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Apprentissage : 44 pistes pour une réforme

Après deux mois de concertation à rebondissements, Sylvie Brunet, présidente des débats, a rendu son rapport "pour le développement de l'apprentissage" au gouvernement le 30 janvier 2018. 44 propositions, qui, elle l'espère, seront les voies suivies par l'exécutif dans le projet de loi voté et attendu au printemps. Cependant, le rapport élude la question qui fâche : celle de la gouvernance de l'apprentissage.

"La feuille de route était claire : identifier des pistes d’amélioration significatives pour que l’apprentissage devienne une voie d’excellence au profit de tous les jeunes et des entreprises", explique Sylvie Brunet le sourire aux lèvres, le 30 janvier, quelques minutes après avoir présenté son rapport aux acteurs de cette concertation. Il faut dire que pour cette quatrième et dernière réunion plénière, et malgré les conflits des dernières semaines entre les différents groupes de travail, tous, sans exception - régions, Medef, représentants des PME et syndicats - étaient présents pour la restitution du rapport.
Si certains points restent flous, comme le financement et la gouvernance du dispositif, faute de consensus entre tous ces participants, le rapport met en exergue un certain nombre de propositions concrètes : aide aux entreprises, rupture de contrat, séances d’informations sur les métiers au collège, allègement de la réglementation en matière de temps de travail des mineurs, agence de l’apprentissage… "Tous les acteurs se sont mis d’accord sur la nécessité de simplifier le système", a insisté l’ancienne DRH.

Première tâche : informer les familles et les apprentis

La voie de l’apprentissage reste pour beaucoup une voie de garage. Peu de familles, d’élèves savent ce qui peut être proposé. Afin d'y remédier : une journée obligatoire d’informations sur les métiers serait instaurée en classes de 4e et de 3e. Et pour que ces familles fassent bien la différence entre le diplôme d’apprentissage et le contrat professionnel, une seconde journée obligatoire serait organisée à la fin du collège.
Créer un enseignement de préparation, un "sas" de transition, fait également partie des propositions importantes : le droit à l’erreur (un apprenti qui se serait trompé de voie), le passage entre enseignement général et apprentissage et la rupture d’un contrat doivent être facilités, suggère le rapport. Un système de modules personnalisés pourrait donc être proposé aux apprentis par les centres de formation d'apprentis (CFA) et les lycées professionnels qui travailleraient ensemble sur le sujet. Et puis réexaminer le contenu des diplômes tous les cinq ans semble être une piste importante pour tous les acteurs : il faut coller à l’évolution des métiers en constante mutation.
Enfin, Sylvie Brunet propose la création d’une "agence de l’apprentissage", sorte d’agence de réglementation qui aurait pour mission d’accompagner les jeunes, d’encourager les initiatives locales, de donner l’impulsion de la politique publique d’apprentissage. Elle suggère aussi de mieux former les maîtres d’apprentissage et de mieux valoriser leur engagement. Tous les nouveaux maîtres suivraient une formation et bénéficieraient d’une indemnité.

Deuxième grande piste : la simplification de la réglementation

Pour ce faire, le rapport propose de supprimer l’obligation d’enregistrement du contrat d’apprentissage et de permettre sa transmission dématérialisée au financeur. Il recommande aussi de rendre l’apprentissage "accessible à tout âge, afin notamment de prendre en compte les reconversions au cours de la vie professionnelle", mais aussi à n’importe quel moment de l’année. Actuellement, l’âge limite est fixé à 26 ans, sauf pour les personnes handicapées. Il s'agit aussi de fonder la rémunération sur le niveau de diplôme et non plus sur l’âge.
En revanche, aucune proposition n'est formulée sur une éventuelle fusion entre contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation, faute de consensus. Mais les membres de la concertation "se sont très largement prononcés pour une simplification importante du contrat d’apprentissage, dans une démarche de convergence entre les deux types de contrats".
"Quoi qu’il en soit, il faut aussi faciliter les ruptures de contrat", a martelé Sylvie Brunet. Pour inciter les employeurs à recruter des apprentis, le rapport préconise de les autoriser à rompre un contrat pour faute grave sans passer par le conseil des prud’hommes. De son coté, l’apprenti pourrait démissionner à l’issue de sa période d’essai.

Mais comment tout cela va-t-il s’organiser ?

C’est un peu la question qui brûlait les lèvres de tous les participants à l’issue de la présentation du rapport, et notamment des syndicats : "On reste un petit peu sur notre faim sur la gouvernance", a fait savoir la déléguée nationale emploi formation de la CFE-CGC, Madeleine Gilbert. "Quel va être le mode de fonctionnement ?" Après les portes claquées successivement par les régions puis le Medef, Sylvie Brunet est restée prudente sur la question tout en proposant de "confier l’élaboration des référentiels d’activités professionnelles aux branches professionnelles et de leur donner le pouvoir de codécision avec l’Education nationale" afin d’adapter l’offre de formation aux besoins des entreprises.
Parallèlement, les diplômes professionnels pourraient être recentrés autour de socles professionnels diplômant rattachés à des familles de métiers pour permettre aux jeunes de changer de parcours plus facilement.
Selon Sylvie Brunet, les arbitrages ministériels sur le rapport devraient avoir lieu à la mi-février et le projet de loi sur la formation professionnelle, l'apprentissage et l'assurance chômage devrait être présenté d'ici le mois d'avril. Mais la présidente de la concertation a préféré conclure ces deux mois de discussions un peu tendues sur une note prudente : "Il va falloir être extrêmement vigilant. La révolution copernicienne (voulue par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, ndlr) ne va pas se faire en quelques mois…"