Adaptation au changement climatique : le CNTE se positionne sur une trajectoire à +4°C
Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a rendu, ce 4 mai, son avis sur la trajectoire de réchauffement référence à +4°C (en France métropolitaine), à partir de laquelle sera notamment bâti le prochain Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) attendu pour 2024.
La commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE) chargée de l'orientation de l'action de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique a adopté à l’unanimité, ce 4 mai, un avis portant "sur la définition d’objectifs de moyen-long terme sur l’adaptation et sur la nécessité de s’adapter à ces objectifs". Le CNTE y propose de retenir pour la trajectoire d’adaptation au changement climatique, l’hypothèse générale d’un réchauffement global à +3°C d’ici la fin du siècle (croisant 1,5°C en 2030 et 2°C en 2050) ce qui signifie +4°C à l’échelle de la France métropolitaine. Un scénario bien plus pessimiste que ce que prévoit l’Accord de Paris (avec l’objectif d’un réchauffement global nettement en dessous des +2°) mais que corrobore le sixième rapport du Giec, dont les médianes de l’augmentation des températures prévue en 2100 sont comprises entre +2,8°C et +3,2°C.
"C’est la fin d’un tabou" a commenté Ronan Dantec, sénateur de la Loire-Atlantique et président de la commission spéciale, lors d’un brief presse tenu à l’issue de la réunion, se félicitant de la "position extrêmement claire " du CNTE et de "la prise de conscience de la société civile dans son ensemble" grâce à ce vote à l’unanimité. Cet avis était sollicité sur la nouvelle trajectoire à +4°C sur laquelle le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a confirmé son souhait de bâtir le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) attendu pour 2024. "Nous changeons totalement de braquet sur la valeur de ce plan d’adaptation et sur sa place dans le dispositif climatique", a-t-il insisté. "Ce nouveau plan va devoir évaluer les impacts, les coûts, les conséquences assurantielles en termes de survenance des risques, en termes d’évolution des réglementations pour les infrastructures, de façon à avoir une résilience qui nous permette de faire face à ces températures nettement plus élevées que celles pour lesquelles nous avions jusqu’à présent calé notre trajectoire d’adaptation", a détaillé le ministre de la Transition écologique.
Christophe Béchu a par ailleurs confirmé la mise en consultation publique "d’ici une quinzaine de jours" du rapport d’adaptation au changement climatique sur la trajectoire à +4°C préparé depuis février par un comité de pilotage ministériel (voir notre article du 23 février 2023). Première conséquence concrète de cette adaptation, un plan national de gestion des "vagues de chaleur" devrait également être présenté "d’ici fin mai".
Définir dans la loi de programmation énergie-climat une trajectoire d’adaptation
C’est donc un scénario à +3°C (+4°C en France métropolitaine), "à préciser pour chaque territoire ultramarin", que le CNTE met sur la table et qui "devrait s’imposer à l’action publique même si c’est l’État qui décidera de la manière dont il le déclinera", relève Ronan Dantec. L’avis propose entre autres de définir dans la future loi de programmation énergie-climat "une trajectoire d’adaptation au changement climatique qui devra être la référence à toutes les actions d’adaptation menées". Et si nécessaire, recommande de revoir ces niveaux de réchauffement de référence dans les prochaines lois quinquennales de programmation énergie-climat.
Le CNTE invite également à intégrer cette trajectoire dans les référentiels et les réglementations techniques, en particulier dans les domaines du bâtiment et des transports, ainsi que par une stratégie de restauration des écosystèmes. Il suggère aussi de définir les activités pour lesquelles un réchauffement supérieur d’ici 2100 "devrait être anticipé". "Les coûts de l’adaptation ex-ante sont très inférieurs à ceux de la gestion des crises climatiques", fait ressortir l’avis. "Ce qui coûte très cher, c’est la mal-adaptation (…), l'adaptation ne se chiffre pas en milliards supplémentaires, mais d’abord en milliards économisés puisque l’on se sera posé les bonnes questions", explique Ronan Dantec. "Je souhaite que l’on valorise dans le prochain Pnacc le coût de l’inaction", a également indiqué Christophe Béchu, soulignant "le caractère très rationnel d’un point vue budgétaire d’aller mettre davantage d’argent dans des dispositifs de prévention et de ne pas raisonner uniquement en termes de crédits budgétaires nouveaux mais en économies de ce qu'il faudrait rattraper après coup".
Accompagner les collectivités
"La résilience des territoires passe par une analyse lucide de l’évolution du climat", relève le CNTE, qui invite dans son avis le gouvernement et ses établissements publics à "décliner localement" cette trajectoire d’adaptation et à "accompagner les collectivités, les entreprises et les citoyens dans l’ensemble des actions nécessaires à l’adaptation (techniques, financières, éducatives)". Les collectivités territoriales sont évidemment "au coeur du sujet", pour Ronan Dantec, qui rappelle que les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ont un volet adaptation, amené à "monter en compétence" avec des "coûts induits", qui conduiront là aussi certainement, selon lui, à un débat avec l’État. "Le fait de dire aux collectivités voilà la trajectoire les amènera aussi à se poser les bonnes questions mêmes si elles auront besoin de l’État en termes techniques", estime-t-il. "Chaque territoire est la bonne maille pour se poser ces questions d’adaptation", reconnaît Ronan Dantec avec sa casquette de sénateur.
Un portail d’information complet (Drias) est déjà à leur disposition ainsi qu’une plateforme de Météo-France (Climadiag) qui leur est dédiée (en particulier les communes) pour les aider à anticiper les évolutions climatiques sur leur territoire et à s’adapter à ces évolutions prévisibles. Pour Christophe Béchu, l’enjeu est d’aller "un cran plus loin" et d’avoir une maille plus fine (8/8 km), qui "permette à la France entière d’avoir une idée extrêmement précise des évolutions des températures ou des impacts sur les écosystèmes".