Archives

Aménagement numérique - Déploiement national du très haut débit : le calendrier s'accélère

"D’ici la fin de l’année, les collectivités territoriales disposeront de l’ensemble des outils pour lancer et mettre pleinement en oeuvre leurs appels d’offres de montée en débit via l’accès à la sous-boucle, en complément de leurs projets de déploiement FttH (fibre optique jusqu'à l'abonné)", a promis, le 27 juillet, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Effectivement, le calendrier s'accélère avec plusieurs échéances dès cette rentrée, malgré quelques aléas, imputables - officiellement - à l'encombrement des commissions parlementaires, et - officieusement - aux difficultés d'arbitrage face aux groupes de pression habituels.

Une solution pour la pérennisation du fonds d'aménagement numérique

Le programme national du très haut débit s'appuie sur trois principes-clés : la mutualisation entre opérateurs, la couverture homogène et en parallèle des territoires denses, périurbains, ruraux et de montagne, et la mobilisation des collectivités.

Ce "projet politique et industriel pour l'ensemble des territoires" bénéficie d'un budget de 2 milliards d'euros attribués au fonds de solidarité numérique (FSN), dans le cadre des investissements d'avenir ("grand emprunt"). Le Premier ministre, via le commissariat général à l’Investissement, assure la gouvernance stratégique du FSN, à laquelle sont associés le secrétariat d'Etat au développement de l'Economie numérique (Nathalie Kosciusko-Morizet) et les ministères de l'Industrie (Christian Estrosi) et de l'Aménagement du territoire (Michel Mercier). Le fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), issu de la loi Pintat, est lui aussi alimenté par le FSN, en fonction des besoins. Il est consacré uniquement aux projets d'initiative publique. "L'utilisation d'un milliard du grand emprunt permet d'amorcer le fonds d'aménagement numérique du territoire, ce qui est très positif, mais couvre moins d'un dixième des besoins globaux. L'alimentation pérenne du fonds est indispensable pour limiter la nouvelle fracture numérique qui commence, celle du très haut débit", défend Yves Rome, président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). Dans sa contribution à la mission du sénateur Maurey, mise en ligne le 28 juin, l'Avicca propose donc une taxe sur le secteur des communications électroniques, comme celle finançant l'audiovisuel public. La position du bras technique des associations de collectivités (AMF, ADF, ARF) rejoint ainsi celle exposée pour la première fois en public par Hervé Maurey lui-même, à l'occasion des 4e Assises du très haut débit, le 16 juin dernier. "La taxe sur l'audiovisuel de 0,9% devrait rapporter environ 300 millions d'euros par an. Pour la fibre, il faudrait trouver environ 500 millions par an : ce qui reste modeste compte tenu des enjeux. Si nous augmentons le coût de l'abonnement de 2 euros par mois, sur 25 millions d'abonnés, nous récolterons 600 millions par an. C'est ce qui a été fait avec le fonds d'amortissement des charges d'électrification", avait notamment chiffré le sénateur de l'Eure, chargé par le gouvernement d'une mission sur la pérennisation du FANT, début mars. La remise de son rapport était prévue pour fin juillet mais ses propositions attendront les arbitrages politiques de la rentrée.

Deux appels à projets-pilotes et à manifestation d'intention

Les premiers appels, eux, sont bien passés avant les vacances. Michel Mercier, Christian Estrosi, Nathalie Kosciusko-Morizet et René Ricol, commissaire général à l'Investissement, ont lancé, ce 4 août, les deux premiers volets de la phase opérationnelle du programme national "très haut débit".

Premier volet, l'appel à projets-pilotes s'adresse aux collectivités en partenariat avec les opérateurs. Cinq projets "représentatifs du territoire français" seront retenus. Ils "concerneront des zones à faible et moyenne densité" de population. Les porteurs de projets ont jusqu'au 5 octobre prochain pour se déclarer candidats. "Et il y a déjà beaucoup plus d'appelés qu'il n'y aura d'élus", a prévenu à plusieurs reprises Nathalie Kosciusko-Morizet.

Le deuxième volet concerne l'appel à manifestations d'intention d'investissement. Les opérateurs et collectivités sont appelés à faire connaître, avant le 31 janvier 2011, leurs projets de déploiement de réseaux à très haut débit dans les zones ne nécessitant pas d'aides publiques mais n'étant pas très densément peuplées (hors "zones 1" selon la définition de l'Arcep).

Les guichets de financement correspondant aux appels à manifestations d'intention devraient être ouverts au 1er semestre 2011 : le premier (appelé A) uniquement pour les opérateurs, sous forme de prêts ou de prises de participation (à hauteur d'un milliard), le deuxième (B) pour les collectivités et les opérateurs, sous forme d'aides publiques.

Un troisième volet pour la montée en débit

Un guichet (C) est aussi prévu pour la montée en débit des territoires en attente de la fibre au moyen de technologies alternatives (satellite, NRA-ZO : noeud de raccordement d'abonnés en zone d'ombre ADSL, etc.). "C'est surtout sur ce dernier volet que se focalise la pression des élus territoriaux, ce qui pourrait conduire à augmenter l'enveloppe de 250 millions d'euros initialement prévue", a reconnu Nathalie Kosciusko-Morizet. Un débat persiste, en effet, au sein du gouvernement sur l'usage de ces fonds. Certains voudraient financer un unique projet satellitaire qui permettrait de réserver de la bande passante pour des services publics et, in fine, l'accès de la population au haut débit sur tout le territoire. D'autres plaident pour des projets plus modestes et multiples garantissant la montée en débit des zones rurales et isolées dans l'attente de l'arrivée de la fibre. "La décision n'est pas prise à ce jour et c'est le Premier ministre qui tranchera. Nous avons donc besoin de faire une consultation publique, lancée dès la rentrée de septembre, pour recenser les technologies alternatives disponibles et les comparer", a annoncé la secrétaire d'Etat.

Dans le prolongement des orientations de l'Arcep du 25 février dernier, une étape vient, par ailleurs, d’être franchie au sujet de la montée en débit sur fil de cuivre. L'opérateur historique a modifié ce 1er juillet son offre de référence de dégroupage afin d’y intégrer le raccordement au sous-répartiteur pour permettre l’accès à la sous-boucle. Il a également publié, le 23 juillet, une offre de gros de fourniture d’informations préalables sur la structure de son réseau de boucle locale cuivre. Dès le mois de mars 2010, après la publication de ses orientations sur la montée en débit, l'Arcep avait d'ailleurs mis en place un groupe de travail, rassemblant des opérateurs et des représentants des principales associations de collectivités en vue d’élaborer un cadre pour ces projets. Ces travaux en cours devraient aboutir à la publication d’outils et de recommandations avant la fin de l’année.

Plusieurs consultations publiques en cours

Par ailleurs, l'Arcep a annoncé, le 23 juillet, avoir transmis à l’Autorité de la concurrence son projet de décision relatif au déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire, hors zones très denses, soit environ 80% de la population. "En l’état, le projet de décision de l'Arcep agit favorablement en faveur de la mutualisation, mais ne donne pas de garantie de couverture par les opérateurs privés. Dans le même temps, il applique de nouvelles contraintes aux réseaux d’initiative publique (RIP), en termes d’obligations de co-investissement", a déjà alerté l'Avicca.

L'Arcep a mis aussi en consultation publique, jusqu'au 15 septembre, un nouveau projet de décision sur les conditions économiques de l'accès au génie civil de France Télécom. Le génie civil représente plus de 70% du coût de déploiement de la fibre dans les territoires les moins denses.

L'autorité a encore mis en consultation, jusqu'au 30 septembre, les analyses des marchés de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques de la boucle locale filaire et des offres d'accès à haut débit et très haut débit activées au niveau infranational, ainsi que le bilan du cycle de régulation écoulé (2008-2010).

Enfin, l'Arcep va évaluer, à la demande du gouvernement et d'ici à la fin de l'année, le coût total du déploiement d'un réseau de fibre optique sur l'ensemble du territoire et estimer ce qui peut relever d'un financement privé et ce qui peut nécessiter un financement public. Elle devrait lancer, à l'automne, une consultation publique sur son modèle technico-économique.

Grand emprunt et financement du haut débit, "datacenters" et développement durable, ou encore les TIC accélérateurs de développement des territoires… ces thèmes seront au coeur des discussions de l'université d'été pour les territoires, RuraliTIC, les 30 et 31 août prochains au centre des congrès d'Aurillac (Cantal). La cinquième édition du salon annuel Odébit abordera également tous ces sujets d’actualité les 21 et 22 septembre au Cnit de Paris-La Défense (Hauts-de-Seine). Ces deux manifestations sont d'ailleurs placées sous le haut patronage de la secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'Economie numérique et du ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire.

 

Luc Derriano / EVS

 

Combien d'euros pour la ville numérique ?

 


Nathalie Kosciusko-Morizet et René Ricol devraient publier une synthèse complète de la consultation publique sur les contenus et usages numériques à la rentrée. Plus de 400 contributions ont été reçues en un mois (du 7 juin au 7 juillet). Bien que leur majorité provienne d'entreprises (350 avis exprimés), les pôles de compétitivité, les collectivités territoriales, les universités et les particuliers ont également participé. Les messages portent essentiellement sur le "cloud computing" (informatique en nuage : 47 avis), la ville numérique (44) et l'e-éducation (40). La thématique "ville numérique" englobe des services liés aussi bien à l'environnement qu'au e-tourisme et aux loisirs, au commerce, aux systèmes d'information géographique, à l'emploi et à la formation, à la domotique, sans oublier l'e-administration. Sur cette base, les premiers appels à projets devraient être lancés dans la foulée, "avant la fin de l'été". 2,5 milliards d'euros sont prévus pour ce volet numérique des investissements d'avenir.
"Plus de la moitié de la population de notre planète - près de 3 milliards d'individus - est aujourd'hui composée de citadins. Dans trente ans, c'est-à-dire demain, ils seront 5 milliards vivant dans une trentaine de mégalopoles de plus de 10 millions d'habitants", avait indiqué Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret et rapporteur de la nouvelle délégation à la prospective du Sénat, à l'occasion d'un atelier sur les villes du futur, en avril dernier. Par ailleurs, l'Association communication et information pour le développement durable (Acidd) et Grenoble Ecole de management ont initié un "cluster" qui vise à allier technologies de l'information et développement durable pour répondre de manière opérationnelle aux défis des villes écologiques et numériques du futur. Cette question devrait être abordée à l'occasion de la huitième édition de l'université d'été de la communication pour le développement durable qu'Acidd organise, les 9 et 10 septembre, au château de l'environnement de Buoux (Vaucluse).
L.D.

 

Luc Derriano / EVS

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis