Archives

Transport ferroviaire - Les régions prêtes à une ouverture "progressive" à la concurrence des TER

Régions de France a présenté ce 9 janvier ses recommandations sur l’ouverture à la concurrence des TER, qu’elle a transmises à la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Dans la perspective de l’échéance fixée au 3 décembre 2019 par le quatrième paquet ferroviaire européen, l’association, qui milite pour un processus d’ouverture progressif tenant compte des spécificités de chaque région, souhaite qu’un projet de loi soit voté avant l’été 2018. Celui-ci devra selon elle introduire un cadre souple pour les relations contractuelles entre région et opérateur et fixer les règles en matière de transfert des personnels.

L’ouverture à la concurrence des TER sera l’un des grands dossiers de 2018 pour Régions de France, qui en a fait le thème de sa conférence de presse de rentrée ce 9 janvier. Si la législation européenne prévoit l’attribution par appel d’offres des contrats de service public ferroviaire "au plus tard le 3 décembre 2019", la France doit transposer d’ici le 25 décembre 2018 ce quatrième paquet ferroviaire qui s’applique aux TER, a rappelé l’association d’élus. Depuis octobre 2016, elle a mis en place un groupe de travail technique dédié à cette question. Entre mars et juillet 2017, elle a organisé des auditions des diverses parties prenantes (exploitants feroviaires français et européens, autorités de régulation, gestionnaires d’infrastructures, organisations syndicales, associations d’usagers…).
A partir de ce travail préparatoire (lire nos articles ci-dessous), les régions ont formulé des recommandations pour les évolutions législatives à venir, qu’elles ont transmises à la ministre des Transports, Elisabeth Borne, avant de les rendre publiques ce 9 janvier.
Tout d’abord, elles défendent le principe d’une ouverture "progressive" à la concurrence. "Chaque région doit pouvoir avancer à son propre rythme, selon les caractéristiques de son réseau, la qualité de sa relation contractuelle avec SNCF Mobilités et les enjeux de son territoire, soutient Régions de France. Elle doit aussi pouvoir si elle le souhaite assurer directement le service via une régie ou une société publique locale (SPL)."

Une loi au "premier semestre 2018"

Mais pour lancer le processus, il faut que le cadre légal et réglementaire soit prêt au plus vite. D’où la nécessité de maintenir l'objectif d'un vote de la loi par le Parlement "au cours du premier semestre 2018", a souligné ce 9 janvier Michel Neugnot, président de la commission transports et mobilité de Régions de France. Les régions demandent par ailleurs à l'Etat de "rester purement et simplement dans la déclinaison du quatrième paquet ferroviaire" et de ne pas leur imposer des normes et obligations "au-delà de ce que l'Europe recommande", a-t-il ajouté.
Pour Régions de France, la loi doit "introduire un cadre souple pour les relations contractuelles entre région et opérateur", de nombreuses dispositions restant du domaine du contrat. Ainsi, la loi ne doit pas fixer selon elles de taille minimum ou maximum des lots, pas plus que d'obligation de durée minimum ou maximum des contrats. Le contrat doit pouvoir prendre la forme d'une délégation de service public ou d'un marché public, avec ou sans dialogue compétitif. Les régions entendent aussi rester libres de mettre à disposition le matériel roulant qu'elles possèdent, d'aider l'entreprise ferroviaire dans l'acquisition de celui-ci, de créer une structure de mise à disposition de ce matériel seules ou avec d'autres autorités organisatrices de transport, etc. Elles veulent aussi pouvoir "adapter leur stratégie de maintenance à la réalité du terrain".

Clarification du transfert du matériel roulant et des personnels

Par contre, la future loi doit selon elles clarifier le transfert du matériel roulant prévu par la loi portant réforme ferroviaire de 2014, notamment la façon dont le coût de démantèlement des matériels anciens, surtout ceux qui sont amiantés, sera pris en en charge. Il faut aussi, estiment-elles, que la loi prévoie le transfert des ateliers "dès lors qu'ils sont totalement  ou majoritairement utilisés pour la poursuite des missions prévues par un contrat TER".
Pour compléter l'offre TER sur leur territoire, les régions demandent aussi à ce que soit pérennisée par la loi la possibilité de contractualiser avec les opérateurs pour les services librement organisés (SNCF Mobilités, en particulier pour son offre TGV, Thello). Plusieurs accords de ce type existent aujourd'hui, permettant aux abonnés régionaux d'emprunter les TGV sur certaines dessertes ou de permettre l'arrêt de TGV dans certaines gares.
Autre recommandation considérée comme prioritaire, la loi devra mettre en place le cadre et les modalités de transfert des personnels. "L'ouverture ne doit pas se faire sur le dos des agents actuels, ni sur celui du service public qui doit s'améliorer", soutient Michel Neugnot. Les régions soulignent la responsabilité des partenaires sociaux dans les négociations qui vont s'engager sur ce point. Selon une estimation de l'association, moins de 5.000 personnes seraient dans un premier temps concernées dans une demi-douzaine de régions métropolitaines sur treize.

Accès aux données

Pour leur permettre d'être "des autorités organisatrices de transports à part entière", les régions souhaitent aussi que la loi leur assure l'accès à l'ensemble des données nécessaires pour élaborer notamment le cahier des charges des opérateurs. Elles veulent aussi pouvoir disposer d'un état des lieux des infrastructures et des gares compte tenu de "l'état de dégradation" d'une grande partie du réseau TER.
"Préparer des offres de dessertes sans se poser la question de ce qui est prévu pour l'entretien des réseaux, c'est prendre le risque d'avoir des ralentissements, donc des temps de parcours supérieurs", a mis en garde Michel Neugnot, alors que les régions veulent affirmer leur rôle de cheffes de file de l'intermodalité ferroviaire et routière sur leur territoire. Elles veulent ainsi être propriétaires des données voyageurs pour maîtriser les systèmes de billeterie et d'information voyageurs. L'idée est d'offrir à terme aux utilisateurs "un titre de transport unique" permettant d'aller d'un point à un autre d'une région "indépendamment des moyens utilisés".