Mobilités : intérêt généralisé des (grandes) collectivités pour le vélo et la marche
De la substantielle enquête conduite par Vélo & Territoires et le Club des villes et territoires cyclables et marchables, dont les résultats ont été présentés ce 22 mars, il ressort que le vélo et la marche font désormais l’objet d’une véritable attention des collectivités – du moins les plus importantes d’entre elles. Le périurbain et le rural restent toutefois à conquérir, alors qu'ils manquent principalement de moyens financiers et peut-être plus encore des ressources humaines pour mettre en oeuvre ces actions.
"Un intérêt généralisé" des collectivités pour le vélo et la marche. C’est ce que retiennent de leur fort riche – et pour la première fois, commune – enquête sur les "politiques modes actifs 2022" l’association Vélo & Territoires et le Club des villes et territoires cyclables et marchables, deux associations qui envisagent par ailleurs de fusionner. 1.287 collectivités (dont 16 régions, 86 départements, 406 EPCI et 744 communes) ont répondu, entre avril et juin 2022 (voir notre article du 14 avril 2022), à tout ou partie des quelque 170 questions posées. Un sacerdoce auquel se sont pliées les plus motivées (premier biais) et, pour chaque strate, les plus importantes d’entre elles (deuxième biais). Ainsi, seules 1,5% des communes de moins de 5.000 habitants ont répondu à l’enquête (un taux qui atteint 6,4% de celles de 5.000 à 10.000 habitants et 11% de celles de 20.000 à 50.000 habitants).
Doublement des postes équivalents temps-plein dédiés au vélo
Le constat n’est pas anodin, car pour répondre à un tel questionnaire, il faut des ressources. Et plus encore pour développer une politique cyclable. Bonne nouvelle, l’étude relève que les ressources humaines des collectivités dédiées au vélo sont en forte progression, avec un doublement en moyenne par rapport à 2019 des équivalents temps-plein (ETP) dans les EPCI (+133%), les départements (+85%) et les régions (+93%) ayant répondu à l’enquête – un succès expliqué en partie par les différents programmes Avelo de l’Ademe. Cette hausse des recrutements n’est pas sans lien avec le fait que 7 collectivités ayant répondu sur 10 travaillent déjà au développement du vélo : 100% des régions, 99% des départements, 89% des EPCI et 58% des communes ayant répondu. Et elles sont désormais près de 4 sur 10 à s’être saisies de la marche, qui fait pour la première fois l’objet de développements dans l’étude.
Les communes et les petits EPCI distancés
Mais ce développement n’est pas homogène, et concerne principalement les "grandes" collectivités. "La grande majorité des territoires qui ne travaillent pas encore sur le vélo sont des communes et des petits EPCI : 91% des intercommunalités qui ne travaillent pas encore sur le sujet sont des communautés de communes et 95% des communes concernées sont peuplées de moins de 5.000 habitants", souligne l’enquête. "Le vélo se développe fortement dans les centres des grandes villes, depuis peu en banlieue proche et dans les villes moyennes, mais la part du vélo diminue dans le périurbain et le rural", constate Nicolas Mercat, premier vice-président de Vélo & Territoires (voir notre article du 6 janvier). Et d’avertir : "Il n’y aura une croissance significative du vélo qu’avec l’implication des espaces les moins denses."
Pour y parvenir, il faudra lever les deux principaux freins avancés par les répondants : le manque de moyens financiers (pour 48% d’entre eux), mais plus encore le manque de moyens humaines et d’ingénierie territoriale (69%). Pour Vincent Mercat, c’est le facteur clé de succès : "Même si l’État doublait du jour au lendemain les financements, je ne suis pas sûr que les collectivités pourraient mettre en œuvre tout ce qui prévu", confesse-t-il. Il déplore "qu’avec la conjoncture, beaucoup de collectivités hésitent à embaucher. Or, on ne peut pas tout externaliser. Il faut a minima de la maîtrise d’ouvrage, et les besoins sont encore plus grands pour le développement des services [l’enquête fait état d’une année 2021 record en la matière] et de la communication".
Priorité aux infrastructures
D’après l’enquête, les projets ne manquent pas. Pour le vélo – comme pour la marche –, la priorité reste les infrastructures. L’enquête relève que 340 collectivités comptent déployer 28.000 km d’aménagements cyclables (majoritairement non séparatifs) sur l’ensemble du mandat, dont 23.923 km restent à réaliser. Elle souligne que 20% des collectivités réalisent plus de 75% de ces aménagements. Les départements constituent les fers de lance, puisqu’ils sont à l’initiative de 52% des aménagements recensés. Si l’objectif était tenu, la France pourrait compter plus de 100.000 km d’aménagements cyclables d’ici 2027.
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Par ailleurs, 400 collectivités entendent créer 483.878 places de stationnement sur le mandat, dont 82% restent à réaliser. 80% des places seront en accès libre, l’essentiel du stationnement fermé étant porté par les régions et par les syndicats mixtes, les établissements publics administratifs, etc. L’étude souligne que cette dernière catégorie représente 22% de l’ensemble des places recensées (passant d’un rythme de 302 places réalisées par an à 6.339 places projetées annuellement !), 21% étant portés par la seule Île-de-France Mobilités. Là encore, si l’objectif était tenu, la France compterait a minima plus d’un million de places d’ici 2027.
Un budget moyen hors subvention de 15,60 euros
On ne sera donc pas surpris que l’étude fasse état d’une augmentation globale des dépenses vélo des collectivités depuis 2019 (hormis pour les petites intercommunalités). À partir des données communiquées, les auteurs de l’étude estiment qu’elles ont consacré en 2021 un budget moyen en fonds propres (hors subventions – pour éviter les "doubles-comptes" – dont 40% proviennent de l’État et 13% de l’Union européenne), de 15,60 euros par habitant : 4,61 euros pour les communes, 7,20 euros pour les EPCI, 2,62 euros pour les départements et 1,17 euro pour les régions. En moyenne, le budget vélo représente 3,7% du budget transport et 0,52% du budget global des collectivités, estime l’étude. "Si cela va dans le bon sens, on n’est encore qu’à la moitié des 30 euros annuels / habitant que l’on estime nécessaires pour atteindre l’objectif de 9% de part modale en 2025 et 12% en 2030", souligne Vincent Mercat.
"L’étude montre que la volonté est là et que les réflexions ont été conduites. Maintenant, il faut transformer l’essai et passer à la réalisation. Pour cela, il faut que les collectivités soient accompagnées. Nous avons besoin de l’État !", conclut la présidente du Club des villes et territoires cyclables et marchables, Françoise Rossignol. Elle forme toujours le vœu que l’enveloppe de 250 millions d’euros du deuxième plan vélo (voir notre article du 20 septembre) soit doublée (voir notre article du 20 janvier) et que le prochain comité interministériel présente de nouvelles pistes. "Nous espérons que les volets mobilités des contrats de plan État-région en cours de négociation couvriront au maximum le système vélo", exprime pour sa part Camille Thomé, directrice de Vélo & Territoires. Des volets qui souffraient de l’absence des tant attendues analyses du Conseil d’orientation des infrastructures (voir notre article du 2 décembre), désormais connues (voir notre article du 24 février).