ANCT : certaines "synergies restent à construire", estime la Cour des comptes
"Un outil à consolider". C'est le titre qu'a choisi la Cour des comptes pour le rapport qu'elle consacre à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), quatre ans après la naissance officielle de cet établissement public. Une création dont l'objet était, résume la Cour, de "faciliter les projets portés par les collectivités, en déployant des dispositifs de l’État en faveur de la cohésion territoriale et en facilitant l’accès des petites collectivités à l’ingénierie".
Ce rapport de 90 pages (annexes comprises) est centré sur le fonctionnement et les perspectives de l'ANCT et n'a donc pas pour ambition d'apprécier "toutes les politiques publiques et tous les programmes" portés par l'agence, est-il d'emblée précisé. Le document retrace la mise en place de l'agence qui, sur la base de la fusion du Commissariat général à l'égalité des territoires, d'Epareca et de l'Agence du numérique, "s’est faite dans des conditions difficiles, contrariée par la crise sanitaire". Et rappelle son vaste périmètre : "le pilotage de la politique de la ville, les dispositifs de l’État en faveur des villes, de la ruralité et de la montagne, le déploiement du très haut débit, l’accès au numérique, les politiques d’accès aux services publics et le soutien à la création de tiers lieux", la coordination de la gestion des fonds européens, "le déploiement d’un grand nombre de dispositifs nationaux" et "des missions d’observation et de connaissance des territoires".
Une implication variable des préfets ?
Ces missions "requièrent un accompagnement actif des collectivités, qui ne peut être réalisé par ses seuls services, aux effectifs limités et très majoritairement situés à Paris", souligne le rapport. La loi a fait des préfets de département les délégués territoriaux de l'agence. Des préfets dont "l'implication est cependant très variable d’un département à l’autre, ce qui peut induire des différences de traitement entre les territoires", considère la Cour, sachant qu'"aucun moyen spécifique n’a été prévu pour les épauler dans cette mission hormis les huit chargés de missions territoriaux" (on notera toutefois qu'un décret vient justement de conforter le rôle des préfets en tant que délégués territoriaux – voir notre article du 12 février). Autre possible point faible : le fait que les services soient "organisés en directions, chacune porteuse d’une ou de plusieurs politiques, travaillant de manière autonome, et souvent en lien direct et exclusif avec chaque cabinet ministériel".
Le rapport s'attarde par ailleurs sur des questions liées à la gestion de l'agence et à des outils : RH, systèmes d'information, contrôle budgétaire et comptable… Sur ce volet financier, il est rappelé que "le budget spécifique de l’ANCT (117 millions d'euros de crédits de paiement exécutés en 2022) ne reflète pas l’intégralité des montants financiers des dispositifs sur lesquels elle intervient, dont le total s’élève à plusieurs milliards d’euros". D'où une "faible lisibilité", qui ne ferait que refléter "la complexité des montages financiers des dispositifs nationaux de cohésion des territoires".
"Entre la politique de la ville, le déploiement du numérique, l’aménagement des centres commerciaux, les politiques en faveur de la ruralité ou de la montagne, les synergies restent à construire", écrit aussi la Cour, selon laquelle "l’offre nouvelle de solutions d’ingénierie 'sur mesure' pour répondre aux demandes des élus", matérialisée par une enveloppe spécifique de 20 millions d'euros en 2021, "recouvre en réalité l’ensemble des dépenses d’ingénierie de l’agence".
Guichet unique
Le rapport insiste aussi sur le fait qu'au niveau territorial, "l’ANCT a un rôle à jouer en tant qu’ensemblier chargé de garantir la cohérence et la complémentarité de l’action des opérateurs de l’État dans le domaine de l’aménagement du territoire", un rôle qui "repose sur le principe d’un 'guichet unique' et sur la recherche de simplification du paysage contractuel". Or l'efficacité de ce "guichet unique" repose à son tour sur "la capacité des préfets et de leurs équipes à faire face aux demandes des collectivités et à animer et coordonner le réseau local des opérateurs de l’État".
"Pilote du déploiement des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), l’ANCT s’est aussi vu confier un rôle d’ensemblier dans le cadre de la simplification de la contractualisation entre l’État et les collectivités", rappelle en outre la Cour, sachant que l'élaboration des quelque 844 CRTE "a été soutenue par de l’ingénierie apportée par les services et opérateurs de l’État, dont l’ANCT". En juillet dernier, Christophe Bouillon, l'actuel président de l'agence, indiquait précisément souhaiter "gagner en transversalité" notamment à travers les CRTE (voir notre article).
Enfin, la Cour considère que "l’offre de l’ANCT est insuffisamment articulée avec les autres offres existantes offertes par les départements et parfois par les intercommunalités", alors même que "l’ingénierie sur mesure" proposée par l'agence "n’est pour le moment qu’une offre complémentaire, susceptible d’apporter une réponse ponctuelle à des besoins ne relevant pas d’autres dispositifs".
Malgré ces multiples réserves (qui rejoignent assez largement celles qu'avait formulées le Sénat il y a un an – voir notre article de février 2023), la Cour estime que "la méthode de co-construction dans un cadre contractuel simplifié a rencontré l’adhésion des collectivités". Certes, "de nombreuses améliorations restent à concrétiser". Elle recommande notamment à l'ANCT de consolider son fonctionnement interne, de renforcer ses partenariats et d'approfondir "son lien avec ses délégués territoriaux et les territoires dans lesquels elle intervient" afin de "contribuer effectivement à la territorialisation des politiques publiques".