Mobilités : au congrès de Régions de France, le "syndicat mixte SRU" a le vent en poupe

Près de quatre ans après la publication de la loi d'orientation des mobilités (LOM), les collectivités continuent de s’organiser. Pour gérer leur matériel roulant, les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ont créé une société publique locale (SPL) commune. La région Bretagne réfléchit de son côté à la création d’un syndicat mixte SRU. Une solution par ailleurs promue pour faciliter la mise en œuvre des politiques de mobilités face à la "complexité de l’organisation territoriale".

À l’atelier sur le "New deal en faveur du ferroviaire et des mobilités durables" organisé ce 27 septembre dans le cadre du congrès des régions de France de Saint-Malo, on a évidemment beaucoup parlé infrastructures, singulièrement ferroviaires. Mais pas seulement. "Les régions sont focalisées sur les négociations en cours des contrats de plan État-régions (voir encadré). Mais ce n’est pas suffisant. Nous voulons marcher sur nos deux pieds", affirme Michaël Quernez, vice-président de la région Bretagne.

 L’enjeu de l’exploitation et du "saut d’offre"

L’élu vise ici l’enjeu de l’exploitation. "Nous voulons être au rendez-vous du saut d’offre, ce qui nécessite des rames supplémentaires", précise-t-il. Pour ce faire, il indique que le conseil régional de Bretagne vient de décider l’achat de six rames. Un — tout — premier pas. " Avec notre objectif de doublement du ferroviaire d’ici 2040, c’est dire le mur financier qui nous attend", met-il en perspective. Un mur aux allures de forteresse,  Floriane Torchin, directrice à la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGTIM), concédant au passage, à propos de ce "financement de l’exploitation", que "le débat est connu, mais je n’ai pas de solution".

En Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie comme ailleurs, on est également pleinement conscient que "l’offre est cruciale". Partant du principe qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, les deux régions ont décidé d’assurer la gestion complète de leur matériel roulant ferroviaire. Pour ce faire, elles ont choisi d’unir leur force, en constituant cet été une société publique locale dédiée — la Société publique interrégionale pour les investissements dans le transport (SPIIT). L’objectif ? "Optimiser les coûts et mutualiser l’ingénierie", et aussi "lisser l’investissement dans le temps", explique Cécile Bichon, directrice générale de cette nouvelle entité. Concrètement, la société aura pour triple mission "d’acquérir du matériel neuf, d’assurer la maintenance et de décarboner le matériel existant.  Un contrat de concession est prévu à horizon 2024, qui mettra à disposition de la SPIIT le matériel pour qu’elle le gère", décrypte-t-elle.

Regarder au-delà de la métropole

En Bretagne, une réflexion analogue est en cours : "On s’oriente plutôt vers un syndicat mixte de type SRU [tel que prévu par la loi Solidarité et Renouvellement urbain, NDLR]", dévoile Michaël Quernez. Un syndicat qui serait déployé "à l’échelle de la Bretagne, avec 4 bassins de mobilité". Non sans logique, puisque l’élu confesse que la région fait par ailleurs du lobbying pour que les services express régionaux métropolitains (SERM) en cours d’adoption (voir notre article du 19 juin) "puissent être régionalisés, et ne soient pas réservés à l’échelle métropolitaine".

Une orientation à laquelle François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne, devrait être favorable. Au cours du second atelier "Mobilités" du congrès, il a en effet déploré que "ces 40 dernières années, beaucoup d’investissements ont été consacrés aux transports en cœur de ville, avec les tramways, ou de métropole à métropole, en ignorant les trajets longs du quotidien". En la matière, il avertit : "Tout ne passera pas par le ferroviaire. La route restera majoritaire". Et de mettre en avant le "million de kilomètres de routes qui irriguent de façon magistrale le territoire, permettant de nouvelles offres de transport public peu coûteuses". En tête, les services de car express qu’il a récemment promus dans un rapport adressé à Île-de-France Mobilités (voir notre article du 20 avril). Pour atteindre l’objectif, il souligne toutefois la nécessité que "les collectivités parlent davantage entre elles", estimant que "la complexité de l’organisation territoriale explique l’absence de développement de ces car express en France". Et d’ajouter : "En Île-de-France, nous avons la chance d’avoir Île-de-France Mobilités, qui réunit les différents acteurs". Une chance qui a été refusée à Toulouse, rappelle Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie.

Simplifier avec "une structure de plus" ?

Sylvain Laval, président de la commission Mobilités de l’Association des maires de France, rejoint pleinement l’élu francilien, tant sur la "complexité des choses" que sur la nécessité d’une "coopération entre collectivités" en matière de mobilités. "Les liens entre communes et régions sont essentiels", déclare-t-il, en mettant notamment en avant le besoin de soutien "en financement et en ingénierie" des premières — sans nier "le risque que les communes ne s’en remettent totalement aux régions, sans rien faire elles-mêmes, ce qui ne créerait pas de dynamique". Pour sortir de la complexité, il plaide à nouveau pour la création d’un syndicat mixte SRU, à l’échelle d’un bassin de mobilités. "C’est une bonne réponse", vante-t-il.

Une solution qu’il porte avec l’AMF (voir notre article du 7 octobre 2022), et qui a décidément eu le vent en poupe à Saint-Malo. Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie, n’en fait pas pour autant une panacée : "Cela fait partie des outils, mais veillons à ne pas dire qu’il n’y aurait qu’un modèle, qu’il y aurait toujours besoin d’une structure de plus. Soyons souples !"

 

CPER État-Bretagne : le compte est - presque - bon

"Nous voulons bien être la première région à signer, lors de notre prochaine session des 12-14 octobre prochains, son contrat de plan Etat-région, comme nous y a invité la Première ministre. Mais pour cela, il manque encore un effort supplémentaire". Alors que les négociations touchent au but, Michaël Quernez, vice-président du conseil régional de Bretagne, tente de pousser son avantage. Après "une première copie insatisfaisante, tout le monde en a convenu — ministre, Premier ministre…", l’élu admet qu’elle "s’est largement améliorée. Sur le volet mobilités, le compte y est désormais", en aurait ainsi convenu la conférence territoriale d’action publique (l’enveloppe est passée de 189 à 233 millions d’euros). "Presque", aurait-il toutefois dû ajouter, puisque l’élu breton estime qu’"il n’est pas acceptable que le CPER Bretagne ne traduise pas l’ambition pour la question portuaire". "Nous voulons être traités comme les autres régions", s’exclame-t-il, relevant que les ports bretons d’intérêt national, gérés par la région, ne bénéficient pas des mêmes largesses que les grands ports maritimes de ses consoeurs, gérés par l’État. Il réclame donc un avenant — "on cherche encore un véhicule juridique" —, qui acterait cet effort supplémentaire,  d’un montant souhaité de "30 à 50 millions d’euros sur la période 2023-2027, pour pouvoir être au rendez-vous de la transition écologique et de la décarbonation". Il souligne que la région prévoit, elle, d’investir 80 millions d’euros annuels dans ses ports. La balle est désormais dans le camp de l’État.