Changement climatique : des impacts plus fréquents et intenses dans toutes les régions, alerte le RAC

Dans un rapport publié ce 19 septembre, le Réseau Action Climat (RAC) détaille les impacts du changement climatique dans chaque région française. Fortes chaleurs dans les villes, sécheresses extrêmes dans le Sud, inondations dans le Nord, submersions sur les côtes, dépérissements forestiers, cyclones tropicaux dans les Outre-mer, fonte des glaciers en montagne… Pour se préparer à affronter ces phénomènes extrêmes, les régions et les territoires, toutes les échelles ont un rôle "essentiel" à jouer, estime le RAC. Ce qui nécessite, de la part de l’État, "un cadre de gouvernance des finances publiques locales favorable à l’investissement pour le climat", défend-il.

En partenariat avec l’Ademe, le Réseau Action Climat a publié ce 19 septembre un rapport très éclairant sur les effets du changement climatique dans chaque région française. Les phénomènes extrêmes - canicules, sécheresses, inondations, submersions, feux de forêts, retrait gonflement des argiles et stress hydrique - déjà observés dans les territoires et vont s’accentuer dès 2030, pour atteindre des niveaux difficilement supportables en 2100, met-il en garde. Si toutes les régions subissent déjà des effets néfastes du dérèglement climatique, "chacune présente des vulnérabilités différentes" "en fonction des disparités géographiques et des contextes socio-économiques", observe le RAC.

Auvergne-Rhône-Alpes : les glaciers en danger, les villes en surchauffe

La région Auvergne Rhône Alpes apparaît comme l’une des plus touchées, avec comme première manifestation du réchauffement l'évolution des glaciers en montagne. Dans les Alpes, ils ont perdu 70% de leur volume depuis 1850, dont 10 à 20% après 1980. Dès 2050, les plus petits d'entre eux risquent d'avoir disparu en totalité dans les Alpes et le Massif central et selon le scénario le plus pessimiste, les glaciers alpins emblématiques disparaîtront d’ici 2100 au plus tard. La diminution de l'enneigement aura des conséquences sur les activités économiques, dont le tourisme, mais aussi sur les ressources en eau. Après le pic atteint lors de la fonte d’un glacier, le débit des cours d’eau sera amené à régresser, à un rythme accéléré par la hausse des températures. 

"Les conflits d’usage liés à la ressource en eau devraient ainsi fortement augmenter, avec notamment une concurrence entre les usages domestiques, les besoins agricoles, la production énergétique (notamment hydroélectrique), l’industrie, ou encore le tourisme et les loisirs, soulevant une forte interrogation sur la place du ski", souligne le rapport qui rappelle qu'aujourd'hui déjà, 39% des pistes françaises sont couvertes par de la neige artificielle, très gourmande en eau mais aussi en énergie.

La région Auvergne-Rhône-Alpes est aussi l’une des plus touchées par la hausse des températures, surtout lors de la saison estivale. Lyon serait ainsi, avec Annecy, la ville française la plus exposée aux extrêmes de chaleur à partir de 2040. La capitale des Gaules, qui subit déjà dix jours de canicule par an en moyenne, pourrait en compter 36 en 2070, à trajectoire de gaz à effet de serre constante. Sa température moyenne devrait par ailleurs augmenter de 5°C, ce qui la rapprocherait des températures de Madrid en 2050 et d’Alger d’ici à la fin du siècle. Au-delà de ces chiffres, ces épisodes vont rendre la ville invivable, contraignant la population urbaine à "se confiner pendant les périodes de canicule", avec une exposition particulièrement importante dans les quartiers défavorisés comme les barres d'immeubles de Bron, où "les logements sont moins bien isolés", relève le rapport. Les risques naturels sont aussi importants dans la région, rappelle le rapport, 39% de la population vivant dans une zone menacée par les inondations.

Bourgogne-Franche-Comté : inquiétudes sur l'eau

En Bourgogne-Franche-Comté, ce sont trois quarts des communes qui sont menacées par des sécheresses, liées à la hausse des températures qui a déjà enregistré 1,5 °C entre 1961-1990 et 1991-2019 et entraîne l’évapotranspiration causant l’assèchement des sols. Le secteur agricole subit déjà l'effet du réchauffement et la situation risque de s'aggraver. Selon les projections du Giec, une baisse de 5% à 25% de la recharge des nappes phréatiques est à attendre en 2050 dans la région selon les scénarios. Avec des conséquences évidentes sur la disponibilité de l’eau potable mais aussi sur la mortalité des arbres, qui a augmenté de 54% sur la période 2012-2020. Les journées anormalement chaudes seront également plus nombreuses. On devrait en compter 21 par an en moyenne en 2050, contre 13 avant 2005. Ce qui aura des impacts sur la santé de la population. En 2023, la région a déjà déploré 300 morts dus à deux vagues de chaleur estivales.

Bretagne : le risque des vagues de submersion

En Bretagne, c'est l'élévation du niveau de la mer et le risque accru de vagues de submersion qui inquiète le plus. Quel que soit le scénario d'émissions de gaz à effet de serre, la question qui en découle n'est pas de savoir si on atteindra une hausse de 2 mètres, mais quand, souligne le rapport. "Si le réchauffement est limité à +2 °C, cela pourrait ne pas arriver avant 2300. En revanche, dans un scénario où les émissions continueraient à augmenter, cette hausse pourrait atteindre 1 mètre dès la fin du siècle et 2 mètres peu après 2150". 130.000 Bretons sont déjà menacés de submersion, notamment à Saint-Malo où 25.000 habitants vivent sous le niveau de la mer. Le Haut Conseil pour le climat affirme que la relocalisation d’infrastructures et d’activités vers l’intérieur des terres sera "inévitable" pour une partie des zones côtières, rappelle le RAC. Les zones situées hors du littoral sont quant à elles exposées à des risques importants de sécheresse, avec des sous-sols composés en grande partie de granit et de schiste, rendant difficile l’accès aux eaux souterraines. Tous les départements bretons ont d’ailleurs été très impactés par la sécheresse de l’été 2022, avec de nombreuses limitations des usages de l’eau. Les vagues de chaleur risquent aussi d'être plus fréquentes à l'avenir. Les milieux marins seront également affectés par le réchauffement et le rapport note que la culture des huîtres en Bretagne reste "incertaine à moyen et long terme".

Centre-Val-de-Loire : des étés toujours plus secs

Dans le Centre-Val de Loire, la température a déjà augmenté d’1°C en moyenne depuis le début des années 1970 et devrait progresser de 2°C en 2050 et de 4°C en 2100. Les habitants devraient connaître en moyenne 20 jours de vagues de chaleur supplémentaires par an dans 25 ans, ceux du Cher étant les plus touchés (21 à 22 jours). Une hausse des précipitations est également attendue, de l’ordre de 10 à 20% à l’échelle de la région, pendant l’hiver, tandis que les étés seront plus secs, avec un débit des cours d’eau devant baisser de 10 à 40% en 2050. Les écosystèmes aquatiques seront fortement touchés - un tiers des espèces de la région sont menacées, dont 50% des amphibiens. Le Centre-Val de Loire est aussi la région française la plus exposée au risque de retrait gonflement des argiles. Elle compte 67% d’habitants en zone d’aléa fort ou moyen, soit 1,7 million de personnes. Enfin, un habitant sur huit est menacé par les inondations, majoritairement par débordement de la Loire, du Cher, de l’Indre et de la Vienne.

Corse : de la mer à la montagne, des impacts qui vont s'aggraver

En Corse, les effets du réchauffement climatique seront très différents selon les territoires, la hausse attendue des températures étant plus forte en zone de montagne, au-dessus de 500 mètres d’altitude, que sur le littoral. Mais les effets du réchauffement sont déjà visibles, avec 35 vagues de chaleur déjà enregistrées au cours des dernières décennies, dont 30 depuis 2000. D’ici à 2050, neuf habitants sur dix connaîtront plus de 30 nuits tropicales par an, avec des effets importants sur leur santé, la population corse étant la plus âgée de France. Les épisodes de sécheresse, déjà plus fréquents et plus intenses, seront plus longs de onze jours à Ajaccio d’ici à 2100, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites. Les littoraux sont, pour leur part, en proie aux risques de submersion marine et à l’érosion des sols, deux phénomènes aggravés par l’élévation du niveau de la mer. Le risque de feux de forêts sur l’île devrait par ailleurs grimper de 10 à 30% d’ici la fin du siècle. De lourdes menaces pèsent aussi sur la biodiversité : la réserve naturelle de Scandola a déjà perdu 70% de son effectif corallien et les herbiers marins risquent aussi d'être touchés.

Grand Est : perturbations économiques prévisibles

Dans la région Grand Est, toute l'économie risque d'être perturbée, prévient le RAC. Des bords du Rhin aux sommets vosgiens, des espaces ruraux aux grandes zones urbaines, les effets du dérèglement climatique se feront sentir partout. En moyenne, la température devrait augmenter de 1,6 °C à 1,9 °C d’ici à 2050, avec des températures à Strasbourg similaires aux températures actuelles dans le sud de la Drôme. 32 jours de vagues de chaleur sont attendus en moyenne à cette échéance, contre une dizaine aujourd’hui. Soit le scénario de 2022 répété chaque année. L’est des Vosges serait le plus touché, avec près de 40 jours de vagues de chaleur par an. Le retrait gonflement des argiles est aussi l’une des principales menaces régionales, avec une hausse des incidents de 564% déjà enregistrée depuis le début du siècle. La région doit se préparer à de nombreux impacts sur l’activité agricole, l'industrie (responsable de 54% des prélèvements en eau, hors énergie), les infrastructures de transports (dégradation des routes, déformation des rails, retards sur les lignes de train dus aux surchauffes…), le transport fluvial (baisse des débits des cours d'eau), l'énergie, le secteur touristique. La filière forêt-bois est aussi menacée - le dépérissement forestier a été multiplié par plus de 10 en 50 ans.

Haut-de-France : des inondations à répétition ?

Dans les Hauts-de-France, les inondations qui ont déjà durement touché la région l'hiver dernier, constituent le risque majeur. Six communes sur dix et 2,2 millions d'habitants sont menacés par des inondations principalement par ruissellement ou débordement de cours d’eau, ce qui représente 2,2 millions d’habitants. L'exposition aux inondations est principalement due à l’artificialisation des sols, particulièrement marquée dans la région (9,2 % des sols sont artificialisés du fait de l’urbanisation) couplée à la hausse des précipitations pendant l’hiver. Le risque de submersion est également élevé dans les zones côtières. Le littoral connaît une hausse du niveau de la mer, qui a déjà atteint 12,3 cm entre 1976 et 2021. 90% de la région est en outre menacée par le retrait-gonflement des argiles. La région n’est pas non plus à l’abri des coups de chaleur, le climat lillois devant s’apparenter à celui d’Angers ou de Toulouse en 2080 selon le scénario de réduction des émissions. Des répercussions sont attendues dans tous les secteurs, 70% de l’économie régionale étant sensible aux conditions météorologiques.

Ile-de-France : toujours plus de canicules

L'Île-de-France sera confrontée à des canicules plus longues, plus chaudes et plus fréquentes. Dans un scénario de réchauffement à +4°C en France (vers lequel on se dirige aujourd’hui), les températures estivales pourraient atteindre des extrêmes jamais enregistrés auparavant, avec des pics de chaleur dépassant les 50°C. L’été 2022, qui avait battu des records de chaleur, pourrait devenir la norme dès 2030. Or, les vagues de chaleur ont de graves répercussions sur la santé des habitants, à commencer par l’augmentation des risques d’accidents cardiovasculaires mortels, souligne le rapport. Pendant la canicule de 2003, une surmortalité de 190% avait été enregistrée à Paris, contre 40% dans les zones franciliennes rurales, touchant en priorité les personnes âgées, mais aussi les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque ou de maladies chroniques.

La région doit aussi se préparer à des sécheresses plus marquées, plus longues de 30% sur le bassin de la Seine, qui alimente l’Île-de-France en eau potable. Avec un risque accru de pénurie d’eau, de détérioration de la qualité de l’eau potable, de pertes agricoles, d’incendie et de retrait gonflement des argiles (83 % du territoire est concerné, dont la totalité des départements des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et de Seine-et-Marne). Elle est enfin menacée par les inondations (6,6 millions d’habitants y sont exposés).

Normandie : quand la mer monte

La Normandie doit surtout faire face à une élévation du niveau de la mer, qui pourrait atteindre 1,8 mètre en 2100. Selon le rapport, les forts coefficients de marée (110-115) qui se répètent actuellement trois à quatre fois par an pourraient l’être 65 fois par an avec une telle élévation dans la Manche occidentale et orientale. Ce qui affectera de nombreuses communes côtières de la Manche, du Calvados et de Seine-Maritime. En outre, deux tiers des côtes normandes sont déjà en proie à l’érosion, à un rythme de 20 à 25 cm par an pour les falaises sédimentaires. La pêche risque d'être impactée par le réchauffement et le secteur agricole va lui aussi devoir s’adapter à l'augmentation des périodes de stress hydrique.

Nouvelle-Aquitaine : des aléas multiples

La Nouvelle-Aquitaine, région la plus vaste de France, doit elle aussi faire face à des aléas variés. 3,9 millions de personnes, soit 69% de la population régionale, sont déjà exposés à au moins un aléa climatique. La plupart d'entre eux sont exposés aux sécheresses, alors que les précipitations baissent de 6,5 mm par décennie pendant l’été. Débits de rivières à la baisse de 20 à 40%, indice d’humidité en régression de 25%, et tensions accrues autour des usages de l’eau sont à attendre. Ce qui aura aussi des incidences sur le retrait gonflement des argiles - 3,4 millions de personnes y étant déjà exposées, surtout en Gironde, Charente-Maritime, Dordogne et Lot-et-Garonne -, ainsi que sur les feux de forêts. En 2022, 45.000 hectares de forêt ont brûlé dans la région, sur un total de 72.000 hectares disparus en France. La côte sableuse perd aussi du terrain - un à trois mètres par an, et jusqu’à 30 m lors de fortes tempêtes. 43 communes de Charente-Maritime doivent s’adapter à ce phénomène, selon le décret publié le 31 juillet 2023.

Occitanie : sécheresses et vagues de chaleur

L’Occitanie devra également faire face aux sécheresses, avec un triplement de la surface moyenne déjà touchée depuis 1960. La région doit se préparer à des conséquences majeures sur la baisse des ressources en eau disponibles, alors que les besoins d’irrigation agricole seront accrus sous l’effet de la hausse des températures. Le retrait gonflement des argiles concerne quant à lui 68% du territoire. Trois des quatre départements français les plus touchés par les inondations, tempêtes et sécheresses intenses entre 1989 et 2018 se trouvent dans la région : Tarn-et-Garonne, Aude et Tarn. Les grandes villes seront plus exposées aux vagues de chaleur avec un nombre annuel multiplié par 2 ou 4 à Toulouse d’ici la fin du siècle.

Pays de la Loire : entre sécheresses et inondations

Les Pays de la Loire doivent s'attendre à une forte hausse des températures, de l’ordre de 2,5°C en 2050 et 4°C en 2100, surtout dans les terres et pendant l’été. La ressource en eau sera très affectée, avec une baisse de 25 à 30% de sa disponibilité attendue en 2070. Le débit de la Loire sera quant à lui revu à la baisse de 50% d'ici 2100 selon un scénario pessimiste. Enfin, le risque de submersion progressera fortement en Vendée et en Loire-Atlantique d’ici à 2050.

Surchauffe en Provence-Alpes-Côte d'Azur

C’est dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) que les projections de la hausse des températures moyennes s’avèrent les plus élevées dans l'Hexagone (de 1,6 à 2,2 °C dès 2050). Si les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur trajectoire actuelle, le mercure pourrait grimper de 5,5 °C en 2100 et la hausse devrait être plus forte pendant l’été (7 °C). Le nombre de vagues de chaleur a déjà été multiplié par trois en Paca depuis l’année 2000. À Nice, le nombre de nuits tropicales a été multiplié par cinq depuis les années 1960. Une hausse qui s’avère critique pour les habitants.

Les Outre-mer, premiers exposés

Les Outre-mer sont les territoires français les plus exposés aux impacts du changement climatique. "Si le réchauffement climatique atteint +1,5 °C à l’échelle mondiale – ce qui sera le cas dans les 20 prochaines années selon le GIEC – 70 % à 90 % des récifs coralliens pourraient disparaître", souligne le RAC Or, la mort de ces écosystèmes, qui abritent 25% de la faune marine, provoque un effondrement de la chaîne alimentaire. Le rapport met aussi en garde sur les graves conséquences économiques et sociales dues à l’intensification des cyclones, ces épisodes causant une véritable paralysie des territoires touchés, due à la destruction des infrastructures et au gel des moyens de subsistance des populations locales - 95% de bâtiments de l'île Saint-Martin ont été dégradés ou détruits lors du passage de l’ouragan Irma en 2017.

Rôle central des collectivités

Le rapport rappelle aux collectivités leur responsabilité pour réduire les effets du réchauffement climatique tout en s’adaptant à sa réalité. A savoir, réaménager les villes pour limiter les îlots de chaleur, limiter les usages de l’eau pour prévenir les sécheresses, prévenir les dommages liés aux inondations ou au retrait gonflement des argiles, mais aussi réduire les émissions des transports, planifier la transition de l’économie régionale… Le RAC appelle aussi l’État à "proposer un cadre de gouvernance des finances publiques locales favorable à l’investissement pour le climat". Si la planification écologique territoriale doit s’accélérer, elle doit "assumer un projet politique transformateur" en "prévoyant des moyens humains et financiers nécessaires", concluent les auteurs.

 

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