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Lutte contre l'exclusion - Hébergement : un verre à moitié vide ou à moitié plein ?

Apparemment, rien ne change : alors que l'hiver s'installe, secrétariat d'Etat au Logement, préfecture, mairie de Paris et associations font, comme chaque année, assaut de communiqués pour expliquer les mesures et les dispositifs mis en place afin de faire face aux besoins d'hébergement d'urgence durant la saison froide. Pourtant, derrière ce rituel immuable, le paysage est en pleine évolution. Le mérite en revient à l'introduction d'une nouvelle approche : celle du "logement d'abord", adaptation et traduction littérale du concept nord-américain de "Housing First". Celui-ci "consiste à proposer aux personnes sans domicile fixe l'accès le plus direct possible à un logement pérenne, adapté à la situation du ménage, et avec un accompagnement social quand cela est nécessaire" (voir nos articles ci-contre du 20 octobre et du 5 décembre 2011). Repris et promu fortement par Benoist Apparu, ce concept est devenu la ligne directrice de la politique du gouvernement en la matière. Celle-ci s'est notamment matérialisée par la tenue des premières Assises nationale du "logement d'abord", le 9 décembre (voir notre article ci-contre du même jour et l'encadré de notre article du 5 décembre 2011).

Une question de "tuilage"

Problème : comment gérer le "tuilage", autrement dit le passage d'une politique centrée sur l'hébergement d'urgence traditionnel à une approche fondée sur la mise en oeuvre effective du concept de "logement d'abord" ? Pour le gouvernement, il doit y avoir un remplacement progressif du premier par le second, à enveloppe budgétaire constante. Benoist Apparu a d'ailleurs annoncé une "stabilisation" du budget de l'hébergement et du logement adapté sur la période 2010-2012, après une hausse de l'enveloppe de 29% depuis 2007 (voir notre article ci-contre du 9 décembre 2011). Pour assurer cette transition, l'Etat entend notamment reprendre la main sur les contingents préfectoraux et ceux du 1% logement et s'en est donné les moyens juridiques. De leur côté, les associations et les grandes villes les plus concernées par la prise en charge des SDF adhèrent au concept de "logement d'abord". Les associations - à commencer par la Fnars (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) - ont d'ailleurs largement contribué à l'introduire en France. Mais les résultats mitigés du droit au logement opposable (voir notre article ci-contre du 30 novembre 2011) les incitent à la prudence sur la sortie de la précarité par le logement : oui à la montée en charge du "logement d'abord", mais pas question de relâcher l'effort sur l'hébergement d'urgence, qui reste indispensable à court et moyen terme face une demande toujours en hausse.

Une course-poursuite entre offre et demande

Difficile, pour autant, de dire que le chantier de l'hébergement d'urgence est laissé en déshérence. Dans son tout récent rapport remis au Parlement sur l'hébergement d'urgence (voir notre article ci-contre du 16 décembre 2011), la Cour des comptes reconnaît l'ampleur de l'effort des pouvoirs publics, avec une capacité portée de 51.000 à 83.000 places entre 2005 et 2008 (+62%) et une nette amélioration qualitative de l'hébergement. L'effort a porté également sur l'organisation et la gouvernance du dispositif, avec la création d'un délégué interministériel, la mise en place des services intégrés d'accueil et d'orientation (Siao) - même si celle-ci s'est faite "de manière plus lente que prévue et souvent imparfaite" -, le développement des mécanismes de prévention et d'accompagnement (garantie des risques locatifs et intermédiation locative) ou encore la publication, en 2010, du référentiel national de l'hébergement d'urgence.
Mais ces progrès se sont trouvés pour partie obérés par trois difficultés majeures. La première est évidemment la pression de la demande, à travers l'augmentation du nombre de personnes sans domicile. Dans son rapport, la Cour des comptes l'estime à environ 150.000 personnes, soit une croissance de 50% en dix ans. Une progression qui s'explique par la crise économique, mais aussi et surtout par le nombre croissants d'étrangers, notamment réfugiés. Seconde difficulté, également pointée par la Cour : "Les acteurs demeurent trop nombreux et insuffisamment coordonnés, et les relations entre l'Etat et ses partenaires associatifs restent encore très largement perfectibles." Dans ces conditions, basculer sur une nouvelle approche comme le "logement d'abord" ne se fera pas sans quelques grincements. Enfin, la réussite du "logement d'abord" - comme aujourd'hui celles des maisons relais et de pensions de famille - repose sur l'existence d'ouvertures suffisantes vers le logement ordinaire. Sur ce point, la situation actuelle du Dalo incite, pour le moins, à une certaine prudence dans l'optimisme...

 

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