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Réforme de l'apprentissage : les régions ne désarment pas

Les présidents de régions restent très mobilisés contre l'idée de transférer l'apprentissage aux branches professionnelles. Ils s'en sont ouverts le 5 décembre devant 24 parlementaires.

Le nouveau président de Régions de France, Hervé Morin, président de la région Normandie, a vite imprimé sa marque. Tout d’abord en décidant de rallier la Conférence nationale des territoires dont l’association avait claqué la porte fin septembre, en échange d’un "pacte de confiance" avec l’Etat d’ici à 2022. L’ancien ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy veut aussi peser de tout son poids dans la concertation sur la réforme de l’apprentissage lancée le 10 novembre. Il devait d’ailleurs s’exprimer avec les représentants des branches du bâtiment et des travaux publics de Normandie, ce vendredi, pour rappeler "l’impérieuse nécessité d’un pilotage public régional de l’apprentissage en associant étroitement les branches professionnelles". Déposséder les régions de l’apprentissage et de la taxe associée pour les confier aux branches professionnelles, comme le demande le Medef, serait une "erreur profonde" avait déclaré Hervé Morin, lors de sa prise de fonction le 22 novembre. Invoquant le modèle allemand, le patron du Medef, Pierre Gattaz, avait proposé au mois d'octobre que les centres de formation des apprentis (CFA) et la taxe d’apprentissage ne soient plus gérés par les régions, pour qu’il n’y ait plus d’intermédiaires : "Sur l’apprentissage, il faut vraiment faire bouger le système, cela fait des décennies que cela ne marche pas. Nous demandons une approche clients/fournisseurs", avait-il argué, le 12 octobre, à l’issue d’un entretien avec le président de la République.

Un problème d'orientation

Pour les régions, les difficultés de l'apprentissage relèvent davantage d'un problème d'orientation que d'organisation. Le confier à des branches au demeurant peu demandeuses pourrait poser problème pour l'aménagement du territoire, avec le risque de voir disparaître les CFA de zones rurales, arguent-elles. Elles ont depuis obtenu un soutien appuyé des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), qui possèdent quelque 122 CFA. Mais lors de la présentation du livre blanc de l’APCMA (Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat) sur l’apprentissage, le 6 décembre, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, n’a pas écarté cette hypothèse : "On ne peut pas commencer la concertation sur l’apprentissage en partant du rôle des acteurs. On va en discuter mais il faut d’abord se mettre d’accord sur l’ambition de la réforme", a-t-elle dit.
Sachant que les discussions sur le futur projet de loi se dérouleront au printemps, les Régions de France commencent à sensibiliser les parlementaires. L’association a ainsi convié 24 députés et sénateurs à un dîner de travail, le 5 décembre. "Après ce premier échange, il est prévu d’organiser d’autres réunions de travail avec les parlementaires dans un cadre plus resserré", a indiqué l’association, dans un communiqué du 7 septembre.

Echanges "fructueux" avec les parlementaires

Reprenant le fil rouge de leur document "18 réformes pour relever les défis de la société des compétences et de la bataille pour l'emploi" présenté le 8 novembre en amont de la concertation, les présidents de régions ont notamment fait valoir que l’apprentissage "relève d’une chaîne cohérente qui va de l’orientation à l’emploi et débouche sur le développement économique". Ces échanges qualifiés de "fructueux" ont permis d’avancer sur huit points, notamment pour "préserver le rôle irremplaçable des régions en matière de cohésion des territoires dans les implantations de centres de formation des apprentis (CFA) et de péréquation financière pour permettre le financement des CFA interprofessionnels, sur les métiers transversaux". L’un des arguments mis en avant par les régions contre la proposition du Medef est en effet que de nombreux CFA ne dépendent pas d’un secteur mais sont interprofessionnels (c'est le cas de ceux des CMA). Parlementaires et représentants des régions se sont également entendus pour donner plus de poids au monde économique "dans la co-construction des cartes de formation, avec une vision par bassins d’emploi" ou pour "donner à l’apprentissage le même 'niveau de dignité' que les autres formations", "ce qui nécessite que les régions soient responsables de l’orientation en lien avec l’Education nationale et les branches professionnelles". Cette compétence en matière d’orientation, les régions la réclament depuis longtemps. L’un des travers du système actuel est que les principaux de collège sont notés en fonction du nombre de passages dans la filière générale. Comme le disait récemment Bernard Stalter, le président de l’APCMA, il est "normal qu’ils n’aient pas envie d’orienter leurs élèves vers l’apprentissage".

 

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