Prospective - Trois milliards de citadins à connecter

"Les villes du futur : rêves ou cauchemars ?" : c'est la question qu'a posée, ce 29 avril à Paris, le deuxième atelier de la nouvelle délégation à la prospective du Sénat. "Plus de la moitié de la population de notre planète - près de 3 milliards d'individus - est aujourd'hui composée de citadins. Dans trente ans, c'est-à-dire demain, ils seront 5 milliards vivant dans une trentaine de mégalopoles de plus de 10 millions d'habitants", a introduit Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret et rapporteur de la délégation pour cet atelier. Pourtant, malgré son précédent rapport –"Demain la ville", en 1998 - "ce sujet est très peu débattu politiquement au niveau national", a regretté l'ancien secrétaire d'Etat aux Collectivités locales. "Or le pire en prospective n'est pas de courir le risque de se tromper mais bien de ne pas réfléchir au problème", a-t-il lancé. Afin de "mettre l'avenir urbain" au cœur du débat politique, cet atelier a donc convoqué, dans un premier temps, des prospectivistes, puis dans un second, des urbanistes et architectes. Historiquement, la prospective dans ce domaine est une "oscillation éternelle entre la ville de science fiction monstrueuse ou la cité radieuse", a expliqué Julien Damon, professeur associé du master Urbanisme de l'Institut des sciences politiques de Paris. "Grâce à internet, nous pensions qu'il n'y aurait plus besoin de vivre en ville. En fait, la concentration s'accélère... C'est parce qu'il y a la ville, parce qu'elle offre la possibilité de se connecter au réseau, qu'il y a des progrès et de l'innovation...", a-t-il conclu. "Les villes sont toujours des cœurs de réseau, des carrefours d'échanges internationaux, des lieux d'ouverture, de culture et de liberté", a convaincu Marc Giget, président de l'Institut européen de stratégies créatives et d'innovation, professeur au Cnam, en évoquant la Babylone de l'antiquité, la Florence de la Renaissance, et son nouveau projet prospectif et utopique de "Cités collines".

 

Le problème, ce n'est pas ville. La ville, c'est la solution !

La Fondation des territoires de demain prépare d'ailleurs un ouvrage sur le sujet des cités du futur qui sont définies selon trois axes : "clusters" de l'économie de la connaissance, "synapses informationnelles" ou "territoire augmenté". "Internet permet de vivre de plus en plus connecté mais les activités humaines, comme la finance par exemple, demandent des temps de réaction de l'ordre de la nanoseconde. Ce qui impose de se trouver à proximité des serveurs et des nœuds d'échanges !", a repris M. Damon. "L'aspect des réseaux virtuel est fondamental mais il ne supprime pas la ville. Nous avons besoin de nous rencontrer : la connexion ne remplace pas le contact physique", a ajouté Jacques de Courson, président de l'association Urbanistes du monde. "Grâce à l'informatique, nous pouvons penser le local, voire le micro-local, et le global en un seul clic", a résumé l'urbaniste et architecte Antoine Grumbach. Les outils d'aujourd'hui -statistiques en ligne, photos aériennes de haute définition, système d'information géographique - permettent de se saisir de la complexité. Les villes nouvelles sont devenues des absurdités. Il faut désormais bâtir sur ce qui existe. "Au fond, l'irruption du virtuel change radicalement la façon dont nous vivons dans les villes. Nous le voyons notamment dans les modifications des mobilités domicile-travail depuis 4 à 5 ans. Nous parlons de villes mais probablement devrions-nous parler de territoires. Car nous habitons de plus en plus des territoires multiples", a insisté l'urbaniste Pierre Veltz, directeur général de l'Etablissement public de Saclay. Jean-Pierre Sueur prépare un nouveau rapport sur les villes du futur, qu'il devrait rendre d'ici un an. Il y évoquera probablement cette nouvelle alliance entre zones urbaines et territoires ruraux, à l'aune de la question du développement des technologies de l'information et de la communication mais aussi du développement durable. "La cité a dans sa nature d'être multiplicité !", aurait conclu Aristote
 

Luc Derriano / EVS

 

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