Habitat - Combien coûte l'accueil d'une personne sans abri ?
La question est dérangeante mais elle a le mérite d'éviter de se cacher derrière son petit doigt. Certes, avoir un toit n'a pas de prix mais... le secteur social - et en l'occurrence très social - a, comme d'autres, un coût pour les finances publiques. Et il n'est pas illégitime de s'interroger sur la meilleure façon d'utiliser les deniers publics qui lui sont alloués. Dans cette optique, le ministère de l'Ecologie vient de publier les premiers résultats de l'Etude nationale des coûts du dispositif "accueil-hébergement-insertion" (AHI). Ce travail a été piloté conjointement par les services de l'Etat et les principales fédérations associatives du secteur (Fnars, Armée du Salut, Croix-Rouge française, Fehap, Uniopss). Il s'inscrit dans le cadre de la refondation du secteur de l'hébergement engagée en 2009 par le secrétaire d'Etat au logement Benoist Apparu (voir nos articles ci-contre). L'objectif de cette enquête était clair : savoir ce que font précisément les associations qui oeuvrent sur le secteur et combien coûte l'accueil, l'hébergement et l'insertion des personnes sans abri, dans les différents départements français. Avec en arrière-plan, un sentiment largement partagé : les associations de ce secteur reçoivent des subventions d'un montant très inégal... Une inégalité dont la source est parfois au moins autant dans le poids de l'histoire que dans le travail social effectué ou le nombre de personnes accueillies.
Pour mener ce travail à bien, il fallait d'abord s'entendre sur ce que font les associations. C'était l'objet de la circulaire du 16 juillet 2010 présentant le référentiel national des prestations du dispositif AHI (voir notre article ci-contre du 25 août 2010). Il a fallu ensuite faire une typologie des structures. Un échantillon représentatif de 120 établissements d'hébergement - représentant environ 5.600 places - a été sélectionné. Les structures ont été classées en six groupes suivant le service offert aux personnes sans abri. Par exemple, certaines structures proposent des repas et un accompagnement social. Dans d'autres, les personnes accueillies sont seulement hébergées, sans qu'elles puissent prendre leurs repas sur place. Naturellement, les coûts engendrés sont différents : s'il n'y a pas de repas à préparer et à servir, les besoins en personnel sont moindres. S'il y a des éducateurs, des assistantes sociales pour aider à l'autonomie et à l'insertion, les coûts augmentent. Voilà pour les principes.
Certaines structures coûtent deux fois plus cher que d'autres
Ensuite, l'étude réalisée par le cabinet Accenture pour la Direction générale de la cohésion sociale entre dans le détail. Si "le coût médian d'une place installée" est de l'ordre de 16.000 euros par an, l'étude met surtout en lumière les facteurs qui ont le plus fort impact sur les coûts. Sans surprise, les structures de taille importante présentent des coûts moyens par place "nettement inférieurs" à ceux des petites structures ; l'accueil des familles coûte moins cher que celui des adultes isolés ; les structures s'adressant spécifiquement aux jeunes adultes ont un coût moyen par place nettement plus élevé que les autres en raison de l'accompagnement social apporté, etc. Les coûts calculés portent sur la totalité des charges supportées (bâtiment, personnel, fournitures et services, etc) quel que soit le financeur (Etat, collectivité territoriale ou autre).
L'étude ne se contente pas de moyennes. Pour chaque groupe homogène de structures, elle classe les établissements suivant leur coût, puis dégage des quartiles. Parmi les établissements offrant le même type de service, il y a parfois "un rapport de un à deux selon que leur coût moyen à la place se situe au deuxième ou au quatrième quartile". La brochure ne condamne pas ces écarts. Elle indique seulement que les associations doivent pouvoir expliquer à leurs financeurs pourquoi elles supportent des coûts supérieurs à d'autres structures offrant un service à peu près similaire.
En conclusion de son document, le ministère insiste : ce travail apporte seulement "des éléments de connaissance". Rien à voir avec "l'exercice qui consiste à définir les niveaux de financements alloués". Faisons l'hypothèse tout de même que ceux qui s'éloignent un peu trop de la moyenne devront avoir des arguments solides à présenter à leur préfet pour convaincre celui-ci de leur allouer en 2012 un budget de fonctionnement identique à celui des années précédentes.