Plan Avenir montagnes : déjà l'heure du bilan
A l'occasion de la dernière session du Conseil national de la montagne, le gouvernement a présenté un bilan du plan Avenir montagnes de 331 millions d'euros lancé il y a deux ans. La plupart des crédits ont été consommés mais se pose dès à présent la question de "l'après". Le gouvernement renvoie au Fonds vert. Et la Banque des Territoires peaufine une nouvelle offre d'ingénierie pour répondre aux enjeux d'adaptation au changement climatique.
C’est dans la station thermale de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) que s’est tenue la dernière session du Conseil national de la montagne (CNM), jeudi 2 février, sous la présidence de Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. L’occasion de dresser un bilan du plan Avenir montagnes de 331 millions d’euros sur deux ans, lancé le 27 mai 2021 par l’ancien Premier ministre Jean Castex à Bourg- Saint-Maurice. Ce plan avait été présenté alors comme le premier d’une telle envergure depuis les "plans neige" des années 1960-1970. Il visait avant tout à diversifier l’économie touristique des territoires de montagne après le choc de la crise sanitaire, pour aller vers un tourisme de "deux ou quatre saisons", tout en prenant en compte les enjeux du changement climatique et les "lits froids", ces appartements qui restent inoccupés une grande partie de l’année. Il se décomposait en deux volets : 300 millions en investissement public, à parité entre Etat et régions, et 31 en ingénierie (dont 11 de la Banque des Territoires).
Deux ans après, 669 projets ont été soutenus. L’enveloppe d’investissement a été entièrement dépensée à travers 482 projets pour un investissement total de 560 millions d’euros. Bagnères-de-Luchon fait partie des bénéficiaires. La station pyrénéenne a pu en bénéficier pour boucler son budget de rénovation des thermes. Le montant ? 31 millions d’euros dont 2,87 millions d’euros du plan Avenir montagnes. L’objectif est de "conforter Luchon comme station de tourisme de santé et de pleine nature", peut-on lire dans le dossier de presse du gouvernement. L'économie du ski n'est pas pour autant délaissée : la station a aussi pu remplacer un ascenseur valléen et se doter d'une nouvelle télécabine.
"Permettre aux habitants de vivre dignement"
Le plan, qui s’appuie souvent sur des orientations déjà prises par les commissariats de massifs ou les régions, a été salué par la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Dès 2018, celle-ci avait adopté son propre plan "Montagnes d'Occitanie, Terres de vie", mobilisant 800 millions d’euros entre l’Etat et la région à l’horizon 2025. "Nous voulons une montagne qui permette à ses habitants de vivre dignement", a-t-elle martelé à l’occasion du CNM, défendant sa vision de l'"aménagement équilibré du territoire" qui prenne en compte les "multi-activités de la montagne pour répondre aux enjeux climatiques (...) en soutenant bien sûr les stations mais aussi en valorisant les ressources locales, le bois, la pierre, la laine ou encore l’élevage, qui permettent de fixer les activités dans ces territoires".
Dans les Pyrénées, le plan Avenir montagnes a mobilisé 27 millions d’euros d’investissement de l’Etat sur deux ans. Mais c’est le Massif central qui a reçu le plus de crédits, avec 42 millions d’euros d'investissement, devant les Alpes (39). Derrière les Pyrénées viennent les Vosges (17,9), le Jura (15,8), la Corse (8,8). Les massifs ultramarins ne sont pas comptabilisés ici. Soit 150,5 millions d’euros au total, les régions ayant apporté la même somme. Une enveloppe de 10 millions d’euros a été consacrée à la réalisation et la restauration de 1.000 km de sentiers (85 projets pour un investissement total de 29 millions d’euros) et 18 millions d’euros ont été mobilisés pour le thermalisme, secteur qui a particulièrement souffert de la crise sanitaire (pour un investissement total de 73 millions d’euros). 6,1 millions d’euros ont ainsi été alloués aux Grand thermes de la Bourboule sur un investissement de 16 millions d’euros. Dans les Hautes-Pyrénées, le sentier qui mène du Pont d’Espagne au lac de Gaube, point d’entrée du Vignemale, dans les Hautes-Pyrénées, a pu être restauré. Beaucoup de ces projets d’investissement ont trait à la restauration de friches, de sites sensibles ou de zones humides ou à la transformation de sites nordiques en "espaces d’accueil et de séjours de pleine nature". On compte aussi dans le lot quelques projets de pistes de VTT ou de luge sur rail…
A côté des investissements, le volet ingénierie reposait sur trois piliers : 16 millions d’euros pour apporter un appui opérationnel à 62 territoires sélectionnés en deux vagues (avec notamment le financement par l’Agence nationale de la cohésion de territoires de postes de chefs de projets sur deux ans), 10 millions d’euros pour 100 projets de mobilité et enfin 5 millions d’euros pour accompagner 50 stations de montagne dans la rénovation de leur immobilier de loisir. Presque 23 millions d’euros sur les 31 ont été dépensés : Alpes (8,2), Massif central (5), Pyrénées (4,1), Jura (2), Vosges (1,7), Corse (1,1), La Réunion (423.000) et Guadeloupe (235.000). L’enjeu pour la mobilité : trouver d’autres solutions que la voiture au-delà de la réflexion sur le dernier kilomètre en station. Même si l’on compte quelques projets d’ascenseurs valléens, nombre de projets retenus se situent plus dans le rural qu’en montagne proprement dite, comme dans la Creuse ou à Vézelay (Yonne), aux portes du Morvan. Il s’agit souvent d’aide à l’élaboration de "plans de mobilité simplifiés" portés par des communautés de communes dans le cadre des nouvelles compétences héritées de la loi d’orientation des mobilités de 2019. Concernant l’immobilier touristique, ce sont plus les stations de ski qui ont été ciblées (la plupart des grandes stations ont été retenues). Mais 10% de l’enveloppe a été consommée et il reste donc des crédits à dépenser.
Une nouvelle offre d'ingénierie sur l'adaptation au changement climatique
Avec ses cartes en peau de léopard, le plan a enclenché un virage vers une "montagne durable" sans forcément donner la trajectoire. Se pose dès à présent la question de "l’après". La pérennisation des postes de chefs de projets est loin d'être garantie. Pour le financement des projets, Christophe Béchu renvoie les territoires de montagne au nouveau "Fonds vert" de 2 milliards d’euros sur 2023. La Banque des Territoires a décidé d’ "amplifier l’impact" du fonds en mobilisant 1,2 milliard d’euros supplémentaires en cinq ans (dont 1 milliard de prêts et 180 millions de crédit d’ingénierie). Elle met ainsi la dernière touche à une nouvelle offre d’ingénierie qui s’adresserait à la fois aux territoires de montagne, aux littoraux, aux villes et à l’outre-mer. "Par rapport au plan Avenir montagnes, nous sortons du domaine touristique pour répondre plus largement aux enjeux d'adaptation au changement climatique", explique Eric Guilpart, expert Montagne et tourisme à la Banque des Territoires. Au menu : aide à la planification de l’impact territorial du changement climatique, diagnostics de vulnérabilité, élaboration de plan d’action, conception de bâti résilient, mutation de l’offre économique. Tous les territoires de montagne seront éligibles à cette nouvelle offre dont le montant se monterait à 20 millions d’euros. Aux montagnes de décider elles-mêmes de leur avenir.