Financement des mobilités : Régions de France met la pression

Régions de France a profité de son 25e anniversaire pour lancer ce 18 décembre ses "assises de la mobilité ferroviaire et de l’intermodalité", qui visent la remise à plat du financement des transports. À une nécessaire "mixité des mobilités", doit correspondre "une mixité des financements", plaide notamment l’association.

Pour marquer les 25 ans de sa création, Régions de France a organisé, ce 18 décembre, ses "Assises de la mobilité ferroviaire et de l’intermodalité ", promises par Carole Delga lors du congrès de Saint-Malo (voir notre article du 28 septembre). Du moins "une préfiguration", a précisé lors des débats la présidente de l’association.

Réforme ferroviaire de 1997, "2e naissance" pour les régions

Alors que "les bouleversements dans les transports sont importants et ont rarement été à ce point au cœur des enjeux" – dixit le président de la région Grand Est Franck Leroy (et par ailleurs candidat à la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France) –, retenir un tel thème pour célébrer cet anniversaire avait des allures d’évidence. D’autant plus que, comme l’a souligné Philippe Richert, ancien président de la région Alsace et de l’Association des régions de France, la réforme ferroviaire de 1997, célébrée à cette occasion, "a permis aux régions de s’implanter politiquement dans les territoires, leur a donné quelque chose qui parle aux citoyens, un vrai sujet de proximité". Un avis partagé par le député et président du Comité d’orientation des infrastructures David Valence, qui voit même "dans la réforme de 1997 une 2e naissance pour les régions, leur offrant une grande visibilité". Pour les plus jeunes, ce retour en arrière aura montré combien les enjeux de l’époque restent d'actualité. "Dialoguer avec les élus n’était pas dans les fiches de poste de la SNCF", grince ainsi Anne-Marie Idrac, alors secrétaire d’État aux transports, non sans faire écho à certains débats récents (voir, par exemple, notre article du 22 octobre 2020). Elle évoque encore "l’absence de comptabilité analytique, le manque de transparence" de la SNCF ou la course aux compétences, tant chez l’opérateur que dans les régions.

Nécessaire mixité des mobilités

"Fière d’avoir conduit cette réforme", Anne-Marie Idrac souligne que c’est "l’une des rares qui n’a jamais été remise en cause". David Valence estime néanmoins que "l’évolution de la culture SNCF n’est pas complète. Il y a encore des cheminots qui pensent que la régionalisation a été une mauvaise chose". Le retour en arrière semble pour autant improbable. D’autant que, depuis, le rôle des régions dans le domaine des mobilités n’a cessé de s’affirmer. Dernièrement sous l’effet de la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui a singulièrement mis l’accent sur l’intermodalité – dimension dont Jacques Chauvineau, ancien "Monsieur décentralisation" de la SNCF, rappelle qu’elle était déjà présente avec les TER qu’il a promus : un acronyme de "‘transport’ express régional et non ‘train’", souligne-t-il.

"De même qu’une mixité énergétique est indispensable, il faut une mixité des mobilités", insiste Franck Dhersin, vice-président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et sénateur du Nord, évoquant "le bus, le car, mais aussi la voiture, car ce n’est pas la voiture que l’on doit combattre, mais l’autosolisme". Avec la LOM, "les régions ont dû opérer une mue profonde, en matière de stratégie et d’organisation, ce qui a réinterrogé les modes d’actions des collectivités", observe Violaine Allais, directrice déléguée Mobilités à la région Pays de la Loire. Elle estime pour autant que les régions sont désormais "au rendez-vous", contrairement aux moyens qui, eux, "n’y sont pas".

Nécessaire mixité de financements

Pour l’heure, bien que "les régions ne disposent d’aucune recette liée au transport, à part celle des usagers", regrette Renaud Lagrave, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine, et que "le financement des infrastructures n’est pas de notre compétence", rappelle Franck Leroy, David Valence observe que ce sont elles "que l’on appelle, parfois très tardivement, pour financer jusqu’à 100% des infrastructures et ce, sans avoir rien à dire sur le service rendu". Les régions ? Des "cochons de payeur", avait naguère grincé Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine (voir notre article du 23 mai). Une situation ubuesque également dénoncée par Carole Delga, qui raconte que lorsqu’on leur présente la situation, "nos citoyens nous prennent pour des dingues". Elle plaide pour une "mixité sur le portage financier", mais aussi pour de "nouvelles modalités" de ce portage, en faisant preuve "d’innovation financière", notamment afin "d’étaler les impacts dans le temps". "On ne pourra pas faire l’économie d’un débat sur les financements", plaide inlassablement l’élue. François Durovray, président de la commission mobilité de Départements de France et du conseil départemental de l’Essonne, souligne l’urgence de le faire, alors que se profilent "la fin des conventions avec SNCF Réseau, la fin des concessions autoroutières et la décarbonation des véhicules, qui se traduira par une réduction des recettes de la TICPE". "D’environ 40 à 12 milliards d’euros", précise Franck Leroy. François Durovray indique que Départements de France et l’Association des maires de France envisagent d’ailleurs d’organiser des "assises de la route" à cette fin.

Les entreprises ne veulent plus être des "cochons de payeur"

Mais les vents semblent particulièrement contraires. Franck Dhersin fait part de ses "inquiétudes sur l’état budgétaire des régions", estimant que leur endettement "devient difficilement supportable". Et si Bruno Gazeau, président de la Fnaut et représentant à ce titre les usagers du ferroviaire, estime que ces derniers ne s’opposeraient pas à une augmentation des tarifs pourvu qu’elle soit liée à une augmentation de la quantité et de la qualité de l’offre d’une part, et à la fixation d’une "perspective sur 5 à 7 ans" d’autre part, Bruno Arcadipane, premier vice-président du Medef, prévient d’emblée : "On ne peut pas venir systématiquement chercher les entreprises". Elles aussi n’entendent plus être des "cochons de payeur" (voir notre article du 23 octobre). Rappelant que "le versement mobilités, c’est le fric des entreprises", il souligne que c’est "un impôt de production, direct puisque assujetti sur la masse salariale, que l’entreprise doit payer qu’elle gagne ou non de l’argent". Il relève encore que "c’est le plus important d’Europe", alors que dans le même temps, "les usagers français payent moins qu’ailleurs" et que "la contribution publique directe est très faible". Et ce, sans compter que "les 50% du pass navigo viennent en plus". Bien décidé à ne plus s’en laisser compter, le Medef a installé un comité de travail en ce domaine qui "rendra ses propositions fin février", indique-t-il. Et Bruno Arcadipane de prévenir d’ores et déjà que l’organisation souhaite "prendre place au sein de la gouvernance des autorités organisatrices de la mobilité, que l’on finance en grande partie".

L'Etat pointé du doigt

"L’État doit donner plus", synthétise in fine Carole Delga. "L’effort de l’État est insuffisant. Il faut 10 milliards d’euros par an pendant dix ans", tonne à son tour Franck Dhersin. Mais les 100 milliards d’euros d’ici 2040, pour le seul transport ferroviaire, évoqués par la Première ministre au début de l’année (voir notre article du 24 février), peinent à se concrétiser. Au cœur des discussions de ces assises, on relèvera que l’État n’y était malheureusement pas représenté (tout comme les intercommunalités, qui participent à cette "mixité des acteurs" et qui réclament elles aussi davantage de moyens – voir notre article du 13 octobre). À l’heure où l’exécutif entend "refroidir la dépense publique" (voir notre article du 20 avril) et "faire la chasse aux économies" (voir notre article du 19 juin), il n’est toutefois pas certain que sa présence aurait permis d’apporter les réponses espérées. Et François Durovray de prévenir : "L’État ne se passera pas [de la TICPE] pour pouvoir ‘équilibrer’ son budget". Régions de France n’entend pour autant nullement relâcher la pression. Elle prévoit un "Grenelle des Mobilités" au premier semestre, et la présentation de ses propositions d’ici le printemps. Ce dernier sera également marqué par la conférence nationale sur le financement des services express régionaux métropolitains, prévue le 30 juin prochain (voir notre article du 19 décembre).

 

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