Aménagement numérique - Le programme national du très haut débit tient son calendrier

Collectivités et opérateurs ont désormais les cartes en main pour lancer le déploiement de la fibre optique en France. Parlement, gouvernement et autorités de régulation ont fait leur travail. Quelques questions sont encore en suspens. Les élus locaux, tout comme les associations représentatives des villes, départements et régions, restent mobilisés.

Tout vient à point à qui sait attendre. Le gouvernement a ouvert, le 27 juillet, le guichet de financement pour les réseaux d'initiative publique. Ce guichet de soutien aux projets des collectivités locales (guichet B) est abondé à hauteur de 900 millions d’euros, issus des investissements d’avenir. Il n'y a pas de date limite pour déposer les projets. L'instruction des dossiers peut désormais commencer dès leur réception.
Dès le 15 juin, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) avait adopté les décisions d'analyse des marchés du haut et très haut débit (marchés 4 et 5). Elle avait aussi publié le même jour deux recommandations complétant le cadre réglementaire de déploiement dans les zones moins denses, adopté à la mi-décembre dernière après avis de l'Autorité de la concurrence et de la Commission européenne. Suite à la mise en place du cadre de déploiement pour les 148 agglomérations situées en zones très denses rendu public fin 2009, tous les éléments réglementaires semblent en place pour que la fibre optique se déploie enfin, de manière concomitante, à la fois dans les zones denses réservées aux opérateurs privés et dans les zones moins denses où se conjugueront les interventions publiques et les co-investissements.

Commercialisation du FttH

D’ailleurs, les services de fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) ont déjà démarré dans les agglomérations. Le nombre total d'immeubles équipés en FttH et raccordés au réseau d'au moins un opérateur s'élève à environ 50.500 au 31 mars 2011, soit une progression de près de 50% par rapport à l'an dernier. Environ 1.135.000 logements se situent dans ces immeubles et sont éligibles aux offres en FttH. Le nombre de logements éligibles est en hausse d'environ 36% par rapport au 31 mars 2010. Il reste à convaincre les abonnés ADSL de sauter le pas : l'Arcep compte 140.000 abonnements très haut débit en fibre optique jusqu'aux abonnés ou jusqu'aux immeubles. Leur nombre a augmenté de 20.000 environ au cours du dernier trimestre, soit un rythme un peu supérieur aux trimestres précédents (+15.000 environ aux troisième et quatrième trimestres 2010).
L’appétence pour la nouvelle boucle locale de fibre est plus forte dans les zones moins denses comme le prouvent les retours des expérimentations-pilotes à Aumont-Aubrac, Issoire, Chevry-Cossigny, etc. Les taux de pénétration vont, en milieu rural, de 65% à plus de 100%.

Territoire par territoire

La réponse des opérateurs à l'appel à manifestations d'intention d'investissement (Amii) a surpris par son ambition. France télécom, SFR, Iliad, Covage, Alsatis et une société de projet à créer (Ezyla) ont indiqué leur intention d’engager, d’ici cinq ans, les déploiements sur plus de 3.415 communes regroupant, avec les 148 communes qui constituent les zones très denses, près de 57% des ménages. Les cartes détaillées sont accessibles sur l'observatoire de la Datar.
"L'offre de co-investissement pour les zones moins denses, présentée cette semaine par France télécom, et l'accord conclu hier entre France télécom et Free, portant sur 1.300 communes, soit 5 millions de logements, donnent corps à [nos] intentions initiales. Ces décisions des opérateurs confirment également le bien-fondé du cadre de régulation de la fibre hors des zones très denses et des co-investissements que l'autorité avait souhaité les plus larges possibles. Ces annonces donnent également le signal du démarrage de l'investissement dans les territoires moins denses et nous pouvons espérer voir de tels accords se multiplier dans les prochains mois", avait notamment insisté le président de l'Arcep, Jean-Ludovic Silicani, à l’occasion d’un déplacement en Auvergne, le 22 juillet.
Les acteurs (opérateurs, collectivités) vont désormais devoir travailler "zone par zone, territoire par territoire, commune par commune" à partir des manifestations d'intention d'investissement des opérateurs et des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN : 85 sont compilés par l’Arcep) ou autres schémas de cohérence régionaux (SCoRAN).

Articulation des projets publics et privés

Pour aider les acteurs, des commissions consultatives régionales pour l'aménagement numérique du territoire (CCRANT) associant les collectivités et les opérateurs sont mises en place "à la rentrée" sous l'autorité du préfet de région, garant de la cohérence des projets et de la bonne couverture de tous les territoires.
Une étude devrait être lancée "avant la fin de l'année" pour préciser, au vu des premiers projets, les évaluations du coût des déploiements et le modèle économique permettant de garantir à tous les ménages français, y compris ceux situés dans les zones les moins denses du territoire, leur raccordement au plus tard en 2025, conformément aux engagements du président de la République. Jean-Ludovic Silicani a lui aussi annoncé ce chiffrage en cours qui se base notamment sur les cartes précises des réseaux de fibre de France télécom. Selon l’Arcep, ce coût serait désormais revu à la baisse autour de 25 milliards d’euros (dont 8 pour les investissements publics), contrairement aux précédentes estimations (30 à 40 milliards). Afin d'accompagner les élus et les collectivités dans le déploiement de la fibre, l'Arcep a notamment mis en ligne un guide à l’usage des élus intitulé "La Montée vers le très haut débit sur l’ensemble du territoire".

Zone d’incertitudes

Quelle structure publique-privée pour porter les investissements des collectivités : GIP, syndicats mixtes ? Comment régler le problème de la fibre dans toutes les zones d'activités ? Comment financer la montée en débit, aujourd'hui uniquement à la charge des collectivités locales ? Et surtout, comment résoudre les problèmes des réseaux de collecte, là où ils n’ont pas déjà été déployés, lors des projets de haut débit, comme en Auvergne ?
"Outre la bonne utilisation du fonds de solidarité numérique, c'est-à-dire bien évidemment à destination des collectivités territoriales, il serait fortement souhaitable que l'aménagement numérique se fasse grâce à la contractualisation", a ainsi interpellé Vincent Eblé. Le président du conseil général de Seine-et-Marne s'est dit inquiet que les intentions des opérateurs "ne prennent pas en compte notre schéma directeur territorial d'aménagement numérique, venant perturber sa mise en oeuvre", voire même la rentabilité du réseau d'initiative lui-même. Un "manque de solidarité" au niveau national et de "garantie" sur les engagements des opérateurs constamment dénoncés par l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca).

Pérennisation de l’aide de l’Etat

Enfin, comment abonder, de façon pérenne, le fonds d’aménagement numérique des territoires (Fant), créé par la loi Pintat sur la fracture numérique ? Malgré les deux rapports du sénateur Maurey et les 900 millions d'euros de l’appel à projets en cours qui le préfigure, la question ne semble pas encore tranchée. Même si le président de l’Arcep répète désormais "qu’un engagement financier durable de l'Etat, dans le prolongement du grand emprunt, sera nécessaire afin de permettre la réalisation des projets des collectivités les moins riches".
Autant de questions et de sujets qui seront abordées lors de la sixième édition de Rurali TIC à Aurillac (Cantal), les 31 août et 1er septembre prochains. L'université d'été des TIC pour les territoires aura d'ailleurs pour thème "Du très haut débat au très haut débit". Pour ceux qui ne pourraient se rendre en Auvergne, la mission Ecoter propose un déjeuner de rattrapage avec Jérôme Coutant, membre de l’Arcep, le 23 septembre prochain, à Paris, sur l'actualité concernant aussi, dès cette rentrée, le paquet télécom, la neutralité du net, la boucle locale radio et la téléphonie mobile de quatrième génération (4G). "Finalement, tout devrait arriver sur la table au bon moment : tant du côté des financements que de la réglementation", avait indiqué Jérôme Coutant dès le 8 avril dernier. Le temps semble lui donner raison.

 

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