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Aménagement numérique - Fibre optique : les collectivités y verront plus clair en 2011

Cadre juridique complété, projets-pilotes lancés, premiers services commerciaux disponibles en zones denses... Les offres de fibre optique jusqu'à l'abonné semblent bien parties pour enfin décoller en 2011. Restent deux sujets de préoccupation pour les collectivités : où trouver les dizaines de milliards d'euros nécessaires à l'investissement ? et comment garantir un service universel d'accès au bon débit sur tout le territoire ?

Promesse tenue ! L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a adopté à la mi-décembre deux décisions réglementant, d'une part, le déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) en dehors des zones très denses, d'autre part, les conditions d'éligibilité aux aides du fonds d'aménagement numérique du territoire (Fant), mis en place par la loi Pintat sur la fracture numérique. Désormais en attente des homologations du ministre chargé de l'Economie numérique, Eric Besson, ces décisions respectent le calendrier prévu par Jean-Ludovic Silicani, président de l'Arcep. "Après avoir établi en 2009 le cadre réglementaire pour le déploiement de la fibre optique dans les zones les plus denses du territoire, l'année 2010 sera consacrée à définir les conditions du déploiement sur le reste du territoire", s'était-il engagé le 15 janvier dernier.
Selon l'Arcep, ces dernières décisions tiennent compte des avis de l'Autorité de la concurrence et de la Commission européenne. Celle-ci avait notamment invité l'Arcep à se montrer vigilante sur la taille du point de mutualisation (évalué à mille lignes) et sur "l'offre de collecte". Quant à l'Autorité de la concurrence, elle avait surtout insisté sur les conditions du co-investissement pour éviter la création d'un nouveau monopole sur la boucle locale de fibre optique : "Le co-investissement permet aux opérateurs alternatifs de disposer d'un 'droit de regard' sur l'architecture du réseau, ce qui peut favoriser la neutralité technologique et limiter les problèmes de concurrence futurs", avait-elle justifié. Ces deux avis nuancés et argumentés "ont permis d'amender et de compléter le projet initial, notamment en ce qui concerne les spécificités des projets des collectivités territoriales", a indiqué l'Arcep.

Sept projets-pilotes en zones non denses

"Les collectivités territoriales [...] ont un rôle stratégique à jouer pour organiser, au plus près des territoires, la cohérence des déploiements et la complémentarité des technologies. C'est l'objectif des schémas directeurs d'aménagement numérique, que de nombreuses collectivités, comme le département de la Manche, ont élaboré ou sont en train d'élaborer", a rappelé le Premier ministre, François Fillon, le 6 décembre lors d'un déplacement au pôle d'excellence rurale Novéa (qui forme aux métiers d'avenir dans les secteurs du très haut débit) et sur le site du fabricant de fibre optique Acome, à Mortain (Manche). Aux côtés d'Eric Besson et de René Ricol, commissaire général à l'Investissement, François Fillon a présenté les sept projets-pilotes pour le déploiement du très haut débit retenus suite aux appels à projets lancés dans le cadre des investissements d'avenir (ex-grand emprunt). Avant de déployer à très grande échelle le programme très haut débit sur le territoire national, ces sept sites-pilotes d'expérimentation ont été sélectionnés pour tester en grandeur nature la mise en place d'un réseau de fibres optiques dans des zones peu denses. Ces projets, associant collectivités locales et opérateurs, ont démarré fin 2010 pour des tests de déploiement opérationnels au premier semestre 2011.
Un site-pilote se trouve à Saint-Lô, dans la Manche, département de "référence pour le numérique", selon le Premier ministre. Les autres se trouvent en Savoie (communauté de communes Coeur de Maurienne), dans le Puy-de-Dôme (conseil régional d'Auvergne à Issoire), en Seine-et-Marne (Chevry-Cossigny), en Lozère (Aumont-Aubrac), en Haute-Savoie (Sallanches) et en Vendée (Mareuil-sur-Lay-Dissais). Les projets sélectionnés permettront, par leurs échanges d'informations et leurs retours d'expériences respectifs, de mettre en place des principes communs d'exploitation pour les futurs développements FttH en France. Tous les projets retenus sont subventionnés par l'Etat à hauteur de 50 % maximum, avec un plafond de 500.000 euros. Ils devront concerner au moins 300 foyers. Au total, les investissements d'avenir consacreront 2 milliards d'euros pour le déploiement du très haut débit en France. Bien loin des 18 milliards de fonds publics nécessaires pour une couverture à 100 % en 2025, selon les estimations les plus optimistes de la Datar.

Pour quelques milliards de plus

"Un mur d'investissements", selon le directeur général de la Fédération française des télécommunications, intervenant lors d'une plénière sur l'aménagement du territoire, au Congrès des maires, le 25 novembre dernier. Hervé Maurey, sénateur-maire de Bernay (Eure) et auteur du récent rapport sur le déploiement du très haut débit, évalue pour sa part à 660 millions d'euros les besoins annuels pour atteindre l'objectif fixé par le président de la République : le très haut débit pour tous à l'horizon 2025. "J'ai évalué, avec la Datar et l'Arcep, à 23,5 milliards le coût global d'un fibrage de 98 % de la population, dont 12,9 milliards de financement public. Divisés par quinze années de durée de déploiement [...], cela nous donne 860 millions par an. Les collectivités ont participé à hauteur de 200 à 300 millions d'euros pour l'arrivée du haut débit. Compte tenu des difficultés budgétaires, notamment des départements, je considère que l'effort possible pour le très haut débit serait de l'ordre de 150 millions. De même, les fonds européens pourraient abonder a minima pour 50 millions. Il restait donc à couvrir un besoin de 660 millions annuels", avait calculé le sénateur de l'Eure lors de la remise de son rapport. Et le parlementaire de recommander de créer une nouvelle "contribution de solidarité numérique" de 0,75 euro par mois sur tous les abonnements à internet et de téléphonie mobile, ainsi qu'une taxe de 2 % sur les téléviseurs et les consoles de jeux, avec pour modèle l'écoparticipation (une ligne apparaissant clairement sur la facture). Cette taxe pourrait être votée dès le budget 2012. Le sénateur avait par ailleurs déposé des amendements pour qu'une part de la hausse de la TVA sur les "box" (portée à 19,6 % sur le service TV du "triple play") soit attribuée au Fant dès 2011. Le Sénat a voté contre...

La question technique devient politique

"Il y a nécessité d'une mobilisation générale, peut-être avec une nouvelle ressource, impliquant les collectivités, les opérateurs... ", avait lancé Pierre Dartout, le délégué interministériel à l'aménagement et à l'attractivité du territoire (Datar), lors du même débat au Congrès des maires. Un message repris, le 1er décembre, par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) : "La couverture numérique du territoire par le déploiement de la fibre constitue l'urgence des urgences." Avec les 2 milliards du Fant, "on est encore loin des 20 à 25 milliards nécessaires pour la mise en place d'un réseau très haut débit en fibre optique couvrant au minimum 98 % de la population", insiste l'AMRF. Laquelle soutient donc l'idée, comme le sénateur Maurey, "de réserver à l'aménagement numérique des territoires une part des recettes de TVA sur les offres internet 'tripe play'". Tout comme l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) l'avait fait auparavant. Et comme l'Assemblée des départements de France (ADF), qui propose désormais d'élargir "à l'ensemble de l'économie le principe d'une contribution de solidarité numérique". En outre, dans sa motion du 9 décembre, l'ADF va plus loin. Elle se prononce en faveur d'une "nouvelle politique d'aménagement numérique du territoire ambitieuse et solidaire". Outre une évaluation sur l'utilisation des 800 millions d'euros annuels dont l'opérateur historique bénéficie pour le renouvellement de sa boucle locale de cuivre, l'ADF voudrait "déterminer, dans le cadre d'un débat public, les avantages, les inconvénients et la faisabilité de la séparation fonctionnelle des activités d'opérateur et de la propriété du réseau".

Les enjeux politiques restent économiques

Pour sa défense, France télécom-Orange poursuit ses annonces de déploiement FttH. Dans le courant de l'année 2011, les habitants de trois quartiers de Brest devraient bénéficier des services à très haut débit à travers l'offre "la fibre". Il en sera de même pour les habitants de plusieurs quartiers de Montpellier, Toulon, Cergy ou Laval. "L'objectif est d'être présent dans 45 agglomérations d'ici 2012 avec au moins une ouverture dans chacune des régions métropolitaines, puis dans tous les départements fin 2015", répète depuis début 2010 Bruno Janet, directeur des relations avec les collectivités territoriales de l'opérateur, qui a également annoncé deux milliards d'euros d'investissement sur ses fonds propres. Du côté des opérateurs alternatifs, l'offre fibre de Free est disponible à Paris, Valenciennes et Montpellier. Tandis que Bouygues Télécom et SFR ont annoncé, le 10 décembre, la signature d'un accord de co-investissement portant sur le déploiement de la fibre optique dans certaines communes des zones très denses. Et que Numéricable poursuit sa percée : 162 villes sont ouvertes à la fibre optique jusqu'à l'immeuble.
Selon l'Arcep, le nombre d'abonnements à très haut débit atteint 420.000 à la fin du troisième trimestre 2010 (+55.000 environ sur le trimestre). Plus de 100.000 abonnements à très haut débit en fibre optique vont jusqu'aux abonnés ou jusqu'aux immeubles. Le rythme de croissance est d'environ 10.000 par trimestre. La totalité de cette croissance est liée à celle des abonnements en fibre optique jusqu'à l'abonné. S'agissant des 320.000 autres abonnements à très haut débit, dont les accès en fibre optique avec terminaison en câble coaxial (Numéricâble), leur nombre s'accroît de 45.000 environ sur le trimestre.
2011 pourrait bien tenir sa promesse d'être l'année de la commercialisation de la fibre optique en France... mais pas encore pour tout le monde. Il faudra éviter les "mites" et les "taches de léopard" du déploiement. L'Avicca y veille.

 

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