Régions de France : la relation avec le gouvernement pourrait "commencer à s'apaiser"... sauf sur l'apprentissage
Apprentissage, financement, export, transport... les régions soufflent le chaud et le froid dans leurs relations avec l'Etat. Lors des ses voeux, le 23 janvier 2018, le président de Régions de France, Hervé Morin, a ainsi menacé de "sortir du financement de l'apprentissage". Les régions sont toujours en attente de réponses concernant leur financement. Mais elles ont un sujet de satisfaction : le nouveau pilotage de l'export en train de se mettre en place.
"Les relations avec le gouvernement pourraient commencer à s'apaiser et c'est tant mieux car nous voulons tous la réussite des Français", a déclaré Hervé Morin, président de Régions de France, lors de ses vœux organisés au Centre Pompidou, le 23 janvier 2018, parlant plus de "recherche de compréhension réciproque" que de "confiance réciproque" à l'heure actuelle. "Les collectivités ont eu le sentiment de ne pas être assez respectées, reconnues, aimées par le président de la République et ont eu besoin de le lui dire : on ne nous a pas beaucoup 'calculés' dans les premiers mois du quinquennat", a poursuivi le président de la région Normandie, précisant que, loin d'être "le nœud du conservatisme" ou "des obstacles à la mise en œuvre du programme de réformes du gouvernement", les régions "peuvent être des alliés, des moteurs".
C'est sur la réforme de l'apprentissage que la situation est la plus tendue. Les régions se battent depuis plusieurs semaines pour éviter que l'apprentissage ne prenne la voie de ce qu'elles considèrent être une "privatisation". Elles menacent de "sortir purement et simplement de tout dispositif sur l'apprentissage", si le gouvernement décidait d'en confier le pilotage au Medef et à l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM). "Nous n'accepterons pas d'être les complices d'un système qui rendrait totalement déserts des pans entiers de notre territoire", a martelé Hervé Morin (sur le sujet, voir notre encadré ci-dessous).
Mobilité, transports et fonds structurels européens
Autre sujet essentiel aux yeux des régions : la mobilité et le transport. Les régions ont fait part de leurs recommandations sur le sujet en janvier, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du TER dès 2019. "Il s'agit d'une réforme clé pour innover et juguler les coûts du transport ferroviaire", a insisté Hervé Morin, pour qui la situation est délicate, l'état des transports étant, selon lui, souvent proche du "Moyen-Age". Pour Régions de France, il faut que les régions puissent avancer sur ce point à leur propre rythme (sur le sujet, voir ci-dessous notre article du 9 janvier 2018).
Côté Europe, les régions sont fortement mobilisées. Dans le contexte du Brexit et de nouvelles priorités à financer comme la défense, les discussions sur le cadre financier pluriannuel 2020-2025 s'annoncent âpres cette année. La politique de cohésion pourrait en faire les frais et être concentrée à l'avenir sur les régions qui en ont le plus besoin. "Toutes les régions doivent rester éligibles aux fonds européens, a affirmé Hervé Morin, c'est le message que nous allons marteler." Une déclaration commune avec l'Allemagne est en cours de rédaction et devrait être publiée dans les prochains jours. Pour Hervé Morin, c'est "'un combat essentiel, celui de la cohésion des territoires".
Des réponses attendues concernant le fonds de soutien exceptionnel
Enfin, côté financement, pas d'avancement particulier. Le précédent gouvernement s'était engagé, à travers la loi de finances pour 2017, à créer un fonds de soutien exceptionnel accordé aux régions au titre de l'année 2017 et versé en deux fois (200 millions en 2017 et 250 millions en 2018), pour remplacer les dotations régionales, en plus de la fraction de recettes de TVA que vont percevoir les régions. Mais celles-ci n'ont pour le moment reçu qu'une première enveloppe de 200 millions d'euros et le gouvernement a signalé que le fonds passerait à 250 millions d'euros. "Nous attendons toujours le début d'une proposition sur le sujet", indique à Localtis Hervé Morin, qui s'interroge sur la possibilité, dans ce contexte, de signer les contrats de maîtrise des dépenses locales prévus pour les 340 collectivités ou groupements les plus importants par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques, publiée au Journal officiel ce 23 janvier.
Un sujet de satisfaction : le pilotage de l'export
Seul véritable sujet de satisfaction pour les régions : l'accord signé le 5 septembre 2017 entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et Régions de France sur la mise en place d'un guichet unique régional, dont elles sont chargées, en matière d'export. Elles s'appuieront sur l'expertise de Business France en matière de diagnostic, d'orientation et d'accompagnement export et sur le réseau de proximité des chambres de commerce et d'industrie. La future loi Pacte préparée à Bercy pour le printemps 2018 inclut ce principe de guichet unique, sous l'autorité des régions, dans l'idée de créer une "Equipe France". "C'est un bon accord, s'est félicité Hervé Morin, mais nous ne nous contenterons pas d'être un strapontin, pour nous, la transformation du pays passe encore et toujours par les régions, nous souhaitons conclure un pacte girondin entre l'Etat et les collectivités pour savoir comment transformer ensemble le pays", et faire des régions les "laboratoires des politiques publiques". Au cœur des enjeux : la possibilité pour les régions de mener des expérimentations, comme le prévoit le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance. "Nous souhaitons être associé aux réflexions en cours", signale le président de Régions de France.
Les régions menacent de sortir de l'apprentissage
La concertation sur l'apprentissage entre l'Etat, les régions, les partenaires sociaux et les organisations patronales touche bientôt à sa fin, avec un projet de loi attendu au premier trimestre 2018. Or les régions regrettent l'orientation choisie par le gouvernement, consistant à transférer l'apprentissage aux branches professionnelles. Après de nombreuses discussions, qui se poursuivent cette semaine sous forme de rencontres bilatérales, elles ont fini par accepter le principe d'un financement des centres de formation d'apprentis (CFA) au contrat mais elles demandent une régulation publique. "Il faut un mécanisme de régulation car il y a un système dual avec des lycées professionnels et des CFA, a précisé Hervé Morin durant ses vœux le 23 janvier 2018, il faut créer des passerelles." L'objectif étant de tenir compte de l'existant sur le territoire (s'il y a un lycée professionnel, mieux vaut le renforcer plutôt que de créer un nouveau centre à côté). Dans ce cadre, les régions souhaitent conserver un droit de regard sur l'ouverture d'un CFA. Et si l'Etat "fait le choix d'une privatisation" de l'apprentissage, "les régions sortiront purement et simplement du financement de l'apprentissage", a affirmé le président de Régions de France. Celui-ci constate que "mis à part le Medef et l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), tout le monde partage notre position". "Nous pensons que l'alternance et l'éducation ne répondent pas simplement à une loi qui serait l'économie de marché." Les concertations se poursuivent cette semaine et la suivante, pour aboutir à un document de synthèse, prémisses du projet de loi. Il y a "beaucoup plus de compréhension et d'écoute, assure toutefois Hervé Morin, il y a un très bon dialogue avec Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer". De son côté, la ministre du Travail a regretté à nouveau, le 23 janvier sur CNews, "une focalisation excessive" sur le futur "circuit de financement" de l'apprentissage. La "seule chose qui compte" est d'offrir des débouchés au 1,3 million de jeunes "qui ne sont pas en formation, pas en emploi, qui n'ont pas d'espoir", a déclaré Muriel Pénicaud, c'est ça que je dis aux régions et aux partenaires sociaux, que mon cabinet reçoit cette semaine et que je verrai la semaine suivante".