Maîtrise des finances publiques : pour le gouvernement, les collectivités devront prendre leur part

Face au dérapage des comptes publics, le nouveau gouvernement veut en priorité tailler dans les dépenses publiques. Devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, ce 25 septembre, le ministre chargé des Comptes publics a promis que "des choix forts" seront annoncés prochainement. Laurent Saint-Martin a aussi mis en avant la nécessaire participation des collectivités locales au redressement des comptes publics. Un souhait partagé par le ministre de l'Économie, qui était également auditionné. Le ministre du Budget va réunir "tout prochainement" les élus locaux "pour discuter de la trajectoire financière des collectivités à partir de 2025".

A l'instar de leurs prédécesseurs avant la dissolution de l'Assemblée nationale, les nouveaux ministres en charge des Finances et du Budget, respectivement Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, entendent faire participer les collectivités territoriales à la maîtrise de finances publiques dont le déficit en 2024 risque de dépasser 6% du PIB, selon les dernières prévisions de Bercy. État, Sécurité sociale et collectivités territoriales : chacune des administrations publiques "devra prendre sa part" à "l'effort" que la France devra faire pour revenir sous la barre des 3% de déficit public, limite admise par l'Union européenne, a déclaré le nouveau ministre de l'Économie lors d'une audition le 25 septembre par la commission des finances de l'Assemblée nationale. En se disant notamment "persuadé que l'ensemble des collectivités et de leurs représentants sont attachés à un meilleur équilibre, pas seulement de leurs comptes, mais bien des comptes de l'État".

"Problème collectif de dépenses publiques"

"Notre pays a un problème collectif de dépenses publiques", a diagnostiqué son collègue chargé des Comptes publics, qui était lui aussi auditionné par les députés de la commission des finances ce 25 septembre. Celles-ci "ont considérablement augmenté", a confirmé Antoine Armand. "Depuis 2019, c’est une hausse de 100 milliards d'euros pour les dépenses de l’État, 50 milliards d'euros pour l’Ondam [autrement dit les administrations de Sécurité sociale] et 50 milliards d'euros pour les collectivités locales", a-t-il précisé. "L’État a été présent aux côtés des collectivités, notamment pendant la crise pandémique. (…) Aujourd’hui, nous avons besoin des collectivités", a avancé par ailleurs le ministre du Budget.

Laurent Saint-Martin a annoncé qu'il réunirait "cette semaine l’ensemble des parties prenantes à cet effort collectif", à savoir les "parlementaires, les partenaires sociaux et les élus locaux". Plus spécifiquement avec "l'ensemble des associations" qui représentent les élus locaux, il s'agira de "discuter de la trajectoire financière des collectivités à partir de 2025". D'autres réunions seront sans doute envisagées rapidement. La France a en effet obtenu de Bruxelles un délai, mais seulement jusqu'au 31 octobre, pour présenter sa trajectoire pluriannuelle des finances publiques. La date butoir initiale était le 20 septembre.

Le but des prochains rendez-vous avec les représentants des élus locaux est de "se donner peut-être ensemble un certain nombre de principes communs dans les prochaines années, pour réussir à maîtriser l'ensemble de nos dépenses, d'où qu'elles viennent", a indiqué Antoine Armand.

"Coconstruire avec les élus locaux"

Son collègue des Comptes publics - qui, nouveauté, est rattaché au Premier ministre - veut également profiter des réunions avec les élus locaux pour aborder une question "de prospective" : "Comment est-ce qu'on demande aux collectivités, demain, d'avoir un rôle dans les finances publiques de notre pays ?". Laurent Saint-Martin a rappelé à ce sujet que la Constitution française "ne donne pas d'autonomie fiscale" aux collectivités, "mais une autonomie financière". 

"Nous avons absolument besoin de coconstruire" avec les représentants des collectivités, a estimé le ministre de l'Économie. Et pas seulement pour "partager la contrainte", a-t-il dit. "Nous ne réussirons ni l'amélioration des services publics, ni la transition écologique et la réindustrialisation sans les collectivités, et notamment sans celles qui ont des compétences en matière de développement économique", a complété Antoine Armand. En précisant qu'il rencontrerait "dans les prochains jours" les représentants des régions et des intercommunalités. De bonnes intentions qui devraient être bien perçues du côté des élus locaux. 

Économies : il y aura "des choix forts" 

Le locataire de Bercy a aussi évité de mettre de l'huile sur le feu après la vive polémique suscitée par les propos tenus au début du mois par Bruno Le Maire et Thomas Cazenave sur les dépenses des collectivités en 2024, désignées comme le "risque principal" de la dérive du déficit public (voir notre article). "Tirer d'un chiffre macroéconomique [en l'occurrence la prévision d'un "déficit" des collectivités locales de 16 milliards d'euros en 2024] une conséquence sur la gestion et la manière de faire des collectivités locales et de leurs représentants pourrait parfois être imprudent", a-t-il déclaré, en expliquant que "chaque commune est gérée différemment". Un peu plus tôt, Laurent Saint-Martin avait lui aussi pris des précautions de langage. "Je ne suis pas là pour distribuer des bons et des mauvais points" aux collectivités locales, avait-il dit.

Pour "redresser nos dépenses publiques", Laurent Saint-Martin a promis qu'il proposerait "dans les jours prochains", avec son collègue chargé de l'Économie, "des choix forts" fondés sur une stratégie qui, sur le fond, ne diffère pas de celle du gouvernement Attal. Avec une priorité donnée à la réduction des dépenses publiques, qui ne doit pas affecter les "outils de la croissance", et en recherchant simultanément une plus grande efficacité de l'action publique.

Michel Barnier présentera les pistes privilégiées pour redresser les comptes le 1er octobre, lors de sa déclaration de politique générale, son premier test politique devant le Parlement.

PLF 2025 présenté autour du 9 octobre

S'agissant des économies à réaliser en 2024, Laurent Saint-Martin a indiqué qu'il souhaitait le "maintien" du gel de 16,5 milliards d'euros de crédits du budget de l'État décidé cet été par Bercy, avec "une part d'annulation" de ces crédits (qui serait actée dans le projet de loi de finances de fin de gestion soumis au Parlement en fin d'année). "Nous n’avons pas de marge de manœuvre en 2024", a-t-il estimé. L'État pourrait-il compter en plus sur de nouvelles recettes fiscales – par exemple des hausses ciblées d'impôts - dès l'exercice 2024 ? Le gouvernement n'a pas encore pris d'arbitrage sur ce point, selon le ministre chargé des Comptes publics. Le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative pour 2024 dépendra donc de cette décision.

Le gouvernement "se base" sur les plafonds de dépenses du budget de l'État pour 2025 décidés par l'ancien Premier ministre, Gabriel Attal, pour préparer le projet de loi de finances pour 2025. Mais le projet de texte, que le nouveau gouvernement déposera au cours de "la semaine du 9 octobre", pourrait être différent de la première copie. Le gouvernement de Michel Barnier ne s'interdit pas notamment de revoir le montant total de 492 milliards d'euros de dépenses mentionné dans l'ébauche de budget 2025. Un montant, qui, pour rappel, équivaut à reconduire - sans prendre en compte l'inflation - le montant du budget inscrit dans la loi de finances pour 2024. Dans ce scénario, l'État réaliserait 10 milliards d'économies l'an prochain.