PLF 2025 : un budget sous forte contrainte pour la transition écologique
Avec 16,8 milliards d'euros de crédits budgétaires et de taxes affectées en 2025, le ministère de la Transition écologique voit au mieux certaines de ses enveloppes stabilisées. C'est notamment le cas des redevances affectées aux agences de l'eau ou du financement de la stratégie nationale pour la biodiversité. Mais l'heure est au recentrage pour de nombreux dispositifs.
Un "budget de combat" dans un contexte de finances publiques "difficile" : c'est en ces termes que Agnès Pannier-Runacher a présenté à la presse ce 11 octobre les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) 2025 pour son ministère. Ce dernier va bénéficier de 16,8 milliards d'euros de crédits budgétaires (en autorisations d'engagement) et de taxes affectées l'an prochain. Tout en "prenant part à l'effort", son budget augmente de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances 2024, à périmètre constant. Mais s'il apparaît en croissance, c'est du fait d'un "retour à la normale" pour le soutien aux énergies renouvelables (+4,5 milliards d'euros) qui augmente à mesure que les prix de marché de l'électricité baissent, a précisé la ministre. Les effectifs du ministère sont maintenus à leur niveau de 2024, année où ils avaient fortement augmenté et certains opérateurs voient leurs effectifs croître (+31 équivalents temps plein dans le cas de l'Ademe).
Voilure réduite
Si tous les outils de la transition écologique et énergétique sont reconduits, leur voilure a été réduite – c'est le cas notamment des aides au verdissement et du fonds Chaleur. "Ce budget renoue en somme avec les trajectoires d'avant la crise énergétique et le plan de relance, et reste supérieur à ceux de 2019-2021", souligne le ministère dans son dossier de présentation. Face aux contraintes pesant sur les finances publiques, "l'enjeu aujourd'hui est de mieux mobiliser les sources de financement provenant des entreprises, des investisseurs et des banques", a affirmé Agnès Pannier-Runacher. La ministre se dit aussi ouverte à des compromis lors de l'examen du PLF au Parlement, à condition que l'équilibre budgétaire soit maintenu. Elle met également en avant "trois points de vigilance" : le maintien de "l'ambition de lutte contre le dérèglement climatique et de préservation de la biodiversité" ; "le pouvoir d'achat de nos concitoyens" et la "justice fiscale et territoriale" ; "la réindustrialisation du pays", "chaque politique écologique étant à coupler avec une filière adaptée".
Soutien au développement des énergies renouvelables
Dans le détail, c'est le service public de l'énergie qui dispose de l'enveloppe la plus élevée (7,7 milliards d'euros). Outre le soutien au développement des énergies renouvelables, via les charges de service public, précédemment cité, 2025 sera une année de "fort investissement dans les études de 'dérisquage' des champs d'éoliennes en mer" - 125 millions d'euros y seront consacrés, dans la perspective du lancement prochain d'un important appel d'offres (lire notre article). Le chèque énergie (900 millions d'euros) destiné aux ménages modestes pour les aider à régler leurs factures est "sanctuarisé" mais le gouvernement veut revoir ses critères de versement et proposer de nouvelles conditions d'éligibilité. Jusqu'ici, les ménages éligibles étaient identifiés sur la base de leurs revenus et de leur taxe d'habitation (pour déterminer l'occupation). Or, celle-ci a disparu en 2023 pour les résidences principales. Désormais pour déterminer les bénéficiaires, l'administration s'appuiera sur le croisement du numéro de point de livraison d'électricité du logement et sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, dont un des déclarants est titulaire du contrat d'électricité.
Décarbonation des véhicules
Les aides à l'électrification des véhicules qui vont passer de 1,5 milliard d'euros en 2024 à 1 milliard en 2025) vont être "recentrées" vers les publics qui en ont le plus besoin pour leurs déplacements quotidiens. À ce stade, les détails du dispositif n'ont pas été publiés. Le gouvernement n'a pas précisé si le leasing social pour les voitures électriques, qui avait rencontré un fort succès en début d'année avant d'être stoppé net (lire notre article), sera reconduit. Le projet de budget pour 2025 prévoit bien en tout cas pour les véhicules thermiques un malus CO2 alourdi pour "respecter les engagements nationaux et européens en matière de décarbonation des transports routiers". Les voitures neuves émettant plus de 112 grammes de CO2 par kilomètre (g/km) seront taxées à l'immatriculation (pour un achat ou pour une location longue durée) à hauteur de 50 euros par gramme de CO2 supplémentaire. La barre sera ensuite abaissée progressivement à 106 grammes en 2026 et 98 grammes en 2027. Les véhicules les plus polluants seront de plus en plus taxés, jusqu'à 90.000 euros à l'achat en 2027 pour les grosses berlines, SUV et modèles sportifs émettant plus de 185 grammes en 2027.
Outre le malus CO2, le "malus masse" sera aussi alourdi : les voitures pesant plus de 1.500 kilogrammes seront taxées à partir de 2026 (contre 1.600 jusqu'ici), entre 10 et 30 euros par kilogramme en trop. Le programme d'économies touche aussi les entreprises, qui bénéficiaient d'un abattement de ce "malus masse" sur tous les véhicules hybrides non-rechargeables : il sera réservé aux seuls véhicules "performants sur le plan environnemental". Les nouveaux malus CO2 et masse devraient ramener 300 millions d'euros de recettes supplémentaires dans les caisses de l'État.
Sortie de la crise énergétique
À noter aussi, le PLF 2025 prévoit une "hausse des accises sur l’énergie" de 3 milliards d'euros. Bercy rappelle que l’État avait renoncé à la quasi-intégralité des recettes sur l’électricité entre 2022 et 2024 pour soutenir les ménages et les entreprises face à la crise énergétique, "pour un coût d’environ 26 milliards d'euros". Il s’agit de sortir de ce "bouclier fiscal" au 1er février 2025, comme cela avait été acté l’an dernier. Mais le gouvernement s’engage à prendre, début 2025, un arrêté qui garantisse "une baisse d’au moins 9% du tarif réglementé de vente d’électricité". En outre, le projet de budget prévoit la fin de la TVA à taux réduit sur les chaudières à gaz qui était considérée comme une "niche fiscale brune", le gaz étant une énergie fossile. Les travaux d’entretien ou de réparation sur les chaudières existantes ne sont toutefois pas concernés et resteront éligibles aux taux réduits.
Biodiversité, eau, prévention des risques : moyens stabilisés
Les crédits affectés à la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) en 2025 (441 millions d'euros) sont "en ligne avec ce qui sera consommé en 2024", a affirmé Agnès Pannier-Runacher. Le niveau des redevances affectées aux agences de l'eau est lui aussi maintenu (2,3 milliards d'euros).
En matière de prévention des risques et de maîtrise de l'énergie, le budget d'intervention de l'Ademe (dans lequel s'insère le fonds chaleur) est réduit de 1,37 milliard d'euros à 908 millions d'euros. Le fonds de prévention des risques naturels majeurs ou Fonds Barnier, très mobilisé notamment par la hausse des inondations, voit ses moyens stabilisés, à 225 millions d'euros. Mais ses crédits sont en forte hausse (+71%) par rapport à 2020, a souligné la ministre.
Côté opérateurs, les subventions pour charges de service public au bénéfice du Cerema, de l'IGN et de Météo France sont maintenues à leur niveau de 2024 (500 millions d'euros).
Concernant les politiques publiques copilotées avec les ministères chargés des territoires et du logement, le fonds vert, qui voit son budget réduit de moitié, à 1 milliard d'euros, verra ses "objectifs centrés sur les projets écologiques qui ont le plus d'impact" dans les territoires, a souligné la ministre de la Transition écologique. Quant au dispositif MaPrimeRénov', dont tous les crédits (rénovations globales et gestes) sont désormais centralisés sur le programme P135 "pour une meilleure cohérence et lisibilité", il disposera de 2,3 milliards d'euros en 2025, "en ligne avec la prévision de consommation 2024", assure le ministère de la Transition écologique.
Enfin, les moyens dédiés au financement des infrastructures de transport sont poursuivis sur le programme 203 du PLF 2025, avec une augmentation des crédits liée notamment à la hausse des redevances d’accès au réseau ferré payées par l’État à SNCF Réseau. Le soutien apporté à l’exploitation de services de fret ferroviaire augmentera avec en particulier le relèvement de l’aide aux services de wagons isolés qui atteindra 100 millions d'euros. L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) verra ses moyens issus de taxes affectées reconduits à leur niveau de 2023.
› Le plan français d'adaptation au changement climatique lancé d'ici "fin octobre"Le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc-3) du gouvernement français, attendu de longue date, devrait être lancé d'ici fin octobre, a annoncé ce 11 octobre Agnès Pannier-Runacher. "J'ai l'ambition de soumettre à la concertation le plan national d'adaptation au changement climatique avec le Premier ministre d'ici à la fin du mois", a déclaré la ministre de la Transition écologique lors de la conférence de presse sur le projet de budget. Son cabinet a indiqué que la date précise n'avait pas encore été arrêtée. Lancé en 2023 par le précédent ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui en avait fait un des thèmes majeurs de son mandat, ce texte devait à l'origine être présenté à la fin de l'année dernière, avant d'accumuler les retards en raison de diverses autres échéances politiques. Le précédent gouvernement aurait souhaité le présenter avant l'été, mais les élections européennes et la dissolution en ont décidé autrement, laissant planer l'incertitude. Conçu à partir de l'hypothèse d'un réchauffement de 4°C en France d'ici à la fin du siècle (contre 1,7°C à ce stade), ce plan a pour objectif de présenter une série de mesures concrètes destinées à préparer le pays à ses conséquences (inondations, érosion des côtes, canicule ...). Alors que de nouvelles crues ont frappé la Seine-et-Marne et l'Eure-et-Loir ces derniers jours, il est particulièrement attendu et avait été réclamé ces derniers mois aussi bien par les élus et ONG que par la Cour des comptes et le Haut Conseil pour le climat. Ce dernier avait jugé en juin que les "efforts d'adaptation" de la France "rest[aient] en décalage par rapport aux vulnérabilités et aux besoins", prônant dans un rapport un "changement d'échelle" sur l'adaptation, longtemps laissée au second plan par rapport à la réduction des rejets de gaz à effet de serre, et réclamant que le Pnacc-3 soit finalisé et adopté "rapidement". Certains acteurs ayant eu accès au texte du Pnacc-3 du précédent gouvernement s'inquiétaient de l'absence de mesures véritablement contraignantes et de financement dans un contexte de resserrement des budgets de l'État. Pour Agnès Pannier-Runacher, "un des enjeux, ce sera de réfléchir à tous les enjeux assurantiels qui sont associés à cette adaptation", a-t-elle expliqué vendredi. En 2023, "troisième année la plus grave en termes de sinistres climatiques après 1999 et 2022" en France, les catastrophes climatiques ont coûté 6,5 milliards d'euros aux assureurs français, avait annoncé en mars la fédération du secteur. AFP |