Mobilités en régions : les transports collectifs à la peine, faute d’offre suffisante
Une nouvelle édition de l’enquête Ipsos/Transdev observe que les transports en commun ne parviennent pas à prendre le pas sur une voiture jugée toujours incontournable, mais dont la popularité commence néanmoins à s’effriter. Principale raison avancée, une offre jugée défaillante, tant en quantité qu’en qualité, qu’il apparaît d’autant plus nécessaire de redynamiser avec la mise en place des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Pour l’heure, ces dernières divisent la France en deux. Mais même leurs partisans y trouvent à redire.
En matière de transports collectifs, le défaut d'offre expliquerait le fait que le voyageur du quotidien ne parvienne pas à monter dans le train de ces derniers. Non sans argument, l’air a été entonné tout au long du dernier congrès de Régions de France, qui s'est tenu les 27 et 28 septembre à Saint-Malo. Et ce, quel que soit la couleur politique du président de région. Et c’est encore ce que démontre la deuxième édition (après 2019) de l’enquête* sur les mobilités en régions conduite par Ipsos pour Transdev, dévoilée par Mathieu Gallard, directeur d’études au sein de cet institut de sondage, ce 28 septembre lors du congrès malouin.
Voiture toujours incontournable, mais insatisfaction grandissante
Sans surprise, la voiture reste utilisée par une très grande majorité des sondés pour au moins un déplacement du quotidien (86% contre 87% en 2019). Un taux qui atteint même 97% des 65 ans et plus qui vivent en milieu rural, et qui reste important – 67% – même chez les moins de 35 ans vivant dans un centre urbain. Jugée rapide (90%) et présentant globalement peu de contraintes (73%), la voiture reste "incontournable" pour 86% des sondés. Sa popularité commence toutefois à s’effriter, mise à mal par la hausse des carburants, par les nuisances qu'elle suscite ou encore par le sentiment de dépendance éprouvé à son égard. 68% des sondés souhaiteraient ainsi moins l’utiliser, ce qui est notable dans la mesure où 71% indiquent dans le même temps que conduire constitue pour eux un plaisir. Certains passent à l’acte – au moins partiellement – puisque la part des personnes utilisant un vélo progresse (19% contre 15% en 2019, progression surtout chez les jeunes et… en milieu rural), ou ont davantage recours au covoiturage (8% contre 5% en 2019). En revanche, les utilisateurs des transports en commun reculent (27% contre 31% en 2019).
Une offre jugée défaillante qui mine les transports en commun…
Principale raison invoquée pour justifier ce repli, une offre défaillante. Arrivent ainsi en tête des raisons justifiant ce non-recours l’absence de lignes permettant de rejoindre sa destination (41%), des fréquences de passage trop faibles ou des horaires inadaptés (30%), l’absence d’arrêts à proximité du domicile (27%), la durée trop longue du trajet (25%) ou encore le nombre trop important de changements à réaliser (18%). Le coût n’arrive qu’en sixième position, à égalité avec les problèmes d’insécurité (14% chacun). Et parmi les autres raisons avancées, celles liées à l’offre restent nombreuses, comme le manque de fiabilité du service (11%) ou son manque de confort (7%).
Si ces raisons sont logiquement beaucoup plus mises en avant dans les zones périurbaines et rurales (où l’absence de lignes et d’arrêts ainsi que les fréquences de passage trop faibles constituent le trio de tête), elles restent également prépondérantes dans les centres urbains et les petites couronnes (la durée trop longue de trajet arrivant ici en tête, devant l’absence de ligne et des fréquences de passage insuffisantes).
… et qu’il faut redynamiser en priorité
Pour modifier leurs comportements, les sondés attendent logiquement une redynamisation de l’offre de transport en commun : des bus et des trains près de chez eux, avec des fréquences de passage plus élevées (72% contre 67% en 2019), un meilleur respect des horaires (71% contre 64% en 2019), mais aussi la mise en place d’un titre de transport unique national (71% contre 67% en 2019), ce qui ne manquera pas de ravir Clément Beaune (voir l’encadré de notre article du 28 septembre). Arrivent ensuite la modernisation des lignes (63%), des aides publiques à l’achat de véhicules hybrides et électriques (62% et 53% pour les vélos), un renforcement de la sécurité (62%), puis la mise en place de parking-relais (59%), de services digitaux d’information (58%) de pistes cyclables dédiées (57%), de voies réservées aux cars, bus et covoiturages (53%) et des bornes de recharges électriques sur le réseau tourier (52%, en très forte progression depuis 2019). La mise en place de service d’autopartage (40%) et de covoiturage (43%) séduisent moins, ce qui surprend puisque 54% des sondés souhaitent dans le même temps la mise en place de nouveaux modes de mobilité (covoiturage, autopartage, transport à la demande…) à proximité de chez eux.
Une grande majorité des sondés (78%) jugent en particulier que l’ouverture à la concurrence des trains régionaux est une "bonne chose", non sans logique puisque l’expérience a montré qu’elle fait "grossir le gâteau ferroviaire" (voir notre article du 30 septembre 2021). Un pas que certains présidents de régions, pourtant convaincus de la nécessité d’un "choc d’offre", tardent néanmoins à franchir, en dépit des recommandations de l’Autorité de régulation des transports-ART (voir notre article du 16 février 2022).
Les ZFE divisent la France en deux
Parmi les principaux avantages de l’utilisation des transports en commun perçus par les sondés, c’est leur faible empreinte carbone qui arrive en tête (34%), devançant "la possibilité de faire autre chose" (31%), la moindre fatigue (29%), le coût (28%) ou le faible risque d’accidents (19%). Ceci explique sans doute que les zones à faibles émissions – mobilité (ZFE-m), dont l’existence est connue par 82% des sondés, sont perçues favorablement par 43% des personnes interrogées (49% en centre-urbain, 36% en milieu rural). Reste que le même pourcentage (43%) y est "plutôt" ou "tout à fait" opposé. Même chez leurs partisans, les ZFE-m ne semblent pas constituer une panacée, puisque 88% des sondés jugent que "ce type de mesure fait peser des contraintes trop lourdes sur les automobilistes, notamment ceux aux revenus modestes qui ne peuvent pas changer de véhicule". Ils sont également 81% à considérer que la mise en place de ces zones "ne peut être efficace et juste socialement que si elle s’accompagne d’une augmentation des moyens de transports alternatifs à la voiture dans les agglomérations et entre les agglomérations et leurs périphéries".
* Sondage réalisé par internet du 31 mai au 8 juin auprès de 11.033 Français âgés de 18 ans et plus. Transdev présentera prochainement des déclinaisons régionales de cette enquête.