Logement en zone touristique : bientôt plus de pouvoirs dans les mains des maires
Le groupe de travail sur l'attrition des logements permanents en zones touristiques a produit quatorze propositions. Parmi celles-ci, plusieurs visent à accroître le pouvoir de régulation des maires. Un certain nombre de ces mesures devront encore être entérinées par la loi.
"Il ne peut y avoir de développement du tourisme sans harmonie entre touristes et habitants locaux d’une part et sans équilibre entre logements touristiques et logements à l’année d’une part." C'est ainsi qu'Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée du Tourisme, a résumé, dans un dossier de presse, les propositions du gouvernement faites à l'issue d'une réunion du groupe de travail sur l’attrition des logements permanents en zones touristiques tenue le 18 juillet.
Ce groupe de travail, qui comprend, outre le ministère chargé du Tourisme, le ministère chargé des Collectivités territoriales et le ministère délégué à la Ville et au Logement, des associations d’élus des territoires touristiques (Anel, Anett, ANMSM, Anem) ainsi que les professionnels du secteur touristique, a produit 14 propositions qui donnent aux élus locaux de nouveaux instruments de régulation.
Servitude de résidence principale
L'axe I vise à améliorer la connaissance pour mieux mettre en œuvre et évaluer la politique de lutte contre la raréfaction des logements permanents. On y trouve la création d’un observatoire du logement dans les territoires touristiques qui permettra de fournir aux élus des éléments de documentation et d’objectivation pour mieux "caractériser les difficultés d’accès au logement". Une analyse de l’effectivité de la régulation du meublé de tourisme sur le marché du logement est également prévue. Par ailleurs, dix territoires touristiques pilotes volontaires bénéficieront de l’ingénierie des agences de l’État (Cerema, Anah, ANCT, etc.) afin de définir une stratégie territoriale sur mesure et de mobiliser les outils disponibles ou à structurer. Dix millions d’euros seront mobilisés dans ce cadre.
L'axe II entend réguler le développement des meublés de tourisme et des résidences secondaires. Ici, il s'agit de rendre plus efficaces et plus ciblés les contrôles de l’administration fiscale en appariant dans une base unique le numéro d’enregistrement d'un meublé de tourisme, dans les communes qui l’ont mis en œuvre, avec le numéro fiscal du logement afin de repérer les manquements en termes de déclaration de revenus issus de locations de courtes durées. Il est encore question d'adapter les outils d’urbanisme pour permettre aux communes de favoriser le développement de résidences principales. Pour ce faire, la création d’une servitude de résidence principale dans le PLU – qui donnerait la possibilité aux maires de réserver des zones pour les habitations pérennes à l'année – fait actuellement l’objet d’une "analyse approfondie". Enfin, cet axe comprend une mesure qui n'en est pas encore une : le gouvernement annonce qu'il va "engager des réflexions sur la fiscalité des revenus locatifs afin de favoriser les locations de longue durée".
Extension "majeure" des zones tendues
L'axe III, qui tend à renforcer la réglementation des meublés de tourisme, est sans doute, en l'état, le plus opérationnel pour les élus locaux qui se voient ici dotés de marges de manœuvre accrues. Mesure importante : d'ici la fin du mois de juillet, un décret va procéder à une "extension majeure" du nombre de communes relevant d’une zone tendue et où s’applique la taxe nationale sur les logements vacants (TLV). Ce nouveau classement permettra à 2.259 nouvelles communes touristiques de majorer jusqu’à 60% la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) et d’appliquer la réglementation existante sur l’encadrement des meublés de tourisme (numéro d’enregistrement et procédure de changement d’usage).
"Il y a de plus en plus d'échanges entre les villes qui ont mis en œuvre cette réglementation, a commenté le cabinet d'Olivia Grégoire. Beaucoup de décisions de justice sur le fond viennent la solidifier, à l'image de la décision récente du tribunal administratif de Pau sur la Communauté d'agglomération du Pays basque qui a mis en œuvre la procédure de changement d'usage avec une compensation : elle n'autorise le changement d'usage que si le propriétaire est en mesure de proposer un autre bien à la location en longue durée à l'année. Notre objectif est de faire connaître au maximum cette réglementation pour que les communes qui souhaitent s'en saisir puissent le faire dans de bonnes conditions."
La nouvelle liste du zonage comportera 3.693 communes : les 1.434 communes les plus tendues au sein des zones d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants et les 2.259 communes touristiques les plus tendues, dont 345 communes entrantes en Corse, 45 dans le Finistère et 131 en Haute-Savoie. "Cette mesure permettra aux maires qui le souhaitent d’orienter leur fiscalité en cohérence avec leurs objectifs de développement de l’offre de logements comme résidences principales, tout en dégageant des ressources qui pourront également être affectées à la production de logements abordables", précise le dossier du gouvernement. Ce nouveau zonage sera applicable au 1er janvier 2024 et les communes concernées devront délibérer avant le 1er octobre 2023 sur la mise en œuvre de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) ou sur la majoration de la THRS. Il est à noter que les pertes de recettes des communes qui avaient institué la THLV et qui ne pourront plus la percevoir dès lors qu’elles entrent dans le zonage TLV seront intégralement compensées.
Passoires thermiques
Notons encore que les communes pourront faire valoir un usage d’habitation postérieur à 1970, mesure qui devrait simplifier la résolution des contentieux engagés avec des propriétaires qui ne respectent pas la réglementation en matière de changement d’usage. Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, actuellement débattu à l'Assemblée nationale, sera créée une plateforme unique qui permettra aux communes de recevoir des fichiers standardisés contenant les données collectées auprès des opérateurs de locations de courte durée.
Dernier instrument de taille entre les mains des collectivités : les meublés de tourisme se verront appliquer les mêmes règles d’interdictions de locations des "passoires thermiques" que les locations à l’année, et selon le calendrier d’interdiction progressive prévu par la loi Climat et Résilience. Sur ce point, le maire sera libre d’appliquer la réglementation ou non. En cas de mise en application, le conseil municipal soumettra la mise en location des meublés de tourisme à un régime d’autorisation préalable fondé sur la présentation d’un DPE (diagnostic de performance énergétique).
À propos de ces nouveaux outils dont pourront s'emparer les maires, le cabinet de Dominique Faure, ministre déléguée aux collectivités territoriales, a souligné qu'il existait "un intérêt fort à ce que ces réflexions se fassent à l'échelle intercommunale, puisqu'on risque souvent des effets de bord d'une commune à l'autre en territoire tendu".
Favoriser l'offre locative à l'année
Enfin, l'axe IV comprend deux mesures pour favoriser le développement d’une offre locative à l’année et soutenir le développement de foncières locales. La première va conduire, au 1er janvier 2024, à la révision à la hausse des plafonds des loyers de Loc’Avantages en zone tendue. Ce dispositif permet à un propriétaire-bailleur de bénéficier d’une réduction d’impôt s’il loue son bien à des loyers modérés à des locataires sous plafonds de ressources.
D'autre part, dans certains territoires touristiques, notamment de montagne, une action sera engagée avec la Banque des Territoires afin de développer des foncières locales aux côtés des communes et intercommunalités souhaitant répondre à certains enjeux spécifiques : lutte contre le développement des "lits froids", développement de résidences de tourisme adaptées aux évolutions du secteur touristique, rénovation énergétique des logements touristiques ou développement d'une offre de logements permanents ou saisonniers dans l’offre rénovée pour répondre aux enjeux d’accès au logement. Plus largement à propos de la disponibilité de logements à l'année, Olivier Klein, ministre délégué au logement, estime que "les maires doivent aussi prendre leur responsabilité et construire pour répondre aux besoins".
Travaux parlementaires à venir
"Après tant d’années à tirer la sonnette d’alarme à Paris, nous voici enfin écoutés pour répondre aux besoins des habitants permanents de nos territoires, sans que cela soit au détriment de notre économie touristique et son aspect saisonnier", s'est réjoui dans un communiqué Xavier Roseren, député de la Haute-Savoie, qui a pris part au groupe de travail. "Avec ces mesures, que nous enrichirons dans l’hémicycle, nous allons étoffer la liste des outils disponibles pour les maires, afin d’agir en faveur de l’habitat à l’année dans nos territoires. Cela permet d’adapter les solutions avec pertinence, en fonction des spécificités locales de chacune de nos communes touristiques", a conclu l'élu.
En effet, que ce soit sur la régulation du développement des meublés de tourisme ou sur d'autres sujets en suspens dans ce dossier, le gouvernement a précisé qu'il existait une réflexion en vue du prochain projet de loi de finances et que d'autres travaux parlementaires, notamment une récente proposition de loi déposée par les députés Iñaki Echaniz et Annaïg Le Meur (lire notre article du 3 mai), devraient également venir en appui pour répondre aux grands enjeux que représente l'attrition du logement permanent.