Relance du logement : les intentions sont là, mais les résultats encore timides
Comme pratiquement tous les secteurs de l'économie, le logement a souffert des impacts de la crise sanitaire. Mais, à la différence de bon nombre de secteurs de l'industrie, sa situation durant le premier confinement s'est plutôt alignée sur celle des ERP (établissements recevant du public) non essentiels, avec une mise à l'arrêt quasi totale des chantiers. En outre, ce brusque coup d'arrêt est intervenu dans un contexte relativement peu porteur, avec une difficulté à tenir l'objectif des 400.000 logements neufs par an. Pour relancer le secteur, le gouvernement, comme les acteurs de la construction de la construction et du logement, ont pris des engagements forts et mobilisé des moyens important. Mais, en cette fin de premier semestre 2021, les résultats tardent encore à se concrétiser.
En 2020, la pandémie de Covid-19 et les confinements successifs se sont traduits par une chute de 15% des autorisations de logements (permis de construire) et de 7% pour les mises en chantier. Le recul des permis de construire a d'ailleurs donné lieu à une polémique, pas complètement éteinte, entre les acteurs de la construction et les maires, accusés de n'avoir pas pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité dans la délivrance des permis. En outre, l'année électorale en 2020, avec des municipales étalées sur quatre mois, a également joué défavorablement en la matière. Une situation qui a contribué à l'accélération de la dématérialisation des autorisations d'urbanisme (voir notre article du 26 juillet 2021)
Dans ce contexte morose, l'effort consenti en faveur de la relance de la production de logements à travers les différents dispositifs est à la hauteur du défi. Le principal vecteur est bien sûr le plan France Relance, qui accorde une part importante à la construction, tout particulièrement par le biais de la rénovation énergétique. Le plan prévoit en effet à cette fin une enveloppe de 7 milliards d'euros (voir notre article du 4 septembre 2020). Il prévoit ainsi deux milliards d'euros pour booster le dispositif de MaPrimeRénov' (contre 750 millions en 2020), 4 milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments publics (y compris ceux des collectivités), 500 millions d'euros pour la rénovation énergétique et la réhabilitation lourde des logements sociaux et 200 millions pour la performance énergétique des bâtiments des TPE-PME. S'y ajoutent un fonds de 50 millions d'euros (largement abondé depuis) pour accélérer la valorisation des friches et une aide de 300 millions au bénéfice des communes pour encourager la densification du bâti. Enfin, une enveloppe de 200 millions est destinée à la création de places d'hébergement et à la rénovation et l'humanisation des CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale).
NPNRU et PTZ au secours du logement
Même si les objectifs et le périmètre sont un peu différents, on peut y ajouter les deux milliards d'euros supplémentaires annoncés par le Premier ministre en faveur de la rénovation urbaine lors du comité interministériel des villes (CIV) tenu il y a six mois à Grigny, ce qui porte ainsi le NPNRU (nouveau programme national de renouvellement urbain) à 12 milliards d'euros (voir notre article du 29 janvier 2021). Selon l'Anru, "ces moyens complémentaires doivent permettre d'améliorer les conditions de logement de 150.000 personnes supplémentaires dans le cadre de ce programme".
Au-delà du plan de relance, le gouvernement a également décidé d'autres coups de pouce en faveur du logement, notamment par le bais de la loi de finances pour 2021. Par exemple, alors qu'il envisageait très sérieusement l'extinction à échéance, au 31 décembre 2021, du prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession à la propriété, gouvernement a finalement décidé de prolonger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2022 (voir notre article du 10 novembre 2020). En revanche, et après avoir laissé envisager une prolongation dans un premier temps (voir notre article du 15 septembre 2020), le gouvernement semble décidé à laisser le dispositif Pinel (défiscalisation pour l'investissement locatif) s'éteindre à son échéance du 31 décembre 2021.
Action logement et la Caisse des Dépôts aux première loges
Deux autres acteurs jouent un rôle essentiel dans la relance du logement : Action logement et la Caisse des Dépôts, via la Banque des Territoires. Outre sa contribution de 1,4 milliard d'euros à la rallonge des crédits du NPNRU, Action logement a redéployé 1,5 milliard d'euros pour relancer la construction de logements sociaux et faciliter l'accès des salariés au logement (voir notre article du 5 février 2021). Pour contribuer à l'atteinte de l'objectif national de production de 250.000 logements sociaux sur deux ans, Action logement a aussi dégagé une enveloppe de 525 millions d'euros de subventions pour les organismes HLM et prévu la souscription de 100 millions d'euros de titres participatifs pour soutenir la restructuration du secteur (voir notre article du 6 mai 2021). Enfin, plus récemment, Action logement a annoncé une aide forfaitaire de 1.000 euros pour aider les jeunes salariés à accéder au logement (voir notre article du 20 juillet 2021).
De son côté, la Caisse des Dépôts consacre une enveloppe de financement de 11,1 milliards d'euros dans son plan de relance présenté le 7 septembre 2020 (voir notre article du même jour). Cet investissement prend plusieurs formes : abondement des prêts participatifs (qui constituent des quasi fonds propres) pour le logement social, apport de 8,3 milliards d'euros à CDC Habitat, filiale de la Banque des Territoires, pour financer son programme d'achats sur un an de 40.000 logements – notamment intermédiaires – en Vefa (vente en l'état futur d'achèvement), création de 5.000 logements destinés à des publics prioritaires apparus durant la crise sanitaire (travailleurs de la "première ligne"), rénovation énergétique de 125.000 logements sociaux... Sans oublier bien sûr le mécanisme clé des prêts sur fonds d'épargne. Le recours aux prêts participatifs – très appréciés des bailleurs sociaux – s'est encore étoffé avec l'annonce, par la Banque des Territoires, de la souscription d'une nouvelle enveloppe de 300 millions d'euros (voir notre article du 4 mai 2021). Enfin, lors de la seconde édition des Jéru (Journées d'échanges du renouvellement urbain), Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts, a annoncé l'apport, par la Banque des Territoires, d'une enveloppe de 225 millions d'euros de fonds propres sur trois ans "pour accélérer encore le renouvellement urbain et soutenir le développement économique des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sur la période 2021-2023" (voir notre article du 6 juillet 2021)
Les acteurs du logement s'engagent et signent
À ces engagements de l'État et des deux grands financeurs du logement répond une mobilisation des acteurs, orchestrée par Emmanuelle Wargon. Lors de la présentation du dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, la ministre du Logement s'est en effet engagée sur un objectif de production ambitieux de 250.000 logement sociaux sur deux ans, en 2021 et 2022 (voir notre article du 2 février 2021). Ce chiffre, qui correspond à 125.000 logements par an, va en effet au-delà des objectifs antérieurs, qui tournaient autour de 110.000 agréments de logements sociaux par an. Et il est très supérieur aux 87.500 logements sociaux agréés en 2020 (soit une baisse de 17% par rapport à 2019).
Cet engagement s'est concrétisé, dès le mois suivant, par la signature d'un protocole associant l'USH (Union sociale pour l'habitat), la Banque des Territoires, Action logement et quatre fédérations HLM nationales : la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH), la Fédération des Coop'Hlm, Procivis UES-AP et la Fédération nationale des associations régionales d'organismes HLM (Fnar, voir notre article du 22 mars 2021). Certains acteur clés dans la production de logements sociaux – en l'occurrence les communes à travers l'Association des maires de France – demeurent toutefois très sceptiques sur la possibilité d'atteindre ce chiffre de 250.000 (voir notre article du 16 juin 2021).
Au-delà des seuls HLM, les acteurs du bâtiment se sont également engagés de façon plus large, à travers la signature, en novembre 2020 et dans le prolongement du plan de relance, d'un "pacte pour la relance de la construction durable" (voir notre article du 16 novembre 2020). Ce pacte associe l'État, les représentants des collectivités territoriales (AMF, France urbaine et ADCF), l'USH et les acteurs privés du bâtiment (FFB, FPI, Conseil national de l'ordre des architectes...). Il ne comporte toutefois pas d'objectifs chiffrés.
Pour quels résultats ?
Ces efforts budgétaires et financiers et ces engagements solennels des acteurs portent-ils leurs fruits ? Le ministère de la Transition écologique vient de publier, le 29 juillet, les chiffres de la construction de logements au 30 juin 2021 (voir le détail dans notre encadré ci-dessous). Les résultats montrent un frémissement incontestable, avec notamment des permis de construire qui progressent de 1,6% au second trimestre de cette année par rapport aux trois mois précédents, ce qui s'annonce positif pour l'avenir. En revanche, les mises en chantiers "sont estimées en diminution (-2,7%) par rapport aux trois mois précédents". En outre, la reprise des autorisations de logements tient presque exclusivement aux maisons individuelles, qui atteignent en juin un niveau supérieur de 19% à leur moyenne des 12 mois précédant la crise sanitaire. En revanche, les logements collectifs – ce qui inclut l'essentiel du logement social –oscillent depuis six mois entre 8 et 12% en-dessous de leur moyenne d'avant-crise.
RE 2020, nouveau DPE, Climat et résilience
En guise de conclusion, il convient de rappeler que la politique du logement ne s'est pas résumée, au cours de ce premier semestre, aux seuls enjeux de la relance de la construction. On rappellera donc, pour mémoire, plusieurs événements qui ont marqué ces derniers mois, à retrouver dans les précédentes éditions de Localtis. C'est le cas, par exemple, de la réglementation environnementale des bâtiments neufs (logements et tertiaire), dite RE 2020. Présentée par Emmanuelle Wargon le 18 février dernier, celle-ci s'appliquera à compter du 1er janvier 2022 et, malgré l'adhésion de principe des acteurs, suscite quelques craintes sur un possible renchérissement des coûts du logement (voir notre article du 18 février 2021). C'est aussi le cas, dans un champ très voisin, du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE), qui se veut à la fois plus lisible et plus efficace (voir notre article du 16 février 2020).
À plus longue échéance en termes d'impact sur le logement, on peut citer également le rapport d'Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires, sur "une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés", dont s'inspire largement le volet logement du projet de loi "Climat et Résilience", en cours d'examen au Conseil constitutionnel. Celui-ci prévoit notamment l'obligation obligation de rénovation des logements de la classe G (les pires passoires thermiques) avant le 1er janvier 2025 (et le 1er janvier 2028 pour la classe F) et fixe l'objectif d'un parc immobilier au niveau BBC (bâtiment basse consommation) d'ici à 2050 (voir notre article du 13 avril 2021).
3DS, commission Rebsamen et toujours... MaPrimeRénov'
Toujours en matière législative, le projet de loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification, ex-4D), en cours d'examen au Parlement, comporte de nombreuses dispositions intéressant le logement. La plus emblématique est bien sûr la pérennisation – sous quelques aménagements mineurs – de l'article 55 de la loi SRU, qui met en œuvre l'obligation de construction de logements sociaux (voir notre article du 16 juillet 2021).
Côté institutionnel, on peut citer aussi les travaux de la commission Rebsamen, chargée "d'objectiver les freins à la construction de logements du point de vue des collectivités" (voir notre article du 2 juin 2021). Une façon diplomatique d'ouvrir le débat sur les réticences à construire des logements exprimées par certains nouveaux élus. Même si un pré-rapport a déjà été remis au Premier ministre et que certaines pistes commencent à fuiter, les conclusions de la mission n'ont pas encore été rendues publiques à ce jour.
Enfin, on ne saurait terminer autrement que sur ce qui restera sans doute comme le grand succès de 2021 : la montée en charge exponentielle du dispositif MaPrimeRénov' de rénovation énergétique des logements, étendu depuis le début du mois de juillet aux propriétaires bailleurs (voir notre article du 12 juillet 2021). Selon les derniers chiffres, l'objectif de 500.000 primes sera largement dépassé. Le résultat 2021 pourrait se situer autour de 750.000 rénovations, représentant plus de 10 milliards d'euros de travaux. De quoi faire du bien aux secteurs du logement et du bâtiment.
Le ministère de la Transition écologique publie le 29 juillet, dans le dernier numéro de sa lettre d'information "Stat Info", les résultats de la construction de logements au 30 juin 2021. Après l'année noire de 2020 (voir notre article du 28 janvier 2021) – marquée par une chute de 15% de permis de construire et de 7% pour les mises en chantier –, il est important d'analyser les résultats à la mi-2021, même si les différents dispositifs de relance et d'engagements des acteurs en faveur de la construction de logements sont encore très loin d'avoir produit leurs effets (voir ci-dessus). Incontestablement, les résultats présentés traduisent légère amélioration, même si le retour au niveau antérieur à la crise sanitaire semble encore assez lointain. Après avoir expliqué que "les estimations des mises en chantier sont plus fragiles que d'habitude du fait des perturbations liées à la crise sanitaire", la note indique que les logements autorisés (permis de construire) au second trimestre 2021 sont en hausse de 1,6% par rapport aux trois premiers mois de l'année. Une progression très proche de celle observée sur la moyenne des douze mois précédant le premier confinement (mars 2019 à février 2020). Les permis de construire sont ainsi en augmentation "lente mais constante" depuis le début de l'année 2021. En juin, le nombre de logements autorisés est même légèrement supérieur (+1%) à la moyenne des douze mois précédant le premier confinement (mars 2019 à février 2020), en données CVS-CJO (corrigées des variations saisonnières – corrigées des jours ouvrés). Toutefois, cette progression globale est uniquement le fait de la croissance rapide des logements individuels, qui ont atteint en juin un niveau supérieur de 19% à leur moyenne des douze mois précédant la crise sanitaire. Le ministère explique qu'"un tel niveau n'avait été atteint qu'une fois depuis la mi-2013 pour les logements individuels". Il est difficile de ne pas voir dans ce succès du logement individuel auprès des Français un effet des confinements. En revanche, les logements collectifs – ce qui inclut l'essentiel du logement social – ou en résidence oscillent depuis six mois entre 8 et 12% en-dessous de leur moyenne d'avant-crise. Et leur rebond de mai n'a pas été confirmé en juin. Ce décalage entre logements individuels et logements collectifs peut toutefois tenir aussi, dès lors qu'il y a reprise, aux délais très différents de montage et de concrétisation des dossiers entre l'individuel et le collectif. De leur côté – et sous la réserve indiquée plus haut –, les mises en chantier "sont estimées en diminution (-2,7%) par rapport aux trois mois précédents, en données CVS-CJO". La note observe toutefois qu'"on estime que pendant cette période, les mises en chantier ont été très proches (-0,2%) de la moyenne des douze mois précédant la crise sanitaire". On estime également que les logements commencés sont en retrait au mois de juin 2021, 4% en-dessous de leur moyenne des douze mois précédant le premier confinement, en données CVS-CJO. Si on regarde l'évolution sur un an (juillet 2020 à juin 2021), les résultats semblent meilleurs en apparence. Sur cette période en effet, 433.400 logements ont été autorisés, soit 21.400 de plus qu'au cours des douze mois précédents (+5,2%), tandis qu'on estime les mises en chantier à 387.600 logements, soit 30.600 de plus (+8,6%). Mais, comme le fait remarquer la note, "ces progressions s'expliquent en partie par le fait que la période antérieure de comparaison (juillet 2019 à juin 2020) inclut le premier confinement, où les autorisations ont fortement reculé et de nombreux chantiers n'ont pas pu démarrer du fait des contraintes sanitaires". En termes géographiques, les résultats sur un an sont contrastés. Sur les autorisations de logements, quatre régions affichent une hausse sur un an supérieure à 10%, allant de 14,7% (Grand Est) à 23,5% (Bretagne). Cinq autres connaissent une progression inférieure à 10%, allant de 1,2% (Occitanie) à 7,7% (Nouvelle-Aquitaine), l'Île-de-France se situant à +1,6%. À l'inverse, cinq régions enregistrent une baisse des permis de construire sur les douze derniers mois, allant de -0,1% pour les Drom (considérés comme une région unique) à -3% pour la Corse. Sur les mises en chantier – et avec la réserve exprimée plus haut – toutes les régions affichent une progression sur les douze derniers mois, à deux exceptions près : la Corse (-20,3%) et l'Île-de-France (-2,5%). Pour les autres régions, les progressions sont très contrastées, puisqu'elles vont de 0,4% (Drom) et 1,3% (Hauts-de-France) à 27,8% (Centre-Val de Loire) et 33,9% (Bourgogne-Franche-Comté). Au final, le premier semestre 2021 apparaît en demi-teinte en termes de construction de logements : l'amélioration est perceptible, mais reste encore loin derrière la reprise à l'œuvre dans d'autres secteurs de l'économie. |