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Hébergement - Publication du référentiel national sur l'hébergement

Accueillir, héberger, insérer : derrière ces trois mots, le travail des structures qui oeuvrent pour les personnes sans abris est souvent mal connu. Dans le cadre du plan de refondation du secteur de l'hébergement, un référentiel vient d'être publié pour objectiver ce travail d'accompagnement global. Une première étape avant l'établissement du coût des prestations.

En novembre dernier, le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, lançait un plan d'une vingtaine de mesures destiné à améliorer l'accueil, la prise en charge puis l'orientation des personnes sans abri. Sa mise en œuvre s'étale sur l'année 2010, avec notamment la désignation prévue dès cet automne, dans chaque département, d'une structure chargée de coordonner l'offre et la demande de places (services intégrés d'accueil et d'orientation, SIAO, sur ce sujet voir nos articles ci-contre).
Autre mesure-phare du plan : l'élaboration par l'Etat, en partenariat avec les associations, d'un référentiel national prestation-coût, c'est-à-dire d'un document décrivant quelles sont les actions menées – ou dans l'idéal qu'il faudrait mener - pour accueillir, héberger et insérer les personnes en grande difficulté sociale, et établissant le coût moyen de ces actions. Sur ce sujet, une étape vient d'être franchie avec la publication de la circulaire du 16 juillet 2010 "relative au référentiel national des prestations du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion (AHI)". Mais, comme la circulaire prend bien soin de le préciser, il ne s'agit encore là que d'une "première étape", descriptive, les coûts seront établis dans un deuxième temps. La Fondation Abbé-Pierre et la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) se disent  "plutôt satisfaites" du document qui "décrit bien les activités AHI" et "permet de faire reconnaître le travail des acteurs associatifs". Mais les acteurs du secteur attendent la phase 2, c'est-à-dire l'établissement des coûts qui permettra de juger vraiment de la pertinence du référentiel.
 

Le contenu du référentiel

Soulignons tout d'abord qu'il ne s'agit pas d'une création ex nihilo, puisque l'Etat a déjà publié, en mars 2005, un référentiel national "Accueil hébergement, insertion". Cependant, le document de 2010, d'une cinquantaine de pages, composé de trois volets est nettement plus complet. Le préambule rappelle, tout d'abord, le contexte du référentiel. Celui-ci s'inscrit en effet dans le cadre d'un service public de l'hébergement reposant sur un certain nombre de principes : priorité au droit commun, "logement d'abord" (autrement dit, l'hébergement doit être un dispositif transitoire orienté vers l'accès au logement), aide immédiate, inconditionnelle et de proximité, aide respectueuse des droits des personnes et favorisant leur participation, aide globale, qualifiée et adaptée et, enfin, dispositif piloté par l'Etat dans un cadre partenarial rénové (incluant les départements et les communes).
Le premier volet du référentiel est ensuite consacré aux prestations. Son principal intérêt est d'établir une liste des prestations concernées. Le groupe de travail mis en place par le ministère - et présidé par un inspecteur général des affaires sociales - en a dénombré vingt, qui relèvent de deux catégories distinctes. Chaque prestation est présentée avec ses "modalités", autrement dit les éléments qui la composent et les formes de mise en oeuvre. La première liste comprend 17 prestations délivrées directement aux personnes en difficulté. Elles concernent donc l'accueil, la mise à l'abri, l'alimentation, l'hygiène, l'orientation, les aides matérielles, l'information, l'écoute, l'orientation, l'accompagnement, la participation... Par rapport au référentiel de 2005 - qui raisonnait plutôt par grandes politiques (prestations d'accompagnement vers le logement, insertion par le travail et l'activité, prestations d'accès à la vie sociale...) -, les prestations du référentiel 2010 revêtent un tour plus concret et plus directement opérationnel. La seconde liste comprend trois prestations dites "support". Il s'agit en l'occurrence de l'administration et du management, de la coordination et de l'animation des réseaux et, enfin, de l'observation et de la participation à l'évaluation des politiques publiques. Le second volet du référentiel se consacre, pour sa part, aux "éléments de délivrance des prestations". Cette expression recouvre le cadre juridico-administratif qui entoure ces dernières. Pour chacune d'elle, le référentiel détaille ainsi les normes et les dispositions juridiques applicables (textes législatifs et réglementaires, circulaires...), les dispositions qualitatives à prendre en compte dans la mise en oeuvre de la prestation et les compétences et qualifications requises ou souhaitées pour les intervenants.
 

Des enquêtes pour établir des coûts moyens... avec impact sur les subventions en 2011

Le travail, ainsi accompli, a le grand mérite de mettre à plat les différentes prestations concernées, de faire partager à tous les - nombreux - acteurs de l'hébergement un certain nombre de notions et d'approches communes et d'offrir un outil en matière d'élaboration de projet d'établissement, d'évaluation ou de dialogue de gestion. Ce référentiel "permet de rendre lisible le travail des associations, un travail mal connu non seulement de la population…mais aussi de Bercy !", souligne Patrick Chassignet de la Fondation Abbé-Pierre. Ce qui peut toujours servir, notamment en période de préparation de la loi de finances. Mais ajoute ce spécialiste des questions d'hébergement, le travail "n'est pas abouti". En effet, la partie la plus attendue est précisément celle qui n'est pas publiée. Le dernier volet doit porter sur le référentiel des coûts des prestations. Sur ce point, la circulaire du 16 juillet indique que l'Inspection générale des affaires sociales et le Contrôle général des finances et de l'économie ont déjà mené, en 2009, une première enquête sur les coûts. Mais les résultats obtenus ne permettaient pas de rendre compte de toute la diversité du secteur. Un comité de pilotage - regroupant l'Etat et les associations - a donc été mis en place en mai dernier pour superviser une étude nationale qui sera réalisée à l'automne 2010 sur un échantillon d'établissements volontaires. Cette étude sera ensuite "étendue à l'ensemble des établissements et services pour leur permettre dès 2011 de comparer leurs propres coûts et activités à ceux de l'étude nationale". "Ces éléments viendront nourrir le dialogue de gestion entre services déconcentrés et opérateurs", c'est à dire serviront de base pour  calculer les subventions.
Le secrétaire d'Etat au Logement a souligné à plusieurs occasions ces derniers mois qu'il n'envisageait pas de mettre en place une "tarification à l'acte". Une piste de travail envisagée serait de rassembler les structures en une dizaine de groupes homogènes, puis d'estimer par exemple combien cela coûte d'offrir 3 repas par jour ou d'accueillir 24 heures sur 24 une quarantaine de personnes. Avec des modulations suivant les zones géographiques. La Fnars soutient cette approche et "espère qu'on arrivera au terme du processus  à avoir des fourchettes de coût" utilisables pour les structures.
 

Quelle mise en œuvre ?

Enfin, la Fondation Abbé-Pierre souligne que le référentiel décrit une "situation optimum", qu'il ne s'agit aucunement d'un texte réglementaire : par exemple, la formule "les personnes ont droit à être accueillies avec un animal de compagnie" (référentiel, p.4) ne signifie pas qu'il est obligatoire de créer des chenils dans toutes les structures (sur ce sujet voir sur le site Mairie-conseils une expérience de "chenil social" menée à Angers). De même pour le droit à la domiciliation ou les "chambres individuelles meublées garantissant l'intimité". Car là pourrait être l'effet pervers de ce document : une des inquiétudes des associations est que l'Etat leur impose d'exercer leur activité telle que décrite dans le référentiel sans mettre en face les moyens correspondants. Une situation dont pourraient également souffrir les collectivités, qui jouent un rôle majeur sur le secteur et n'ont pourtant pas été associées à l'élaboration du référentiel.

 

Jean-Noël Escudié / PCA et Hélène Lemesle

 

 

Référence : circulaire DGCS/1A/2010/271 du 16 juillet 2010 relative au référentiel national des prestations du dispositif d'accueil, d'hébergement, d'insertion.