Face au changement climatique, la Scet invite stations balnéaires et de montagne à se serrer les coudes
Face au changement climatique, la Scet invite les stations balnéaires et de montagne à une nécessaire coopération à l’échelle de la vallée ou du bassin de vie, non pas autour d’un "plan d’adaptation", mais d’un véritable projet de société/de territoire partagé et actant d’emblée certains renoncements. Un projet qu’un tandem élu/technicien davantage catalyseur que décideur doit favoriser en mettant en mouvement et en fédérant les différentes parties prenantes.
Considérant que les stations balnéaires et de montagne subiront, avec le changement climatique, "des risques toujours plus nombreux, un accès à la ressource en eau plus difficile, et un certain nombre d’effets amplificateurs générés par leur attractivité résidentielle et touristique", la Scet invite ces territoires, dans une étude récente, à un changement de paradigme, et notamment à une nécessaire transversalité. L’adaptation de ces territoires "ne peut plus se faire morcelée […]. Il s’agit de sortir de logiques sectorielles, voire [de] se départir d’effets de concurrence entre territoires", plaide la filiale de la Caisse des Dépôts (un message que vient d'ailleurs également de développer la Cour des comptes dans son rapport "Les stations de montagne face au changement climatique", évoquant un modèle qui s'essouffle et plaisant pour une solidarité entre collectivités afin de réussir leur adaptation – voir notre article du 9 février).
Changer d’échelle
Cela devrait particulièrement être le cas au sein des territoires de montagne, où "l’inter-relation entre les communes d’une même vallée est forte". Cela devrait l’être tout autant sur le littoral, "à l’heure de la relocalisation dans l’arrière-pays" ou pour réfléchir à "une meilleure répartition de la fréquentation touristique". Mais, observe l’étude, "les PLUi ou SCoT ne couvrent rarement que l’ensemble d’une vallée". Elle déplore en outre que la "garantie rurale", introduite par la loi de mise en œuvre du ZAN de l’été dernier (voir notre article du 21 juillet 2023), "marque un retour inattendu et malheureux dans le cas présent de l’échelle communale dans la planification" alors que les enjeux "imposent plutôt une réflexion prospective et collective à l’échelle élargie, se déclinant ensuite au sein des intercommunalités et des communes de manière opérationnelle" (en ce sens, voir notre article du 11 juillet 2023).
Changer de modèle…
Ce qui suppose une union de pensée, tout sauf évidente. "Certaines stations sont réfractaires à une remise en question des dynamiques actuelles […]. Certaines communes sont ainsi opposées à la révision du SCoT, qui pourrait remettre en cause [le modèle actuel]", dénonce Guillaume Desrues, maire de Bourg-Saint-Maurice. Lui prône un total changement de pied, avec un projet si ce n’est décroissant, que l’on pourrait qualifier de "stagnant" : il plaide pour "arrêter de modeler la montagne", ne pas étendre davantage le domaine skiable ou encore aligner la fréquentation sur la surface et les capacités actuelles du domaine – un moratoire a été instauré sur les constructions touristiques nouvelles. Suite logique, il déplore que "la régulation des stations de haute montagne reste un sujet non traité", n’entendant visiblement guère accueillir "le report de la fréquentation lié à la fermeture de stations de moyenne montagne". Il entend en outre privilégier les clientèles régionales aux touristes étrangers, d’où l’arrêt de la promotion touristique moyen/long courrier, en acceptant "d’avoir des retombées financières plus modérées".
… une décision difficile…
Si certaines stations, comme Metabief, sont contraintes de travailler sur un scenario de renonciation au ski, on peut comprendre que d’autres trouvent la potion guère engageante alors que le système fait vivre les territoires (voir notre entretien du 21 septembre 2023) et fonctionne toujours. "Les territoires alpins et pyrénéens qui ne gagnent pas d’habitants à l’année connaissent toujours un développement prégnant de l’immobilier et notamment des meublés de tourisme", relève l’étude. Elle pointe de même qu’"en dix ans, les territoires identifiés comme étant soumis au recul du trait de côte ont vu leur prix du foncier et de l’immobilier bondir de 30%" (voir notre entretien du 10 octobre 2023).
… mais nécessaire
"Que ferons-nous de cet immobilier alors que plusieurs stations de moyenne montagne cumulent les lits froids et qu’un certain nombre de bâtiments sont ou seront sous peu qualifiés de friches", interrogent toutefois ses auteurs. Qui soulignent encore qu’ "alors que ces territoires vont voir les risques naturels augmenter, la massification des actifs en leur sein ne fait que renforcer la possibilité, qu’un jour, ils ne soient plus assurables".
La Scet invite donc ces territoires à "déconstruire les récits tournés vers le passé" et à "réfléchir aux renoncements acceptables" dès maintenant, plutôt "que de devoir subir des renoncements plus durs qui s’imposeront". Et de citer en exemple 3 des 5 renoncements adoptés par la Compagnie des Alpes : cesser d’exploiter des zones que l’évolution climatique rend non-skiables à plus ou moins brève échéance ; renoncer à la fabrication de "neige à température positive" ; ne proposer aucune extension nette de domaine skiable.
Diversification touristique… et au-delà !
Pour la SCET, l’enjeu pour ces territoires est double.
D’une part, diversifier leur profil économique, en visant plus loin que la seule attractivité tout au long de l’année. En l’espèce, Guillaume Desrues estime d’ailleurs que "concernant la fréquentation estivale, le dérèglement climatique devrait malheureusement aider". Et pour les stations balnéaires, il est relevé que cela peut être déjà être le cas, ce qui n’est pas sans poser difficulté alors que "l’urbanisme était initialement pensé pour la saison touristique". "Il ne s’agit plus uniquement d’accompagner […] le tourisme 4 saisons [voir notre article du 20 octobre 2021], mais bien de penser un nouveau modèle territorial qui replace l’activité touristique parmi d’autres, et non plus comme la principale".
D’autre part, garantir une qualité de vie à l’année.
Changer de gouvernance
Pour y parvenir, pour la Scet, une chose est sûre : l’approche technique aujourd’hui souvent privilégiée doit aller de pair avec un véritable projet de territoire, d’autant plus nécessaire que tout est lié, comme en témoigne par exemple "la dépendance de l’activité agricole dans les Alpes à l’économie touristique hivernale". Outre la nécessaire coopération extra-communale précédemment relevée, l’enjeu est concrètement d’associer l’ensemble des parties prenantes, publiques et privées. La Scet plaide pour une "gouvernance partagée", plus "nucléarisée", dans laquelle un tandem élu/technicien joue le rôle d’initiateur et de chef d’orchestre pour mettre en mouvement et fédérer les parties prenantes autour d’une vision partagée, sans brusquer et en cultivant "l’art du compromis". Une vision de long terme donc – en l’espèce les auteurs estiment que le niveau de préparation et de planification des territoires est "inégal et souvent lacunaire" – qui doit néanmoins être articulée avec "des actions donnant à voir rapidement de premiers effets". En somme, la combinaison "d’étoiles et de cailloux blancs" théorisée par Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle (voir notre article du 2 juin 2022).