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Réforme de l'apprentissage : le gouvernement dévoile ses mesures

Edouard Philippe a levé le voile le 9 février 2018 sur le deuxième volet de son chantier social : vingt mesures pour relancer l'apprentissage des jeunes. Après plusieurs mois d'une concertation que le Premier ministre a qualifiée de "riche et animée, franche et directe", les changements sont profonds. La refonte concerne la gouvernance, le système de financement et les aides aux apprentis. Le transfert du pilotage aux branches professionnelles en particulier aura bien lieu. Dénonçant une recentralisation du système, les régions disposeront chaque année de 250 millions d'euros pour la péréquation territoriale et de 180 millions pour investir dans de nouveaux CFA. 

Sur les 44 pistes données il y a à peine une semaine par Sylvie Brunet qui était en charge de la concertation sur la réforme de l’apprentissage depuis fin octobre 2017, ce sont donc 20 mesures que le gouvernement entend garder pour relancer un apprentissage au point mort depuis dix ans, malgré une légère amélioration en 2017 (cf notre encadré ci-dessous). Face aux 1,3 million de jeunes sans emploi et sans formation en France, et alors que sept apprentis sur dix trouvent du travail en sept mois, le Premier ministre, entouré de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, du ministre de l’Education natinonale, Jean-Michel Blanquer, a rappelé que l’apprentissage était un des leviers pour lutter contre le chômage des jeunes, comme le montrait la réussite du dispositif dans d’autres pays européens comme l’Allemagne ou le Danemark. "L’apprentissage ne doit plus être une voie de garage mais une voie d’excellence", a-t-il insisté. La révolution copernicienne, chère au cœur de Muriel Pénicaud, est donc en route.

Le transfert tant décrié par les régions aura bien lieu

Premier grand changement, contre lequel les régions se sont tant battues : le transfert de l'apprentissage aux branches professionnelles. Ces dernières vont désormais piloter l'apprentissage, notamment en décidant des ouvertures des centres de formation d'apprentis (CFA), dans l'objectif de mieux répondre aux besoins des patrons d’entreprise.
Le financement des CFA est lui aussi totalement revu. Ainsi la taxe d’apprentissage va être remplacée par une "contribution alternance" de 0,85% de la masse salariale. Les régions ne sont cependant pas totalement écartées puisqu’elles conservent la responsabilité de l’orientation professionnelle. Mais elles sont sorties de Matignon quelque peu agacées, condamnant le contenu de la réforme qui "ne répond pas aux véritables enjeux du développement de l'apprentissage".
Les CFA seront dorénavant financés "au contrat", c'est-à-dire en fonction du nombre d'apprentis qu'ils accueillent. Un financement qui dépendra aussi du coût du diplôme préparé, déterminé par les branches.
"On centralise le système", explique François Bonneau, président délégué de Régions de France et président de Centre-Val de Loire. "Nous voulons une modulation des coûts contrat, il faut une adaptation à la réalité or l’enveloppe est notoirement insuffisante pour accompagner des dispositifs de qualité." Dans ce nouveau système de financement, les régions gardent une capacité de subvention de 250 millions d’euros par an pour assurer l'égalité au sein des territoires, et une dotation de 180 millions d’euros par an pour investir dans la création de nouveaux CFA.

L’aide aux jeunes au cœur de la réforme

Le gouvernement veut en finir avec l’apprentissage choisi "parce qu’on ne sait pas quoi faire en sortant du collège". L’idée est d’informer les familles et les jeunes des métiers qui existent et qui sont pour l’instant en déficit d’employés. Des journées annuelles d’information vont donc être organisées par les régions en classes de 4e, 3e, 2nd et 1ere. Tous les jeunes qui voudront s’orienter dans cette filière auront accès à des prépa-apprentissage.
Une aide financière est également prévue : tout apprenti d'au moins 18 ans bénéficiera de 500 euros pour passer le permis de conduire. Autre coup de pouce : une hausse de la rémunération des apprentis à hauteur de 30 euros net par mois. De plus, pour lutter contre les ruptures de contrat en cours de route, les apprentis pourront continuer leur formation pendant six mois.
La ministre du Travail, se fondant sur le rapport du député européen Jean Arthuis, a également annoncé que 15.000 jeunes pourraient bénéficier du programme Erasmus de l’apprentissage pour effectuer plusieurs mois de formation dans un autre pays européen.
La limite d’âge pour se lancer dans la filière va passer de 26 ans actuellement à 30 ans. Plusieurs régions, dont l'Occitanie et l'Ile-de-France, expérimentent depuis plusieurs mois l'apprentissage jusqu'à 30 ans, dans le cadre d'une expérimentation prévue dans la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Se séparer d'un apprenti sans saisir le Conseil des Prud'hommes

Les entreprises sont elles aussi appuyées par le gouvernement dans cette réforme. Ainsi elles pourront désormais se séparer d’un apprenti sans avoir à saisir le Conseil des Prud’hommes.
La réglementation sera revue pour faciliter l'intégration des jeunes, comme par exemple un temps de travail maximum porté à 40 heures par semaine pour les apprentis mineurs travaillant sur les chantiers, avec paiement des heures supplémentaires au-delà de 35 heures. La durée du contrat d'apprentissage pourra aussi être modulée selon le niveau de qualification atteint par l'apprenti, et l'embauche d'apprentis pourra se faire tout au long de l'année scolaire.
Le projet de loi sur le sujet doit être présenté le 18 avril en conseil des ministres.
 

Légère amélioration de l'apprentissage
L'apprentissage poursuit son redressement, avec une hausse des contrats publics et privés sur la campagne 2016/2017 (de juin 2016 à mai 2017) de 2,1%  par rapport à la même période de 2015/2016, d'après les chiffres de la Dares (ministère du Travail). Au total, 291.000 entrées dans le dispositif sont comptabilisées. Une forte augmentation des contrats d'apprentissage du secteur public (+12,3%, avec 14.000 contrats) est à signaler.

 

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