Mission Adaptation : un nouveau "guichet unique" pour les collectivités

Souvent désorientés face au maelstrom des opérateurs de l’État, les élus locaux pourront à l’avenir solliciter un guichet unique pour les aider à adapter leur territoire au changement climatique. En passant par le préfet de département, ès-qualité de délégué territorial de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ils bénéficieront de l’intercession d’une "Mission Adaptation" qui facilitera/organisera le recours à l’expertise de l’Ademe, de l’ANCT, du Cerema, de Météo France, de l’Office français de la biodiversité et des agences de l’eau.

"Qu’est-ce que c’est que tous ces opérateurs séparés ? Fusionnez-moi tout ça !" Cette injonction, Pascal Berteaud, directeur général du Cerema, avoue l’entendre à longueur d’auditions – tout récemment d’ailleurs à l’Assemblée nationale (voir l’encadré de notre article du 10 avril). Pour l’heure, l’État ne s’y résout pas. Il entend pour autant que ses différents opérateurs travaillent de concert. En témoigne la signature officielle, ce 18 avril à l’hôtel de Roquelaure, qui abrite le ministère de la Transition écologique, d’une convention portant sur "la préfiguration, l’organisation et le déploiement d’une Mission Adaptation", conclue entre le ministère, le Cerema, l’Ademe, l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), Météo France, l’Office français de la biodiversité (OFB) et les agences de l’eau. L’objectif ? "Déployer une offre commune en expertise et ingénierie pour accompagner les collectivités territoriales désireuses de s’engager dans une démarche d’adaptation au changement climatique." 

Des élus ne sachant plus vers quel sein nourricier se tourner

Baptiste Perrissin-Fabert, directeur général délégué de l’Ademe, dévoile la genèse de cette "équipe de France de l’adaptation", pour reprendre les mots du ministre : "Cette mission est issue des groupes de travail participant à l'élaboration du plan national d’adaptation au changement climatique [Pnacc, dont on attend la publication prochaine], où des représentants de collectivités nous ont dit : 'C’est quand même assez compliqué de comprendre toute l'offre d'ingénierie qui existe à travers les différents opérateurs de l'État. On sait que les dispositifs existent, mais ce n'est pas toujours très lisible. Et puis, c'est aussi assez compliqué d'aller frapper à la porte de l'Ademe pour avoir sa stratégie globale, du Cerema pour des diagnostics plus sectoriels, de Météo France pour des projections de son climat, des agences de l'eau et de l'OFB si on veut renaturer nos centres-villes…' C’est donc fort de ces retours que l'idée de cette mission est née." 

À dire vrai, le constat n’est pas nouveau (voir, par exemple, notre article du 2 avril 2021). Les élus locaux s’avouent régulièrement "désorientés". Auditionnée l’an passé par le Sénat, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, avouait ainsi : "Les moyens existent. Le défi est surtout de les faire connaître. On a du mal. Je ne sais pas comment procéder" (voir notre article du 8 juin 2023). Elle suggérait alors aux élus d’avoir "le réflexe ANCT, le réflexe Banque des Territoires, le réflexe du sous-préfet ou du préfet". Visiblement non sans raison.

Le préfet de département, en sa qualité de délégué de l’ANCT

En effet, comme Agnès Reiner, directrice générale déléguée de l’ANCT, le souligne, l’idée avec cette mission "n’est pas de créer une complexité supplémentaire avec une nouvelle offre de services. La porte d'entrée reste la même : le préfet de département et ses services, autour de ce qu'on appelle le guichet unique de l'ingénierie au niveau départemental, le préfet en étant le responsable en sa qualité de délégué territorial de l'ANCT". Charge pour le préfet sollicité par les collectivités de transmettre à la mission leurs demandes, "selon leurs besoins et niveau de maturité", stipule la convention.

En cuisine, la Mission Adaptation sera composée d’agents des différentes parties prenantes. "Avec des effectifs à la fois au niveau central et en régions, sur le terrain, pour être au plus près des collectivités", précise Pascal Berteaud. "L’impact du changement climatique ne sera pas le même en fonction des territoires. On est donc obligé de faire dans la dentelle", argue-t-il. "On a besoin d’avoir une analyse la plus large possible et en même temps la plus localisée et la plus adaptée à la réalité des territoires", lui fait écho le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. À l’issue d’une phase d’expérimentation, une régionalisation de la gouvernance et de la mise en œuvre opérationnelle seront ainsi mises en place. 

Nécessaire chargé de mission ?

Et concrètement ? "La promesse de la Mission Adaptation, c’est d'apporter une formation à un chargé de mission au sein de la collectivité pour d'abord l'aider à identifier le besoin de cette dernière et ensuite l'inscrire dans une trajectoire d'adaptation au changement climatique (démarche tact)", indique Baptiste Perrissin-Fabert. Une démarche, précise-t-il, déployée depuis trois ans par l’Ademe avec vingt collectivités, et qui se déroule en trois temps : "Une phase de diagnostic et de compréhension des impacts ; une phase d'élaboration de la stratégie et de mise en œuvre du plan d'action ; une phase d'évaluation et de partage. À chaque moment de cette démarche, la Mission Adaptation va pouvoir accompagner la collectivité vers les dispositifs qui existent au sein des différents opérateurs. Typiquement, on pourra aller vers Météo France au moment du diagnostic, vers le Cerema et les agences de l’eau au moment du plan d’action, ou encore vers la Banque des Territoires pour les financements." 

Agnès Reiner ajoute que la Mission Adaptation aura également pour rôle de mobiliser les différents chefs de projets dont bénéficient les collectivités dans le cadre des programmes Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Villages d’avenir… et de les former à l’enjeu de l’adaptation au changement climatique. 

Ce qui suppose a priori, dans les deux cas, de disposer d’un tel chargé de mission. Qu’en sera-t-il pour les collectivités qui n’en bénéficient pas ? "Ce sera détaillé lors de la présentation du Pnacc", nous répond le ministère. Il faudra donc encore se montrer patient, même si Pascal Berteaud insiste : "L’heure est à l’action […]. Il faut s'y prendre dès maintenant. Il aurait même fallu s'y prendre il y a dix ans."

Climadiag Commune, le nouvel outil de Météo France pour aider les communes à s’adapter au changement climatique

À l’occasion de la réunion de lancement de la Mission Adaptation ce 18 avril, Virginie Schwarz, présidente du conseil d’administration de Météo France, a levé ce 18 avril le voile sur "Climadiag Commune", nouvel outil mis à la disposition des communes afin de les aider à adapter leur territoire au changement climatique. "Pour prendre les bonnes décisions, encore faut-il savoir à quoi il faut d’adapter, et à quel horizon", rappelle la dirigeante. Qui souligne par ailleurs qu’il est également utile pour "montrer aux citoyens le besoin d’agir".

L’outil s’appuie sur la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc) mise en place par le ministère de la transition écologique : + 2°C d’ici 2030, + 2,7°C d’ici 2050 et +4° C d’ici 2100. "Mais ce ne sera pas +4° C partout, ni tout le temps. Cela variera selon les territoires, selon les saisons, et avec des conséquences différentes", souligne Virginie Schwarz. D’où la nécessité d’un outil collant au plus près des territoires.

Accessible gratuitement sur le site de Météo France, l’outil s’articule autour de plusieurs grands indicateurs, pour lesquels on retrouve à chaque fois, et pour chaque échéance, la valeur historique de référence et trois prévisions, basse, médiane et haute :

- les indicateurs "climat", avec par exemple l’évolution attendue de la température moyenne par saison, le nombre annuel de jours de gel ou le cumul de précipitations par saison ;

- les indicateurs "risques naturels", avec "le nombre de jours avec des pluies intenses et le nombre de jours de sécheresse du sol par saison. C’est évidemment directement lié au retrait/gonflement des argiles", met en exergue la dirigeante. On y retrouve encore le nombre de jours avec risque significatif de feu de végétation ou l’évolution du niveau moyen de la mer ;

- les indicateurs "santé", le nombre annuel de jours très chauds mais aussi de nuits chaudes, le nombre de jours en vague de chaleur ou de froid.

Virginie Schwarz précise que le quatrième groupe d’indicateurs concerne "l’agriculture, pour les communes qui sont concernées, avec par exemple l'évolution des dates de reprise de la végétation", et le cinquième groupe le tourisme, "là encore pour les communes concernées, comme les stations de montagne, avec l’évolution de l’enneigement".

La dirigeante rappelle que Météo France développe par ailleurs d’autres produits plus spécifiques pour les collectivités, payants cette fois, comme Climsnow pour l’évolution de l’enneigement ou Climadiag chaleur en ville, pour comprendre le phénomène d'îlot de chaleur urbain.

 

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