Archives

Cinquième risque - Le Sénat propose une récupération sur succession volontaire

Alain Vasselle, sénateur de l'Oise, a présenté le 8 juillet le rapport d'étape de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque. Après avoir retracé le contexte et les enjeux sociaux et économiques de ce dossier - en 2025, la prise en charge de la dépendance devrait absorber 1,5% de la richesse nationale - le rapport d'étape s'attarde sur la question du financement. Le débat tourne essentiellement sur la participation des familles. A côté des 18,96 milliards d'euros d'effort public en faveur de la prise en charge de la dépendance (dont 11,4 pour l'assurance maladie, 4,2 pour les départements et 2,97 pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), celles-ci financent déjà au moins 7 milliards d'euros : 1,35 milliard pour le ticket modérateur de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et 5,7 milliards au titre des frais d'hébergement en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), nets des aides au logement et de l'aide sociale des départements. Encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les dépenses non prises en charge dans le cadre des plans d'aide à domicile. Selon le rapport, les aides apportées créent une courbe en U, bénéficiant aux moins aisés (APA à taux plein et aides au logement) et aux plus riches (déductions fiscales pour l'emploi à domicile), au détriment des classes moyennes. Le rapport rappelle également que la France figure au second rang mondial - derrière les Etats-Unis - pour les contrats d'assurance dépendance, avec de 2,5 à 3 millions de détenteurs.

 

Une récupération à la carte

A partir de ces différents constats, le rapport formule un certain nombre de propositions pour financer la dépendance. La plus en vue consisterait à proposer aux personnes à revenus élevés de choisir entre une APA à 50% ou une APA à taux plein, mais "gagée" sur la part de leur patrimoine supérieure à 200.000 euros. Le montant du "gage" - plafonné à un maximum de 20.000 euros (correspondant à la somme maximale perçue par un allocataire durant 4 ans) - serait récupéré sur la succession par le département ayant versé l'APA. Selon Alain Vasselle, ce dispositif pourrait rapporter 800 millions d'euros à l'horizon 2012. Ce chiffre semble toutefois très optimiste, dans la mesure où la mesure ne devrait jouer pleinement que pour les personnes possédant des revenus modestes mais un patrimoine important. A l'inverse, elle ne devrait que peu jouer pour les personnes à revenus élevés, pour lesquelles l'APA versée après déduction du ticket modérateur ne représente qu'un montant très limité (et qui la demandent souvent uniquement pour bénéficier de certains avantages annexes, notamment fiscaux et sociaux).

 

De l'assurance vie à l'assurance dépendance

Le rapport formule également plusieurs autres propositions innovantes. Côté social, il suggère ainsi de relever les plafonds d'aide de façon ciblée (pour les personnes isolées ou atteintes de maladie neurodégénératives graves), d'autoriser une revalorisation des plans d'aide et d'améliorer la grille Aggir, afin de garantir une plus grande uniformité des évaluations. Côté maîtrise des coûts, il préconise une remise à plat des imputations entre les différentes composantes de la tarification ternaire hébergement-soins-dépendance (qui bénéficierait aux départements et aux familles, mais coûterait un milliard d'euros à l'assurance maladie), l'établissement d'une échelle dégressive pour le versement de l'APA en établissement, la mise en place de référentiels opposables de coûts d'hébergement... Côté financement assurantiel, les propositions les plus originales concernent la possibilité de convertir sans pénalité des contrats d'assurance vie en contrats d'assurance dépendance ou la déductibilité fiscale des cotisations complémentaires dépendance sur un contrat épargne retraite (sur le modèle du PERP). Enfin, côté gouvernance, le rapport propose notamment un partage à égalité du financement entre l'Etat (CNSA) et les départements, une modification des critères de péréquation pour la répartition des financements APA de la CNSA (en retirant en particulier la référence au RMI), ainsi que l'expérimentation - sur une base volontaire - d'une délégation aux départements de la gestion des crédits d'assurance maladie des Ehpad.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Des réactions sans surprise

Comme on pouvait s'y attendre, ce retour détourné de la récupération sur succession - rebaptisée "gage" et reposant sur un choix du bénéficiaire - et le plaidoyer en faveur d'une contribution assurantielle n'ont pas manqué de faire réagir. L'association Vivre et vieillir ensemble en citoyens (Avvec) - qui regroupe notamment l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) - exige ainsi des "financements solidaires majoritairement publics, excluant tout recours sur succession". Elle demande également des "moyens nouveaux" et une diminution des prix payés par les familles en établissement.
Le rapport de la mission d'information sénatoriale a également trouvé une lectrice attentive en la personne de la ministre de l'Economie. Intervenant sur Radio Classique, Christine Lagarde a en effet jugé indispensable le développement de "nouveaux mécanismes" pour contribuer au financement de la dépendance. Elle a toutefois assuré qu'"on aura toujours une partie en répartition (système actuel qui finance les retraites et la protection sociale), en particulier au bénéfice de ceux qui sont les moins favorisés".

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis