PLF 2025: le gouvernement prévoit d'encadrer les recettes des collectivités
Les collectivités devront fournir un effort de 5 milliards d'euros pour contribuer au retour du déficit public à 5% du PIB l'an prochain. C'est ce que souhaite le gouvernement dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Les ministres chargés des Collectivités et du Budget ont présenté leur plan ce 8 octobre devant le Comité des finances locales (CFL). Ils prévoient notamment un prélèvement de 3 milliards d'euros sur les recettes de 450 grandes collectivités. Les élus locaux redoutent un brutal repli de l'investissement local.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 tel que bâti par le gouvernement prévoit "une ponction sans précédent" sur les collectivités "pour une seule année", s'est alarmé devant la presse, ce 8 octobre en milieu de journée, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel.
L'organisme de concertation sur les finances des collectivités venait de se réunir en présence des ministres chargés du Partenariat avec les collectivités et des Comptes publics, respectivement Catherine Vautrin et Laurent Saint-Martin. Ces derniers étant venus présenter, à l'avant-veille de la présentation en conseil des ministres de ce PLF pour 2025, les grandes lignes concernant les collectivités locales. Un ensemble de mesures placées sous le signe des économies, avec un objectif global fixé à 40 milliards d'euros l'an prochain pour la sphère publique, dont environ 5 milliards d'euros pour les collectivités territoriales. Le chiffre qui circulait depuis quelques jours a donc été confirmé. Il représente 2% des recettes de fonctionnement locales en 2025, selon le gouvernement.
"Ponction" sur les recettes
Cet effort passera par la mise en place de nouveaux dispositifs qui ont en commun de restreindre les recettes des collectivités, et non plus leurs dépenses (comme ce fut le cas avec les contrats dits de Cahors avant la crise sanitaire). Il ne s'agit pas non plus d'un retour à la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) décidée sous le quinquennat de François Hollande. Le gouvernement de Michel Barnier prévoit en effet une stabilité de la DGF (en euros courants) en 2025.
Le premier étage de la fusée sera "un mécanisme de précaution pour les collectivités", qui conduira à "une mise en réserve de fonds", à hauteur de 3 milliards d'euros en 2025. Le but est d'"associer" la sphère locale "à l'effort de redressement des comptes publics" et de "renforcer à terme les mécanismes locaux de précaution et de péréquation". "Son produit restera affecté aux collectivités", assure le gouvernement, qui ne peut toutefois encore préciser les modalités de cette redistribution.
Concrètement, en cas de dépassement d'un certain solde de déficit par les collectivités dans leur ensemble, un prélèvement sera opéré sur les recettes (plus exactement sur les douzièmes de fiscalité) des plus grandes d'entre elles, dans la limite de 2% des recettes de fonctionnement.
Le mécanisme concernera les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d'euros. Environ 600 collectivités et groupements de communes à fiscalité propre répondent à ce critère, les syndicats étant a priori exclus. Mais la situation financière locale sera aussi examinée pour exonérer les plus fragiles, ce qui devrait conduire à établir une liste de 450 entités visées par ce mécanisme d'auto-assurance. On sait d'ores et déjà que vingt départements* seront exonérés de contribution.
Par comparaison, le dispositif de limitation des dépenses des collectivités mis en œuvre en 2018 et 2019 concernait 321 collectivités ayant des dépenses de fonctionnement supérieures à 60 millions d'euros.
Coup de frein sur la TVA
En complément, les recettes de TVA affectées aux collectivités vont être gelées, représentant une économie de 1,2 milliard d'euros pour l'Etat en 2025. Ainsi, mois après mois, l'impôt national destiné à compenser les collectivités pour la suppression notamment d'une partie de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, voit sa dynamique remise en cause. Les dernières estimations de Bercy faisaient état d'une croissance de la TVA de 1,3% en 2024 (contre une prévision de +4,5% dans la loi de finances pour 2024). Les régions - dont les budgets dépendent désormais pour plus de la moitié de recettes de TVA - seraient a priori les plus affectées.
La dernière grande mesure d'économie passerait par une amputation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) qui représente une dépense de 7,1 milliards d'euros pour l'Etat en 2024. Ce remboursement partiel octroyé aux collectivités pour la TVA acquittée sur leurs investissements serait réduit de 800 millions d'euros en 2025.
A ces 5 milliards d'euros d'économies s'ajoutent les coupes budgétaires de 1,5 milliard d'euros sur le fonds vert (qui sera ramené de 2,5 à 1 milliard d'euros l'an prochain), puisque celles-ci ont été confirmées. Il faut enfin prendre en compte la perte de "3 milliards d'euros" liée à l'absence de revalorisation des transferts financiers de l'Etat sur l'inflation ("+3% pour le panier du maire" l'an prochain), estime André Laignel. Qui évalue donc à un total de 9,5 milliards d'euros la "ponction" que les collectivités subiront l'an prochain. Une somme qui, on le notera, ne comprend pas la hausse des cotisations retraite dues par les employeurs territoriaux envisagée par le gouvernement pour réduire le déficit du régime de retraite des agents des collectivités et des hôpitaux, la CNRACL (une "trajectoire de retour à l'équilibre de la CNRACL à partir de 2025" a en tout cas fait partie des points exposés par le gouvernement devant les membres du CFL). Selon les experts, un point de hausse des cotisations représente un peu plus de 350 millions d'euros.
"Investissements en panne"
"Nous n'acceptons aucune des mesures" d'économies prévues sur les collectivités, a déclaré le président du CFL (qui n'a pas lui-même évoqué la hausse des cotisations retraite destinées à la CNRACL). "Il est inutile qu'on veuille nous faire des discours sympathiques sur la confiance à retrouver (entre Etat et collectivités, NDLR), alors que les actes immédiats sont, à l'inverse, la parole bafouée", a-t-il fustigé.
"L'Etat lui-même va avoir une politique financière de récession pour son propre compte et, en plus, il demandera aux collectivités territoriales d'être des acteurs de la récession", a également critiqué le maire d'Issoudun. Les mesures présentées "garantissent", selon lui, "la panne des investissements des départements", et "un coup de frein brutal aux investissements du bloc communal".
Elles reviennent à raboter de 20% l'épargne nette des collectivités (c'est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement, dont sont déduits les remboursements de dette), alerte également Franck Claeys, délégué adjoint de France urbaine, l'association qui fédère les grandes villes et leurs intercommunalités. Mécaniquement, les collectivités qui peuvent encore emprunter choisiront cette option pour poursuivre leurs investissements. Ou bien elles renonceront à une partie de leurs dépenses d'équipement, analyse l'expert. Il rappelle que l'année qui avait suivi la première baisse de 3 milliards d'euros de la dotation globale de fonctionnement, l'investissement local avait chuté de "25%". Or l'effort demandé aujourd'hui aux collectivités serait "deux fois supérieur" à celui qui était réclamé "au plus fort de la baisse des dotations".
Le gouvernement s'emploie lui à relativiser l'ampleur de son plan. Il intervient "dans un contexte où tout le monde se serre la ceinture", affirme-t-il, rappelant que l'Etat doit réduire ses dépenses de 20 milliards d'euros et la Sécurité sociale de 15 milliards d'euros. Les collectivités, souligne-t-il, devraient ainsi réaliser 12,5% de l'effort d'économies de dépenses l'an prochain alors qu'elles représentent 20% de la dépense publique.
* Il s'agit en métropole des départements suivants : Nord, Pas-de-Calais, Seine-Saint-Denis, Hérault, Collectivité de Corse, Gard, Aisne, Aude, Pyrénées-Orientales, Ardennes, Aveyron, Nièvre, Creuse, Ariège, Lozère. En Outre-Mer, seront exonérés de prélèvement les départements de la Réunion, de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane, ainsi que Mayotte.