Finances locales : les dernières préconisations de Bruno Le Maire

Auditionné le 9 septembre par les députés de la commission des finances, le ministre démissionnaire a eu l'occasion de distiller des conseils au prochain gouvernement pour maîtriser le déficit public. Parmi elles : la convocation du Haut Conseil des finances publiques locales, afin de trouver par le "dialogue" les moyens d'associer les collectivités au redressement des comptes publics. Et l'octroi d'un plus grand pouvoir de décision à ces dernières, par exemple sur le point d'indice de la fonction publique.

Garder le cap d'un déficit public à 5,1% en 2024, ramené progressivement à 3% en 2027, est "à la portée" de la France, a estimé lundi 9 septembre Bruno Le Maire. Au cours d'une audition aux allures d'examen de ses sept années passées à Bercy, le ministre démissionnaire de l'Économie a égrené ses recettes pour y parvenir. Des pistes que le gouvernement dirigé par Michel Barnier sera libre de suivre ou pas, mais qui ne sont guère nouvelles, puisqu'elles avaient déjà été présentées au printemps par l'ex-homme fort de Bercy.

Parmi elles : l'association des collectivités locales à l'effort de redressement des comptes publics. Dans ce but, Bruno Le Maire a suggéré que le Haut Conseil des finances publiques locales – une nouvelle instance politique regroupant l'État et les représentants des trois principales associations d'élus locaux, qu'il a installée il y a un an (voir notre article) – soit réuni "rapidement". L'idée étant d'examiner "dans le dialogue, pas dans la contrainte", les "mesures qui peuvent être prises sans affecter les petites communes et les départements qui peuvent être en grande difficulté". Les départements, a-t-il admis, sont "confrontés à une baisse des recettes de DMTO [droits de mutation à titre onéreux] et à l'explosion des dépenses sociales", notamment celles qui sont liées aux mineurs isolés. "Regardons ça, sans nier pour autant que dans d'autres collectivités, il va y avoir des dépenses de fonctionnement qui vont augmenter et ne sont pas toujours justifiées", a complété le locataire de Bercy.

Accorder "plus de liberté" aux collectivités

En avril, il avait souhaité que les collectivités locales modèrent leurs dépenses de fonctionnement (de 0,5 point en deçà de l'inflation) afin que ces dernières soient contenues de 2,5 milliards d'euros en 2024. Mais les élus locaux avaient rejeté cet objectif (purement indicatif) inscrit dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

Le Haut Conseil des finances publiques locales pourrait examiner les causes du dynamisme de la dépense publique locale et s'intéresser aux normes qui contribuent à leur accélération, a pointé Thomas Cazenave, qui était lui aussi auditionné. Le ministre délégué chargé des comptes publics du gouvernement Attal est sur la même longueur d'ondes que Bruno Le Maire. Lequel a prôné une plus grande "liberté" en faveur des collectivités. Quand "on rajoute systématiquement" à ces dernières "des contraintes, des règles, des normes qui ont un coût, et qu'elles n'ont pas les moyens de les mettre en place, je comprends qu'elles puissent se poser des questions", a-t-il déclaré, mettant en avant son expérience d'élu local pendant "dix ans". Sa "conviction absolue" sur le sujet : "Plus de liberté pour les collectivités locales donnera de meilleurs résultats sur les finances publiques". Il faudrait ainsi, selon Bruno Le Maire, laisser les collectivités libres de décider de l'évolution du point d'indice de la fonction publique, alors qu'aujourd'hui toute augmentation dans ce domaine leur est "imposée". "Les fonctionnaires des catégories C et B" qui "n'arrivent pas à boucler les fins de mois" ne sont pas "le problème des collectivités", a réagi l'écologiste Danielle Simonnet.

"Créer de la confiance" entre l'État et les élus locaux

Pour atteindre l'objectif d'un déficit public à 5,1% à la fin de l'année (contre 5,6% si rien n'est fait), Bruno Le Maire a également conseillé au prochain gouvernement d'utiliser la réserve de précaution de "16,7 milliards d'euros" de crédits, constituée jusqu'à ce jour sur le budget 2024 de l'État. "On peut annuler une partie" de cette somme, a-t-il jugé. Enfin, le ministre a préconisé que soit présentée "rapidement" un projet de loi de finances rectificative permettant de lever des recettes nouvelles (3 milliards d'euros initialement prévus) sur les rachats d'actions et la "rente" des entreprises du secteur de l'énergie.

Plusieurs députés ont saisi l'occasion de cette audition fleuve pour s'indigner des propos que les ministres de Bercy ont tenus au début du mois sur les dépenses des collectivités locales (voir notre article). Comme la socialiste Sophie Pantel, ancienne présidente du conseil départemental de Lozère, qui a mis en parallèle la supposée dérive de 16 milliards d'euros des dépenses locales en 2024 et les "20 milliards d'euros" que l'État doit "aujourd'hui" aux départements au titre des allocations individuelles de solidarité. "On a besoin de créer de la confiance entre l'État et les associations d'élus et ne je crois pas que les propos de ces derniers jours y contribuent", a regretté pour sa part la socialiste Christine Pires Beaune. En prenant la défense de collectivités accablées de dépenses contraintes.

"Déficit inédit des collectivités"

"Il ne s'agit pas de dire que les élus locaux sont des mauvais gestionnaires", mais "juste de constater que la contribution des collectivités locales à l'effort de redressement des comptes publics n'est pas intégrée dans les choix des décideur locaux et notamment dans le cadre de leurs budgets, aussi bien en fonctionnement qu'en investissement", a rétorqué Thomas Cazenave. Le ministre délégué aux Comptes publics du gouvernement Attal a de nouveau fait part de son inquiétude : "Il faut au moins remonter 25 années en arrière pour retrouver ce tel niveau de déficit (pour les collectivités)".

Selon lui, à la fin de l'année, les dépenses de fonctionnement du secteur public local pourraient avoir progressé de 7% (contre +4% prévus initialement) et l'investissement local pourrait avoir fait un bond de 15% (quand les prévisions tablaient sur +8%).

"Je n'arrive pas à comprendre", a déclaré Charles de Courson (Liot), rapporteur général du budget. Sur la base de la situation comptable des collectivités au 31 juillet (mise en ligne mis août), l'ancien membre du Comité des finances locales évalue le dérapage des dépenses des collectivités à 3 milliards d'euros par rapport aux prévisions. "Ce n'est pas ça qui explique 0,5 point de plus de déficit en 2024", a-t-il critiqué. En mettant plutôt l'accent sur les recettes de l'État qui ne sont pas au rendez-vous. Le "grand dérapage" est là, a-t-il pointé.

 

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