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Dépendance - Polémique sur les recettes de la journée de solidarité : qui dit vrai ?

Au lendemain de la Pentecôte, d'aucuns évoquent un détournement par l'Etat des excédents de la CNSA. Si les convoitises suscitées par ces excédents sont réelles, la réalité du financement de la dépendance est complexe. Valérie Létard assure en tout cas que les crédits sont "sanctuarisés".

Le retour au caractère férié du lundi de Pentecôte n'a pas éteint la polémique sur l'utilisation des recettes tirées de la journée de solidarité. Ainsi, le président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) renouvelle ses accusations de détournement par l'Etat des excédents de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Dans une interview au quotidien Libération le 12 mai, Pascal Champvert affirme qu'"une partie du produit de la journée de solidarité sert à combler le déficit de l'assurance maladie, au lieu de bénéficier aux personnes âgées". Il vise ainsi les excédents réalisés par la CNSA depuis sa création, soit encore 481 millions d'euros sur le seul exercice 2007 et un excédent cumulé de l'ordre de 800 millions d'euros. Selon le président de l'AD-PA, "l'Etat refuse de mettre ces sommes en réserve [et] 200 millions en 2006 et 400 millions en 2007 ont été ainsi intégrés dans l'Ondam [objectif national des dépenses pour l'assurance maladie] en 2008".
La réalité est plus complexe. Pour mieux comprendre le différend, il faut tout d'abord rappeler que les excédents de la CNSA ne proviennent pas spécifiquement de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) financée par la journée de solidarité, mais résultent de la convergence d'une série de causes : montée en charge très lente de la prestation du handicap, décalage dans les programmations et la réalisation d'investissements dans les établissements, retards dans l'avancement des chantiers, etc. Il n'est pas non plus inutile de rappeler que l'Ondam médicosocial est le principal financeur du budget de la CNSA et qu'une assurance maladie en déficit chronique n'a pas nécessairement vocation à financer durablement un excédent structurel de la CNSA. Enfin, il ne faut pas oublier que la CNSA participe elle-même à ce que le président de l'AD-PA qualifiait l'an dernier de "hold-up", en visant toutefois l'Etat dans ses propos. Soucieux d'éviter les convoitises sur les excédents de la CNSA, le conseil d'administration de la caisse - où siège Pascal Champvert - a en effet adopté, dans sa séance du 17 octobre 2007, un budget 2008 en déficit de 200 millions d'euros, ce dernier étant couvert par une reprise sur les excédents. Cette mesure devrait ramener le résultat cumulé de 2008 aux alentours de 600 millions d'euros, à condition toutefois que tous les crédits programmés soient consommés...

Des convoitises bien réelles

Car les convoitises suscitées par les excédents de la caisse sont bien réelles. En 2007, l'Etat a effectivement freiné le transfert à la CNSA des crédits de l'assurance maladie destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées, contraignant ainsi la caisse à reprendre environ 450 millions d'euros sur ses réserves. Pour sa part, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a, dans son article 45, adopté une autre approche, consistant à confier à la CNSA le soin de financer de nouvelles dépenses. Celles-ci restent cependant en rapport direct avec les personnes âgées et les personnes handicapées : mise aux normes techniques et de sécurité des établissements, dépenses d'animation et de prévention dans les établissements, frais d'études dans les domaines d'action de la caisse, etc. Mais Bercy ne manque pas d'idées sur d'autres utilisations possibles. Evoquant les excédents 2007, le conseil d'administration de la caisse du 1er avril 2008 a donc pris soin de préciser que "conformément aux principes qui régissent le budget de la CNSA, ces excédents seront intégralement conservés dans ses comptes pour demeurer affectés aux besoins des personnes privées d'autonomie (personnes âgées et personnes handicapées)". Il a aussitôt décidé d'en affecter une partie à la réalisation des équipements prévus par le plan Alzheimer 2008-2012, l'un des chantiers-phares du président de la République.

Des crédits "sanctuarisés"

Soucieuse de clore le débat, Valérie Létard, la secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, a affirmé le 12 mai que "tous les crédits de la dépendance sont sanctuarisés, ils ne peuvent pas retourner vers l'Etat". Elle a également rappelé que "le rapport de la Cour des comptes en 2007 l'a justifié : à l'euro près, [ces crédits] sont bien affectés à la dépendance". Le rapport de la cour, qui donne quitus de l'affectation des fonds, date toutefois de juillet 2006 - et non de 2007 - et porte sur la mise en place de la CNSA et l'exercice 2005. Cet engagement public de la part d'un membre du gouvernement sur la "sanctuarisation" des crédits de la CNSA constitue néanmoins une avancée importante. Il devrait notamment satisfaire la CNSA, mais aussi l'Association des départements de France, qui s'était elle aussi émue de l'affectation des réserves. Cette promesse ministérielle semble ainsi éloigner durablement la perspective évoquée par le président de l'AD-PA. Le débat pourrait toutefois se déplacer dans les prochains mois. Si la perspective d'une affectation des réserves de la CNSA au comblement du déficit de l'assurance maladie semble désormais moins probable, les excédents accumulés pourraient bien trouver à s'employer dans le cadre de la prochaine mise en place de la cinquième branche de la protection sociale.

 

Jean-Noël Escudié / PCA