dépendance - Cinquième risque : cette année, ou peut-être jamais

A force d'annonces non suivies d'effet, le doute s'est installé sur la mise en place effective du cinquième risque de la protection sociale, dédié à la dépendance. Le cinquième risque était pourtant l'un des trois grands chantiers sociaux annoncés par Nicolas Sarkozy au début de son mandat. Entre-temps, le revenu de solidarité active a pris corps (loi du 1er décembre 2008) et le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) est devenu réalité (loi du 21 juillet 2009). Mais le cinquième risque attend toujours. Il est vrai que, depuis les premières annonces présidentielles, un événement est venu changer la donne : la crise économique. Potentiellement beaucoup plus coûteux que le RSA, le cinquième risque s'accommode mal de recettes en berne et de déficits qui se creusent. Depuis plusieurs mois, les ministres concernés affirment que le dossier est à l'arbitrage de Matignon et de l'Elysée, mais rien n'en sort.


Les assureurs pointent l'oreille

Pourtant, il y a quelques jours, Nora Berra, la secrétaire d'Etat chargée des aînés, a avancé l'hypothèse d'un projet de loi au second semestre 2010 (voir notre article ci-contre du 30 novembre 2009). Mais il n'est pas sûr que la combinaison entre ce texte et le "débat national" sur la place des aînés dans la société qui doit se tenir au printemps 2010 - sans oublier le débat sur l'avenir des retraites - contribue beaucoup à la lisibilité du projet. S'il est confirmé, ce projet de loi pourrait en outre différer assez sensiblement des pistes initialement envisagées. Il devrait, en premier lieu, être nettement moins ambitieux sur le plan financier. Il devrait également reposer sur deux piliers : un système basé sur la solidarité nationale - à l'image de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) -, et un système de type assurantiel, ouvert aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et aux sociétés d'assurance. Depuis quelques semaines, les assureurs, longtemps très discrets sur la question, se montrent d'ailleurs beaucoup plus actifs, n'hésitant plus à prendre position dans le débat public (voir notre article ci-contre du 11 décembre 2009). Clôturant, le 18 décembre, les premières rencontres du Cora (Conseil d'orientation et de réflexion de l'assurance) sur le thème "La couverture de la dépendance, un choix de société", Xavier Darcos a d'ailleurs dû réfréner quelque peu l'enthousiasme un peu trop voyant des assureurs. Tout en se disant "ouvert à toutes les solutions innovantes" comme les partenariats public-privé, le ministre du Travail a ainsi rappelé que "la solidarité nationale doit rester la première source de financement". Assureurs et réassureurs proposaient en effet un système de partage vertical, qui les aurait vu prendre en charge les personnes solvables et présentant une dépendance moyenne, les autres cas de figure relevant de la solidarité nationale. Seul point acquis : le curseur de la réforme semble se diriger vers une intervention des assureurs plus importante qu'il n'était envisagé au départ. Ce qui ne manquera pas de poser la question d'une éventuelle incitation fiscale, pour encourager la souscription de ce type de contrats.
 

La CNSA en suspens ?

Autre point qui semble acquis, même s'il est loin de faire l'unanimité : le principe d'un "gage patrimonial". Cette récupération sur succession qui n'ose pas dire son nom - après les mauvais souvenirs laissés par la prestation spécifique dépendance (PSD) dans les années 90 - devrait toutefois présenter l'originalité de revêtir un caractère optionnel. Les bénéficiaires auraient le choix entre une prise en charge à taux plein et davantage de "gage patrimonial" et une prise en charge plus légère mais un patrimoine préservé.
Enfin, il reste un autre point important en suspens : la question de l'opérateur du cinquième risque. La logique voudrait que ce rôle échoie à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), quitte à lui apporter quelques aménagements juridiques. Mais les difficultés de gouvernance de la caisse, avec un conseil d'administration pour le moins turbulent, et la dégradation de sa situation financière (voir notre article ci-contre du 20 novembre 2009) pourraient inciter à une remise à plat. La mission d'information sur la CNSA, mise en place par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 18 novembre, a tenu sa première réunion le 8 décembre. Son rapport devrait être rendu en mars 2010. A travers ses auditions, la mission passera au crible le rôle, l'action et les moyens de la caisse. Elle se penchera plus particulièrement sur les raisons de la sous-consommation chronique des crédits affectés à la CNSA. Nul doute que ses conclusions seront lues avec intérêt.

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis