Les lacunes de l'adaptation au changement climatique renforcent les inégalités en France, dénonce l'ONG Oxfam
Plus de la moitié des droits fondamentaux, comme la santé, l'accès à l'éducation ou à un logement digne sont menacés en France par la "négligence de l'Etat" en matière d'adaptation au changement climatique, estime l'association Oxfam dans un rapport publié ce 15 juillet.
"Le sujet du climat (...) a été totalement éclipsé pendant la campagne des législatives mais il ne peut être ignoré plus longtemps", dénonce ce 15 juillet un rapport d'Oxfam France, alors que le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3), fondé sur l'hypothèse d'un réchauffement de 4°C en France d'ici 2100, a été suspendu pour cause d'élections législatives anticipées.
"Improvisation des pouvoirs publics"
Selon l'analyse de l'ONG, dirigée par Cécile Duflot, ancienne ministre de l'Egalité des territoires et du Logement sous la présidence de François Hollande, au moins 26 des 50 droits humains fondamentaux "sont directement menacés en France dont le droit à la santé, le droit à l’éducation, ou encore, le droit à un logement digne". En cause, "l'improvisation des pouvoirs publics en matière d'adaptation", ces derniers attendant que "les catastrophes se produisent pour tenter de les réparer", pointe Oxfam qui cite comme "cas d'école" les inondations de 2023 dans le Pas-de-Calais.
Les plus fragiles particulièrement exposés
Les impacts seront particulièrement importants pour "les plus précaires, les femmes, les enfants, les minorités, les personnes âgées ou isolées", prédit le rapport. Ainsi, 1,3 million d'écoliers de maternelle pourraient être exposés en classe à une chaleur excédant les 35°C d'ici 2030, menaçant le droit à l'éducation, selon Oxfam qui s'appuie sur une étude du cabinet EcoAct. Plus d'une classe sur deux est concernée dans le pays, et même 100% dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Seine-Saint-Denis, Paris et Gironde).
Dans une France à +4°C, les jours de vague de chaleur seront multipliés par au moins cinq. En Ile-de-France, ils pourraient atteindre 94 jours, soit un quart de l'année, selon des projections de Météo-France. Oxfam dénonce l'inadaptation du droit du travail à cette réalité dangereuse pour les travailleurs, dont 36% sont déjà exposés aux chaleurs, notamment dans le bâtiment, l'agriculture ou chez le personnel soignant.
D'ici 2100, 5% des hôpitaux "seront menacés de fermeture à cause des aléas climatiques extrêmes" (dépassement des températures réglementaires de 19 à 22°C à l’intérieur des bâtiments, inondations, montée du niveau de la mer, incendies), "et 3% des écoles primaires et 2,3% des maisons de retraite seront affectées par la montée des eaux".
Végétalisation urbaine, climatisation : des inégalités d'accès marquées
Il existe également un risque de "gentrification verte", souligne Oxfam. Il s’agit d’une "forme spécifique de maladaptation qui privilégie les populations urbaines aisées dans les projets de verdissement urbain, illustre le rapport. La végétalisation des villes a un effet positif sur la valeur des biens immobiliers et entraîne donc le déplacement des populations précaires vers les périphéries non végétalisées, donc plus chaudes en été. À Angers, par exemple, une augmentation de 10% de la densité des espaces verts entraîne en moyenne une valorisation de 1,3% des prix immobiliers".
L’ONG relève également que si 25% de la population a accès à la climatisation, ce taux tombe à 19% pour les inactifs et monte à 27% pour les professions libérales, les cadres et les professions intellectuelles supérieures (enquête Coda Stratégies auprès de 800 ménages).
Des financements plus conséquents et mieux ciblés
Selon Oxfam, "il faudrait plusieurs dizaines de milliards d'euros a minima par an pour adapter la France aux impacts du changement climatique". Mais aujourd'hui, en plus de "jeter l'argent public par les fenêtres" en finançant des infrastructures qui "ne seront plus adaptées dans 20 ou 30 ans", "67 milliards d'argent public (...) subventionnent toujours des activités contribuant au dérèglement climatique", notamment dans les énergies fossiles, dénonce Quentin Ghesquière, chargé de plaidoyer climat chez Oxfam France.
L'ONG réclame donc des financements conséquents et des investissements publics "conditionnés à des critères d'efficacité et de réduction des inégalités", ainsi que de rendre le PNACC "opposable et contraignant" en justice afin de rendre l’État "redevable vis-à-vis des citoyens pour qui des droits sont menacés". Elle insiste aussi sur "la collaboration nécessaire entre Etat et collectivités", l’Etat devant selon elle "à la fois impulser des politiques d’adaptation au niveau territorial en sensibilisant les acteurs des collectivités qui sont en première ligne, mais aussi donner les moyens financiers et humains pour permettre une adaptation juste dont les besoins doivent émaner des collectivités".