Le troisième plan national d'adaptation au changement climatique enfin soumis à consultation publique
Le 3e plan national d’adaptation au changement climatique a – enfin – été dévoilé ce 25 octobre, par Michel Barnier. S’ouvre désormais une période de consultation de deux mois, avant son adoption définitive, puis sa déclinaison territoriale, que les COP régionales seront notamment invitées à conduire. Le Premier ministre a entre autres annoncé une augmentation du "fonds Barnier" de 75 millions d’euros en 2025 et confirmé l’organisation prochaine d’une "grande conférence nationale sur l’eau".
C’est donc à Eveux (Rhône), en fin d’après-midi d’un vendredi de vacances scolaires, que le 3e plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc3) aura finalement été dévoilé, et soumis à consultation jusqu'au 27 décembre (ouverture à tous, notamment via le site www.consultation-pnacc.ecologie.gouv.fr, mais aussi conduite de manière sectorielle et territoriale, via les COP régionales). Une semaine après que de fortes précipitations ont touché le Centre-Est de la France (voir notre article du 18 octobre), le choix du lieu ne surprendra guère. Le "timing" aura davantage surpris, alors que le Pnacc était attendu de longue date – en janvier dernier, l'ancien ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait indiqué qu’il serait dévoilé "au début du printemps" 2024 (voir notre article du 19 janvier).
Une trajectoire de réchauffement officielle…
À première vue, le projet n’aura guère bénéficié de cette période supplémentaire – il est vrai quelque peu bouleversée –, tant il semble proche des dispositions sur lesquelles Christophe Béchu avait commencé de lever le voile le 23 janvier dernier (voir notre article du 24 janvier).
Sans surprise, le plan se cale ainsi – et "pour la première fois", est-il souligné – sur une "trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation climatique" (Tracc) de +2°C en 2030, de +2,7°C en 2050 et de +4°C en 2100 en France, suivant ainsi le scénario tendanciel du Giec, également retenu par le Conseil national de la transition écologique (voir notre article du 4 mai 2023).
… à intégrer dans les documents de planification publique
Comme prévu également (voir notre article du 22 mai 2023), cette trajectoire devra être intégrée "dans tous les documents de planification et sectoriels locaux pertinents". Sont mentionnés le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE), le schéma d'aménagement régional (SAR), le plan climat-air-énergie territorial (PCAET), le schéma de cohérence territoriale (SCoT), le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), le schéma (directeur) d'aménagement et de gestion de l'eau (S(d)age), les chartes des parcs naturels régionaux, les documents stratégiques de façade, le schéma régional de développement de l’aquaculture marine. "Les collectivités n’auront plus à se poser la question du scénario climatique à adopter", positive-t-on au cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique. Cette intégration se fera "au fur et à mesure de leur révision", précise le Pnacc, "avec pour objectif que 100% des documents renouvelés intègrent la Tracc en 2030". Un "patch 4°C" (sic), "dont les modalités seront définies en 2024-2025", sera proposé aux collectivités qui viennent de terminer les études préalables à l’élaboration de leurs PCAET sur la base d’autres hypothèses de réchauffement pour les "réaligner avec la Tracc sans nécessiter une révision complète".
5 axes et 51 mesures, et une "grande conférence nationale sur l’eau"
Le plan comprend en outre toujours une cinquantaine de mesures – 51 très exactement –, articulées désormais autour de 5 axes, et non plus 4. En plus de vouloir "protéger la population", "assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels", "adapter les activités humaines" et "protéger notre patrimoine naturel et culturel", le plan vise en effet également à "mobiliser les forces vives de la Nation". Un grand nombre de ces mesures ne surprendront guère, notamment parce que déjà contenues dans d’autres documents du même type, comme le plan eau – que le Pnacc entend renforcer, le Premier ministre ayant par ailleurs confirmé l’organisation prochaine d’une "grande conférence nationale sur l’eau" –, la stratégie biodiversité (solutions fondées sur la nature) ou encore le 4e plan national santé-environnement (prise en compte des zoonoses).
Une "mission adaptation" au service de certains territoires, une déclinaison via les COP
Ou parce que déjà présentées. Ainsi de la "mission adaptation pour les territoires", autrement dit un guichet unique – "une boîte mail commune", précise le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher – permettant aux élus de poser leurs questions ou de saisir cette mission afin de leur apporter "une offre commune en expertise et ingénierie", fournie en coulisses par des agents du Cerema, de l’Ademe, de Météo France, de l’Office français de la biodiversité, de l’Agence nationale de cohésion des territoires et de la Banque des Territoires. Pour mémoire, les différents acteurs de cette mission ont déjà paraphé, le 18 avril dernier, à l’hôtel de Roquelaure, une convention en ce sens. Notons toutefois qu’en l’état le Pnacc mentionne l’accompagnement, "à partir de 2025", de "100 premiers territoires" seulement, par ailleurs non désignés, sans préciser ce qu’il adviendra pour les autres, contrairement à ce que nous avait assuré le ministère au printemps dernier (voir notre article du 18 avril). Le besoin sera pourtant assurément grand, le Pnacc soulignant lui-même que "si l’adaptation appelle un cadre national, sa mise en œuvre est profondément locale". Une orientation confirmée par le Premier ministre, qui a indiqué que "les COP régionales seront invitées à décliner sur leurs territoires ce plan national et à travailler à des diagnostics d’adaptation pour agir dès la fin 2025".
Une cartographie des risques et des études de vulnérabilité…
Par ailleurs, d’autres mesures semblent faire plus ou moins doublon avec des outils existants. Ainsi de la "cartographie d’exposition aux risques naturels" devant être publiée d’ici 2027, qui a vocation à présenter "l’ensemble des aléas climatiques", mission déjà remplie par le site Géorisques. La nouveauté résidera sans doute dans le fait qu’elle intègrera "les effets prévisibles du changement climatique à 2050".
De même, des "études de vulnérabilité" que devront "finaliser" l’an prochain "les entreprises publiques majeures" du secteur des transports (en particulier, SNCF Réseau, qui a déjà initié la démarche), à partir desquelles des "plans d’adaptation des infrastructures et services de transport" devront être établis. Dans ce secteur, relevons que le Pnacc prévoit d’encourager les régions, sur le modèle de la démarche expérimentale de la région Paca lancée en 2023, à mener "des études multimodales portant sur la résilience des différents modes de transport (routes, fer, voies navigables, ports, aéroports)", avec pour ambition d’adopter "un plan unifié pour tous les gestionnaires d’infrastructures et opérateurs de transports du territorial régional".
Ces études de vulnérabilité seront par ailleurs rendues progressivement obligatoires pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques. Une contrainte qui pèsera, "dès 2025", sur celles gérant des infrastructures de transport et d’énergie, et "dès 2026", pour les opérateurs d’importance vitale. Là encore, le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher concède que ce sont des actions "que les entreprises ont généralement déjà engagées, et que l’on valorise dans le Pnacc".
… en particulier pour les établissements de santé et scolaires
À l’issue d’une "étude globale et prospective sur les conséquences du changement climatique sur notre système de santé", une étude de vulnérabilité des 14.245 établissements de santé sociaux et médico-sociaux sera également "initiée" en 2025. Au cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, on souligne que l’objectif est de "mettre en route les travaux le plus rapidement possible", en soulignant que "pour un secteur comme celui de l’hôpital, cela va être assez compliqué, en ce sens qu’il n’y a pas eu beaucoup de travaux sur ces sujets". La récente évacuation, saluée sur X par la ministre de la Santé, des patients de l’hôpital de Vendôme, situé dans une zone de crue pourtant historiquement connue de tous, en témoigne. De même, est prévu un "recensement des établissements scolaires particulièrement menacés par des risques climatiques", une réflexion devant par ailleurs être engagée l’an prochain sur "l’éventualité d’une obligation de mise en place de salles rafraîchies en lien avec les collectivités afin que sa mise en place puisse se déployer lors du futur mandat municipal".
Le fonds Barnier, renforcé, en amont, une assurance pour tous en aval
Alors que le secteur assurantiel est durement impacté par le changement climatique, le Pnacc prévoit en amont de renforcer, dès 2025, le fonds Barnier, tant "pour les mesures de prévention des collectivités (notamment pour protéger des quartiers de ville complets)" que pour celles visant directement les particuliers. Le Premier ministre a annoncé que son enveloppe serait augmentée de 75 millions d’euros en 2025, pour atteindre "300 millions d’euros d’engagements l’année prochaine". Il a également précisé qu’une "part substantielle du fonds vert, même s’il est contraint, sera plus substantiellement consacrée à l’adaptation au changement climatique". Il a souligné qu’alors "modeste chargé de mission dans le tout premier ministère de l’Environnement créé par Georges Pompidou en 1971", il avait "appris très tôt qu’une prévention organisée et efficace coûte moins chère qu’une réparation désordonnée".
Par ailleurs, le Pnacc prévoit un dispositif afin "d’inciter" les assureurs à maintenir une offre "abordable et disponible sur le territoire". Un "observatoire de l’assurance des risques climatiques" sera mis en place à cet effet "pour renforcer la transparence sur l’évolution des pratiques assurantielles". En revanche, aucune mesure récemment préconisée par un rapport commandé par le gouvernement Borne (voir notre article du 2 avril 2024) ne semble avoir été reprise, même pas celle préconisant de renforcer la formation des élus locaux, alors que l’objectif de former tous les agents publics est réaffirmé.
Pas de loi à l’horizon
"Dans un premier temps, on va se concentrer sur les adaptations qui sont ‘sans regret’, pour éviter la mal adaptation, en privilégiant des actions avec des cobénéfices, comme la désimperméabilisation dans les villes, qui permet d’éviter un certain nombre d’inondations mais aussi de lutter contre les îlots de chaleur", indique le cabinet du Premier ministre. Un guide pour "éviter les risques de la mal-adaptation", à destination des collectivités, devrait en outre être publié l’an prochain.
Le Pnacc prévoit également que l’État se montre exemplaire, notamment via l’adaptation des modalités de travail de la fonction publique : horaires décalés, adaptation de tenues de travail, etc. Il entend encore "former tous les agents publics aux enjeux de l’adaptation".
Le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher précise par ailleurs qu’il n’y pas de loi prévue pour mettre en œuvre le Pnacc, même si l’on concède que le travail d’identification des normes à adapter n’a pas encore été totalement conduit. Des évolutions réglementaires seront à tout le moins nécessaires, notamment pour revoir "certains éléments de diagnostic" afin "d’adapter les logements au risque de forte chaleur".
Améliorer le "confort d’été" dans le logement et les transports
Ce sera notamment le cas du logement social, pour lequel il est prévu de faire évoluer les cahiers des charges afin de mieux intégrer le "confort d’été" – un "euphémisme" récemment dénoncé par le directeur général de la Fondation Abbé Pierre, laquelle propose elle aussi "d'intégrer systématiquement des travaux d'adaptation aux vagues de chaleur aux rénovations énergétiques subventionnées par l'État" (voir notre article du 30 août). Il est par ailleurs proposé "d’accélérer la rénovation des résidences sociales, centres d’hébergement, accueils de jour et aires d’accueil des gens du voyage", avec "l’objectif de rénover la majorité des centres d’hébergement pérennes d’ici 15 ans".
Un "confort d’été" qui devra également être amélioré "dans les trains, métros, tramways, bus et cars". À cet effet, une " feuille de route" à destination des autorités organisatrices de la mobilité devrait être établie d’ici la fin de l’année.