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Aménagement numérique - Fibre optique : l'Etat s'appuie sur les départements

Eric Besson, Bruno Le Maire et René Ricol ont présenté la répartition des 2 milliards d'euros prévus pour le programme très haut débit. 1 milliard sous forme de prêts renforce la capacité d'investissement des opérateurs, 900 millions préfigurent le fonds d'aménagement pour le déploiement de la fibre optique et un soutien de 40 à 100 millions pour le développement de la nouvelle génération de satellites dédiés à l'accès internet très haut débit.

Pour l'aménagement numérique du territoire, "c'est une journée à marquer d'une pierre blanche !", sont tombés d'accord les ministres Eric Besson (chargé de l'Industrie et de l'Economie numérique) et Bruno Le Maire (Agriculture et Aménagement du territoire). Aux côtés du commissaire général à l'Investissement, René Ricol, les deux ministres ont présenté, ce 27 avril à la presse, après l'avoir fait en Conseil des ministres, la répartition des deux milliards d'euros prévus sur les infrastructures réseau pour le programme national "très haut débit" (THD), dans le cadre des investissements d'avenir.

Un AMII qui vous veut du bien

L'annonce s'appuie sur la réponse des opérateurs à l'appel à manifestations d'intentions d'investissements (AMII), dont les résultats ont été publiés le même jour. France Télécom, SFR, Iliad, Covage, Alsatis et une société de projet à créer (Ezyla) ont indiqué leur intention d’engager, d’ici 5 ans, les déploiements sur plus de 3.415 communes regroupant, avec les 148 communes qui constituent les zones très denses, près de 57% des ménages. Les cartes détaillées, territoire par territoire, sont accessibles sur l'observatoire de la Datar. "Les taux de couverture vont de près de 100% de la population, en Ile-de-France, dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône ou le Rhône, à 11% dans les Landes ou l'Ardèche", a précisé Benoît Loutrel, directeur du programme économie numérique du Commissariat général. Des annonces de déploiement "supérieures à ce que nous attendions", même si les négociations ont été "rudes", a repris René Ricol. "Ce n'est cependant pas une garantie de couverture effective et nous veillerons à ce que les opérateurs remplissent leurs engagements", a souligné Eric Besson. "En particulier, les opérateurs devront dialoguer avec les collectivités pour obtenir les fonds publics de l'aide prévue", a-t-il poursuivi.
L’objectif du gouvernement est en effet "de stimuler l’investissement des opérateurs privés et de soutenir les réseaux d’initiative publique" pour obtenir un "effet levier de un à dix", selon le ministre de l'Industrie.
Des prêts non-bonifiés mais de longue durée (jusqu'à 15 ans) sont d'abord proposés pour un montant total fixé à 1 milliard d’euros afin de renforcer la capacité d’investissement des opérateurs (c'est le guichet A). Ces prêts seront également accessibles aux délégataires au terme d’une procédure ouverte dans le cadre de réseaux d’initiative publique (DSP ou PPP). Par ailleurs, un label gouvernemental sera décerné aux opérateurs prenant des engagements en matière de rapidité et d’homogénéité de leur déploiement : notamment à ceux qui s'engageront, sur une zone donnée, à raccorder sous six mois suite à la demande d'un particulier ou d'un opérateur commercial. "Les collectivités territoriales concernées seront associées à la procédure de labellisation et au suivi de ces engagements", précise le dossier.

En avant le Fant

L'enveloppe comprend aussi  900 millions d’euros (et non plus 1 milliard, comme annoncé auparavant), préfigurant le fonds d’aménagement numérique des territoires (Fant), consacrés aux projets de déploiement de fibre optique des collectivités (guichet B). Pour en bénéficier, celles-ci devront se soumettre à "deux conditions claires et strictes", a expliqué Bruno Le Maire.
Première condition : que les projets ne portent pas sur des communes que les opérateurs se sont engagés à couvrir dans les trois ans avec un achèvement des travaux dans les cinq ans, soit un déploiement dans les huit ans au maximum. "Des accords pourraient cependant être examinés au cas par cas avec les collectivités et les opérateurs", a concédé le ministre de l'Aménagement du territoire.
Seconde condition : que les projets soient dimensionnés à l'échelle au moins d'un voire de plusieurs départements pour éviter les trous de couverture. Il s'agit ainsi de s'appuyer sur la mise en place des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) ou les stratégies de cohérence régionale (SCoRAN). "En tant qu'élu local, je vois trop de mitage dans mon département de l'Eure", a témoigné Bruno Le Maire.
Nouveauté : le montant de l'aide de l'Etat ne sera pas limité aux 33% jusqu'ici affichés mais pourra grimper jusqu'à 45% "pour soutenir davantage l'investissement en milieu rural, même si les subventions par prise seront plafonnées" (limitées entre 200 et 350 euros). De même, pour tenir compte de leurs spécificités, les départements d'outre-mer bénéficieront d'une "majoration forfaitaire".
Quant au financement à long terme du Fant, "nous réfléchissons aux propositions du rapport Maurey et le comité devrait être créé dans les prochaines semaines pour permettre aux opérateurs et aux collectivités locales d'y être associés", a évoqué Bruno Le Maire.

L'alternative : la montée en débit et le satellite

"Dans les territoires isolés ou présentant des difficultés particulières, nous soutiendrons également la montée en débit", a conclu le ministre.
Enfin, dernière annonce attendue : un soutien de 40 millions d’euros en 2011, pouvant être étendu à 100 millions d’euros (ceux qui manquaient au milliard précédent), sera consacré aux travaux de recherche et développement visant à préparer la nouvelle génération de satellites dédiés à l’accès très haut débit à Internet (sur le modèle de KA-SAT), sous l’égide du Centre national d’études spatiales (CNES). Les satellites pourraient ainsi achever, plus rapidement et à moindre coût, la couverture exhaustive du territoire national.
Le "comptable" René Ricol, comme il se définit lui-même, a repris : "les opérateurs nous disent que pour atteindre leur objectif de couverture, ils investiraient aux alentours de six milliards d'euros. Entre les collectivités et l'Etat, nous rajoutons quatre milliards (ndlr : soit 2 milliards attendus de la part des collectivités). Nous mettons donc aujourd'hui aux alentours de dix milliards sur la table", pour les dix ans qui viennent. Ce n'est donc que la première tranche des 25 milliards nécessaires, d'après les études, pour une couverture THD à 100% d'ici à 2025.
"Les sept projets pilotes de déploiement de fibre en cours nous laissent espérer des solutions de déploiements plus rapides et moins coûteuses, avec des liaisons radio, notamment", a anticipé René Ricol, avec optimisme. "Et si les opérateurs font un peu plus que ce qu'ils annoncent en termes de couverture de la population, pour les écoles, les zones industrielles, nous pourrons nous aussi faire un effort en matière de prêt...", a promis le commissaire à l'Investissement.
Rendez-vous est pris pour la présentation des résultats des déploiements expérimentaux de FttH (fibres jusqu'à l'abonné) fin mai. Les guichets de financements pour les prêts et les aides publiques devraient être ouverts en juin prochain, pour au minimum six mois.