Autonomie - CNSA : "Il n'y a pas eu d'effet vignette"
La contribution de solidarité pour l'autonomie liée à la "journée de solidarité" - lundi de Pentecôte ou autre jour... - ainsi que les deux autres contributions instaurées par la loi du 30 juin 2004 ont rapporté près de 2 milliards d'euros en 2005. Cette nouvelle manne a-t-elle bien été affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et a-t-elle été intégralement utilisée pour financer des actions en faveur des personnes âgées et personnes handicapées ? Oui, assure la Cour des comptes, qui publie ce 10 juillet son rapport sur "les conditions de mise en place et d'affectation des ressources de la CNSA". Ce rapport, qui fait suite à une mission d'évaluation confiée à la Cour dès l'installation de la CNSA en mai 2005, a été remis au Premier ministre le 28 juin dernier.
Ses conclusions sont globalement favorables à ce dispositif fondé sur l'idée de rassembler, au sein d'un même organisme, l'essentiel des moyens de l'Etat et de l'assurance maladie consacrés à l'autonomie des personnes. En premier lieu, donc, "il n'y a pas eu d'effet vignette", comme l'a exprimé lundi le président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, se référant évidemment à la "crainte prégnante" d'un impôt détourné de son objet initial. Plusieurs associations, dont l'Adehpa (directeurs des maisons de retraite), avaient redouté que les fonds "n'aillent pas intégralement" aux personnes âgées ou servent à "financer des décisions prises antérieurement". L'affectation des crédits est garantie par "une segmentation rigide, instituée par la loi, du budget et des comptes de la CNSA", explique la Cour.
"Pérenniser et consolider l'APA"
Environ 40% des recettes nouvelles collectées par la CNSA en 2004 et 2005 ont été consacrées à l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA), apportant un tiers des crédits de cette prestation versée à près de 940.000 personnes âgées. Plus précisément, 26% ont alimenté les concours aux départements (fonction de péréquation) et 14% ont servi au remboursement de l'emprunt du Fonds de modernisation de l'aide à domicile des personnes âgées (FFAPA). La création de la contribution de solidarité pour l'autonomie aurait donc bien permis "de pérenniser et de consolider l'APA".
Les crédits issus de la contribution de solidarité pour l'autonomie ont par ailleurs été affectés, pour 20% d'entre eux, aux établissements hébergeant des personnes dépendantes (créations de places, rénovations, recrutements de personnels...) et, également à hauteur de 20%, aux actions en faveur des personnes handicapées (fonds de concours, contribution à l'assurance maladie pour les établissements et services...).
Quid des 500 millions d'euros restants sur 2004-2005 ? Philippe Séguin a rappelé qu'ils avaient été "mis en réserve". Conscient que "certains s'en sont émus et se sont interrogés sur le bienfondé de cet argent qui dort", le président de la Cour des comptes considère qu'il "n'y a pas lieu, à ce stade, de s'alarmer". Ces excédents s'expliquent par "un souci de lissage de l'effort financier dans le temps" et par "la nature des actions financées", telles que la création de places en établissement. Sans oublier, bien entendu, la lente montée en charge de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Pas d'effet de substitution
"Il faut du temps", a insisté Philippe Séguin. On sait que la CNSA prévoit de dégager cette année un solde positif de 180 millions et affiche son intention de continuer à résister aux convoitises que suscitent cette "cagnotte".
La Cour des comptes écarte aussi un autre risque : il faut impérativement éviter que les nouvelles recettes ne viennent finalement se substituer à des ressources existantes et donc "qu'au final, l'effort global en faveur des personnes âgées et handicapées n'augmente pas". Là encore, le rapport, qui a observé l'évolution de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et des financements des conseils généraux, est formel : "il n'y a pas eu, à ce stade, d'effet de substitution sur les principaux postes de dépenses". Philippe Séguin reste toutefois vigilant, la tentation de désengagement des financeurs dans les années à venir n'étant pas à exclure.
La Cour va continuer à contrôler régulièrement la CNSA, afin de "mieux apprécier encore ce qu'elle apporte à la politique en faveur des personnes dépendantes". "Il est prématuré de conclure : c'est dans un an ou deux que nous pourrons faire un vrai bilan de son efficacité", explique François Delafosse, président de la première chambre de la Cour des Comptes. Ce délai semble d'autant plus important à respecter que ce premier rapport de la Cour des comptes n'est pas exempt d'interrogations : complexités et lourdeurs du dispositif, ambiguïtés liées au statut de cette Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui n'est pas un opérateur de l'Etat et ne dispose pas des moyens juridiques nécessaires pour imposer aux départements telle ou telle inflexion...
Claire Mallet