Un PLF 2025 centré sur un "freinage" des dépenses
Le projet de loi de finances pour 2025 a été officiellement présenté ce 10 octobre par les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin. Au-delà des mesures touchant directement aux finances des collectivités territoriales, déjà connues, les acteurs locaux y relèveront entre autres les mesures liées à l'emploi (suppression des emplois francs, moindre soutien aux contrats aidés et à l'apprentissage...), le recalibrage de MaPrimeRénov', la confirmation de la fonte du fonds vert ou encore la non-suppression de la CVAE. De nombreux amendements gouvernementaux sont envisagés.
Michel Barnier a dit souhaiter ce jeudi 10 octobre, jour de présentation du projet de loi de finances pour 2025, marqué par 60 milliards d'euros d'économies, que l'effort demandé "soit juste" et" équilibré". "L'attractivité ou la crédibilité de la signature française doit être préservée", a ajouté le Premier ministre devant la presse en marge d'un déplacement dans la Vienne. Ceci avant le verdict des agences de notation sur la solidité financière de la France ces prochaines semaines, dont Fitch dès ce vendredi. Ce projet de budget "sera perfectible", a-t-il assuré. "On a fait déjà des aménagements, on en a d'autres qui seront faits par amendements gouvernementaux" et le Parlement "aura la capacité" d'améliorer le texte, à condition de "préserver les équilibres que nous souhaitons", a-t-il développé.
Quelques heures plus tard et avant un conseil des ministres exceptionnellement organisé en soirée, les deux nouveaux locataires de Bercy, Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, ont présenté ce PLF 2025 à la presse. En rappelant l'objectif qui avait été fixé par le chef du gouvernement lors de sa déclaration de politique générale : passer sous le seuil des 3% de déficit d'ici 2029… et descendre à 5% dès 2025.
"Le déficit pour 2024 devrait atteindre et dépasser les 6%" et dans la mesure où "les dépenses publiques progressent mécaniquement d’une année sur l’autre, du fait notamment de l’inflation, du vieillissement démographique et de la hausse des taux d’intérêt (…), si nous ne faisons rien, le déficit atteindrait en 2025 environ 7% du PIB", a déclaré Laurent Saint-Martin, le ministre du Budget et des Comptes publics.
La recette retenue avait là encore été fournie par Michel Barnier le 1er octobre : les deux tiers de "l'effort de redressement" porteront sur des baisses de dépenses tandis qu'un tiers relèvera de hausses de recettes fiscales.
Les deux premiers tiers représentent 41,3 milliards d'euros de "moindres dépenses par rapport au tendanciel", autrement dit par rapport au volume de dépenses qui serait atteint en 2025 si aucune mesure n'était prise, explique-t-on à Bercy. Il ne s'agit donc pas, du moins pas toujours, de baisses réelles de crédits, mais plutôt de moindres hausses, d'un "freinage". Ainsi, il y aura bien toujours une hausse de la dépense publique, mais ramenée à 0,4%, au lieu de 2,5% "si rien n'était fait". Une méthode de calcul questionnée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis rendu ce jeudi. Un avis selon lequel, globalement, "les prévisions restent un peu optimistes et l'information est peu documentée, et du coup les résultats sur les recettes et les dépenses sont fragiles", tel que l'a résumé son président, Pierre Moscovici.
"Le cadre est intangible"
Sur ces 41,3 milliards, 21,5 milliards reposeront sur l'État et ses opérateurs, 14,8 milliards sur la sécurité sociale (et relèvent dont eux non pas du PLF mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, également présenté ce 10 octobre – Localtis y reviendra dans une prochaine édition) et, on le sait, 5 milliards sur les collectivités locales.
Le contenu de ce volet collectivités était connu depuis mardi avec sa présentation au Comité des finances locales et a déjà suscité beaucoup de réactions. Il a même donné lieu à un chiffrage collectivité par collectivité (voir notre article de ce jour). En résumé, ce volet consiste en ce que Bercy nomme un "mécanisme de résilience" ou de "mise en réserve" (3 milliards d'euros), en un "écrêtement de la dynamique" (autrement dit un gel) de la TVA (1,2 milliard) et en une réduction du FCTVA (800 millions). "Nous y travaillerons avec les collectivités. Il ne s’agit en aucun cas de distribuer les bons et les mauvais points, ni d’enrayer l’investissement local, qui est un puissant moteur de croissance et d’activité dans notre pays", a assuré le ministre du Budget, tout en insistant plusieurs fois sur le fait que "le cadre est intangible".
Du côté de l'État, sur les 21,5 milliards d'"efforts", 15 milliards traduisent en fait les lettres plafonds du gouvernement Attal visant à "stabiliser en valeur les crédits" par rapport à la précédente loi de finances, 1,5 milliard concernera les opérateurs (notamment par des rapprochements, par exemple entre Atout France et Business France) et 5 milliards d'économies supplémentaires viendront s'ajouter par voie d'amendements gouvernementaux (et ne figurent donc pas dans le texte actuel).
Sortir des boucliers
Le premier contributeur sera les politiques de l'emploi. "Dès lors que le chômage atteint ses niveaux les plus bas depuis 40 ans, nous pouvons adapter nos mesures et l’ampleur du soutien", a justifié Laurent Saint-Martin. Au programme notamment, la suppression des emplois francs et une "réduction de l’ampleur du soutien" aux contrats aidés. Sur l'apprentissage, le montant des primes sera "ajusté" (il pourrait s'agir d'une aide unique ramenée de 6.000 à 4.500 euros, ou bien d'une "modulation par niveau de qualification" ou "par taille d'entreprise"). France Compétences devra "modérer" ses dépenses. Et France Travail devrait compter un millier d'agents en moins.
Les aides aux entreprises sont aussi dans le viseur, avec un "lissage" des engagements et paiements liés à France 2030 et une "rationalisation" des dispositifs. En sachant que le PLFSS prévoit de son côté de revenir sur certains allègements de cotisations. L'idée globale étant notamment de "supprimer les aides exceptionnelles et les boucliers, que nous pouvons débrancher avec la fin des crises et de l’inflation", selon le ministre du Budget.
Sortir des boucliers… vaudra par ailleurs, c'est acté, sur le bouclier tarifaire sur l’électricité. Un abandon qui, assure Bercy, sera compensé par les baisses de prix de l'électricité. De même, diverses aides à vocation énergétique ou écologique vont être "recalibrées". Notamment MaPrimeRénov', avec 1 milliard de baisse de crédits, baisse liée à la sous-exécution des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2024. Même chose pour les primes à l'achat de véhicules électriques.
Et les collectivités retiendront surtout une confirmation : le fonds vert sera bien ramené de 2,5 milliards à 1 milliard en engagement. La fiche consacrée à la mission "Écologie, développement et mobilité durables" indique en outre que ce fonds "sera rapproché de manière plus structurelle des autres dotations d’investissement aux collectivités territoriales, pour simplifier les démarches des collectivités tout en s’assurant de la qualité environnementale des projets soutenus". Et que les décaissements devraient augmenter en 2025 "à mesure que les projets d’investissement se réalisent, à 1,1 milliard d'euros.
CVAE : suppression de la suppression
Au total, environ 2.200 suppressions de postes sont prévues, "réparties entre les ministères et les opérateurs de l’État", le ministre de l'Économie insistant particulièrement sur cette dimension "maîtrise de l’ensemble des emplois publics". Outre France Travail, la DGFIP sera concernée… mais aussi voire surtout l'Éducation nationale avec 4.000 postes d'enseignants en moins en lien, nous dit-on, avec la baisse du nombre d'élèves (on comptera en revanche 2.000 AESH de plus). Les effectifs de l'Intérieur et des Armées seront, eux, préservés.
Les budgets des ministères de l'Intérieur et de la Justice pourraient d'ailleurs se voir rehaussés par voie d'amendements. Laurent Saint-Martin a cité d'autres mesures qui devraient venir compléter le PLF au cours de l'examen parlementaire : un abondement de 50 millions d'euros des dotations versées à la Poste ; 50 autres millions supplémentaires pour l'Anru ; des crédits supplémentaires en faveur du financement du patrimoine ; le maintien du rendement de la réduction de loyer de solidarité (RLS) à son niveau de 2024 "pour soutenir la construction par les bailleurs sociaux de nouveaux logements" (sachant que les bailleurs, eux, demandaient la suppression de la RLS) ; l'extension souhaitée par Michel Barnier du prêt à taux zéro (PTZ) à tout le territoire pour les primo-accédants.
S'agissant des nouvelles recettes fiscales, les deux principales "contributions" envisagées ont été confirmées. D'une part, celle sur les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d'euros, soit 440 groupes, qui paieront "un complément exceptionnel sur leurs profits", tel que l'a exposé Antoine Armand. D'autre part, celle sur quelque 65.000 foyers disposant des plus hauts revenus (percevant plus de 250.000 euros annuels pour une personne seule).
À retenir par ailleurs : il a été décidé de reporter la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)… ou plutôt de ce qu'il en restait. "Je n’ai pas changé d’avis sur cet impôt qui pénalise en particulier notre industrie. Cette baisse reprendra dans trois ans et nous l’inscrivons dans la loi, même si nous ne pouvons pas nous le permettre budgétairement aujourd’hui", a déclaré là-dessus Antoine Armand.
Ce PLF doit être présenté dès ce vendredi 11 octobre devant la commission des finances de l'Assemblée nationale.