PLF 2025 : les associations d'élus vent debout contre la "ponction" sur les collectivités

"Mécanisme de précaution", gel de la TVA... les mesures prévues par le gouvernement pour associer les collectivités au redressement des comptes publics, pour un montant d'environ 5 milliards, est évidemment peu au goût des associations d'élus. Régions, départements, petites et grandes villes... de toutes parts, celles-ci l'ont fait savoir haut et fort. 

Les propos d'André Laignel, le président du Comité des finances locales (CFL), juste après la présentation des dispositions du projet de loi de finances concernant les collectivités (voir notre article d'hier sur le détail de ces mesures) le laissaient largement présager : le lot des mesures constituant "la contribution des collectivités au redressement des finances publiques" a suscité une levée de boucliers de la part des associations d'élus locaux. Chacune d'elle estimant peu ou prou que le niveau de collectivités qu'elle représente sera particulièrement affecté et risque donc de moins investir.

Ainsi, Régions de France affirme que les régions seront les plus "impactées". Ce devrait effectivement être le cas au moins concernant le gel des recettes de TVA puisque la moitié des budgets régionaux dépendent aujourd'hui de ces recettes. L'association présidée par Carole Delga a fait les comptes : les mesures annoncées pourraient représenter une "ponction" de 1 milliard d'euros pour les régions. Le gouvernement a lui-même indiqué que l'effort demandé aux collectivités pour l'an prochain représentera 12,5% des économies totales prévues. Or, rappelle Régions de France, les collectivités "représentent seulement 3,5% du déficit en 2023". "L’effort doit être proportionné et juste, par rapport à l’Etat, mais également entre strates de collectivités et tenir compte des disparités de situation", peut-on lire encore dans son communiqué. Elle estime que ce PLF "entraînera une baisse significative de l’investissement" des régions et aura donc des conséquences directes sur "le développement économique et l’emploi, les transports, la transition écologique, la formation professionnelle".

Départements de France regrette également que le gouvernement ait choisi d'"amalgamer des réalités très différentes sous l'expression 'collectivités locales'" et de "passer indistinctement tout le monde au rabot" alors que "les départements remplissent un rôle singulier" reposant sur deux piliers, le social et "l'équilibre ville / campagne". "L’effort, nous le portons déjà en suppléant les carences de l’État à hauteur de 17 milliards d'euros. Près d’un tiers des 103 départements est en passe de ne plus pouvoir le supporter et doit impérativement être aidé, et non simplement dispensé gracieusement de toute contribution", écrit François Sauvadet, en allusion au fait que vingt départements jugés fragiles seront exonérés de contribution sur leurs recettes, que le gouvernement a qualifié de "mécanisme de précaution".

Du côté des associations d'élus représentant le bloc local, même unanimité contre ce qui a été présenté mardi au CFL. L'Association des petites villes de France (APVF) dit son "inquiétude" et souligne que bien que le redressement des comptes publics soit "nécessaire", celui-ci ne doit pas "se faire au prix de l’investissement des collectivités". L'APVF reconnaît que le mécanisme ou fonds de précaution ne devrait pas concerner directement les villes qu'elle représente (puisqu'il ne s'appliquera qu'aux collectivités ou EPCI dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d'euros). En revanche, le gel de la dynamique de la TVA risque de toucher de plein fouet les petites villes et "remettrait en cause [leurs] plans de financement pour l'année 2025".

Qu'en disent les grandes villes ? France urbaine (grandes villes et agglos, métropoles) ne comprend pas "la volonté du gouvernement de concentrer la demande d’effort sur les 450 plus grandes collectivités" alors même "deux tiers des Français en situation de pauvreté résident dans les grandes agglomérations". Pas plus qu'elle ne comprend comment on peut envisager un prélèvement de 2% de leurs recettes de fonctionnement "à seulement quelques semaines" du vote de leurs orientations budgétaires. Et ce, "de façon verticale et sans concertation". Comme l'avait rappelé dès mardi auprès de Localtis son délégué adjoint, Franck Claeys, France urbaine souligne que "l’amputation bien moindre de le DGF, il y a quelques années, avait eu pour conséquence une baisse (- 25%) des investissements des grandes villes, grandes communautés et métropoles".

Certaines villes et agglomérations de taille moyenne seront également touchées par le futur fonds de précaution. Villes de France, qui les représente, juge elle aussi "inacceptable" que ce "prélèvement direct de 3 milliards sur les recettes soit réalisé uniquement sur 450 collectivités", "que le gouvernement considère que 'gros égale riche' et taxe, du seul fait de l’importance de leur budget, des collectivités territoriales qui devraient donc payer pour toutes". Et ce, "d'autant que les sommes ainsi prélevées seraient destinées, au bon vouloir du gouvernement, à revenir à certaines collectivités sur des critères obscurs", précise l'association. Celle-ci considère comme tout aussi inacceptables les deux mesures liées à la TVA : "Tout d’abord, le gel de la compensation fiscale des impôts récemment supprimés (taxe d’habitation et CVAE) revient sur un droit, celui de voir la compensation évoluer annuellement, à minima pour suivre l’inflation ; ensuite, la remise en cause du remboursement, en 2025, de la TVA payée sur les investissements déjà réalisés en 2024 (et parfois en 2023), pour 800 millions d’euros, c’est changer la règle du jeu en plein match !"

Si l'Association des maires de France (AMF) n'avait pas encore réagi sous forme de communiqué ce mercredi en fin de journée, son président, David Lisnard, s'était exprimé en matinée sur France Info : "Une fois de plus, l'État demande aux autres d'assumer ses propres turpitudes. Et ça, ce n'est pas acceptable", a-t-il déclaré, parlant de "rafistolage d'un système qui est à bout de souffle" et considérant que "Bercy était devenu un État dans l'État". "Ce qui est proposé va se faire au détriment de l'investissement et au détriment de l'activité puisque les collectivités territoriales, c'est seulement 8% de la dette mais c'est 70% de l'investissement public", a-t-il rappelé.

Interrogé ce mercredi après-midi au Sénat, Michel Barnier a assuré que le gouvernement "protégerait les collectivités les plus fragiles" et permettrait "de reverser des sommes qui pourraient être retenues ou prélevées aux collectivités quand la situation sera redressée". Le PLF "préserve aussi les dépenses d'investissement" qui sont pourtant "les plus dynamiques", a-t-il fait valoir. Le gouvernement demande cet effort aux collectivités "dans un esprit non pas d'accusation" ou "d'indifférence" mais "de partenariat", alors que leurs dépenses "ont beaucoup augmenté depuis quelques années" - certes souvent des dépenses "subies ou contraintes" -, a justifié le Premier ministre. Ce "partenariat", "c'est le travail de Catherine Vautrin et de Françoise Gatel. Nous proposerons un pacte pour identifier les besoins et nous mettre d'accord sur les chiffres", a-t-il ajouté.

Lors de cette même séance de questions orales au Sénat, Laurent Saint-Martin, le ministre en charge du budget et des comptes publics, a pour sa part souligné que les collectivités ne contribueront "pas toutes au même niveau", le gouvernement prenant "en considération l'hétérogénéité des situations". Il a aussi précisé que "les propositions faites hier devant le Comité des finances locales sont soumises à discussion", "au débat".

 

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