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Dépendance - Cinquième risque : patrimoine et assurance individuelle seront mis à contribution

Le 28 mai, Xavier Bertrand et Valérie Létard, la secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, ont présenté aux membres du conseil d'administration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) les premières orientations du gouvernement pour la mise en place du cinquième risque, consacré à la prise en charge de la dépendance. Ils ont ensuite été auditionnés au Sénat par la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.
Soucieux de laisser une marge de manoeuvre à la négociation avec les partenaires sociaux - la concertation a débuté le 3 avril dernier -, les deux ministres se sont bien gardés d'entrer dans le détail des mécanismes et des financements envisagés. Ils ont cependant tracé à grands traits le cadre du futur régime. Celui-ci restera largement mutualisé, à l'image des autres risques (maladie, vieillesse, famille et accident du travail). Xavier Bertrand a ainsi proposé d'instaurer "un socle élevé de financement par la solidarité nationale". Mais il a aussi exclu la mise en place de prélèvements supplémentaires (augmentation de la CSG ou création d'une cotisation spécifique), comme le demandaient certains partenaires sociaux ou acteurs de la prise en charge. Au-delà de la probable utilisation des excédents de la CNSA, le gouvernement devra donc dégager des financements supplémentaires. Le document remis aux membres de la CNSA indique ainsi que "l'évolution des besoins sociaux doit être accompagnée d'une meilleure répartition des financements au sein de notre système de protection sociale". Plusieurs pistes - cumulatives - sont envisagées. Prolongeant une tendance déjà bien engagée et reprise dans le futur projet de loi "Santé, patients et territoires", le document préconise notamment un redéploiement des hôpitaux, et tout particulièrement des hôpitaux locaux, vers la prise en charge des personnes âgées. Plus audacieux : le gouvernement prévoit d'instaurer une contribution de la branche famille - régulièrement excédentaire - au financement de la dépendance, "pour répondre à de nouvelles exigences de solidarité entre les générations".

Participation sur le patrimoine

Mais les deux mesures qui devraient donner lieu à polémique concernent la participation qui sera demandée aux bénéficiaires et futurs bénéficiaires. Le premier moyen envisagé avait été clairement annoncé par Nicolas Sarkozy dès son discours de rentrée sociale, en septembre 2007. Il s'agit de la mise en place de produits d'assurance dédiés. Le chef de l'Etat avait en effet indiqué que le risque dépendance peut être "en partie" couvert par le recours à "l'assurance individuelle privée". Pour viabiliser ce marché, il avait aussi laissé entendre que "ces produits d'épargne longue pourront être fiscalement avantagés", mais ces éventuelles incitations fiscales devraient rester d'une portée limitée en ces temps de rigueur budgétaire. Xavier Bertand a cependant précisé que les contrats d'assurance dépendance, qui comptent déjà près de deux millions de souscripteurs, seront "encadrés" par les pouvoirs publics. Il a également évoqué la perspective d'un "partenariat public-privé" avec les organismes de prévoyance individuelle et collective (mutuelles et assurances), qui seront invités à "s'investir davantage". Le cinquième risque s'alignerait ainsi sur l'assurance maladie, qui coexiste avec des couvertures complémentaires. Mais le développement de ces dernières s'explique essentiellement par la participation des employeurs à leur financement, point qui n'est pas évoqué dans le cas de l'assurance dépendance.
La seconde contribution des bénéficiaires prendra la forme - selon des modalités qui restent à préciser - d'une participation sur le patrimoine, à laquelle le chef de l'Etat avait également fait allusion. Le gouvernement, qui avait obtenu en décembre dernier le retrait d'un amendement adopté par le Sénat instaurant une récupération sur succession pour les titulaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), reprend finalement l'idée à son compte. Pour éviter le tollé qui avait accompagné l'amendement sénatorial, Xavier Bertrand a pris soin d'indiquer que cette participation sur le patrimoine sera plafonnée, afin de ne pas pénaliser les personnes prises en charge sur une longue période. Les intéressés devraient également avoir le choix entre le bénéfice d'une aide à taux réduit sans participation sur le patrimoine et l'attribution d'une prestation à taux plein, mais "gagée sur leur patrimoine". En pratique, le mécanisme mis en place devrait s'apparenter à celui du recours sur succession, mis en place au bénéfice des départements qui prennent en charge les frais d'hébergement des personnes âgées à faibles ressources.

Jean-Noël Escudié / PCA