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Lutte contre l'exclusion - Plan Hébergement : où en est-on ?

Avant l'hiver, Benoist Apparu lançait une "refondation du dispositif d'hébergement et d'accès au logement". Point d'étape avec l'arrivée du printemps.

Le secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu, a présenté le 10 novembre 2009 un plan d'une vingtaine de mesures destiné à améliorer l'accueil, la prise en charge puis l'orientation des personnes sans abri. Celui-ci est articulé autour d'un axe principal : "développer la fluidité des parcours de l'hébergement au logement", c'est-à-dire essayer de conduire le plus grand nombre possible de personnes vers des logements, principalement sociaux. Ce plan comprend notamment trois mesures-phares :
- la rédaction de nouveaux documents de programmation, les "plans départementaux d'accueil, d'hébergement et d'insertion" (PDAHI) ;
- la désignation dans chaque département d'un ou deux opérateurs chargés de coordonner, sous l'autorité du préfet, le travail d'accueil d'urgence et d'insertion ;
- l'élaboration d'un référentiel national prestation/coût, permettant d'harmoniser au niveau national le montant des subventions versées aux associations .

Etat d'avancement de ces mesures, cinq mois après leur annonce.

Rédaction des PDAHI : report au 1er juin

Dans la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion (Molle) du 25 mars 2009, le législateur a souhaité que soient rassemblés dans un seul document de programmation les efforts faits en faveur du logement social et ceux faits en faveur de l'hébergement des sans-abri. Il s'agit donc de fusionner les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) et les - nouveaux - plans d'accueil, d'hébergement et d'insertion des personnes sans domicile. Ce sont ces PDAHI, que les préfets rédigent actuellement "en association" avec les collectivités, les bailleurs sociaux, les CAF et les associations (art 69 de la loi Molle).
Afin de guider les préfets dans cette rédaction, le ministère a publié le 9 décembre dernier une circulaire fixant le contenu et les objectifs des ces plans. Les préfets doivent par exemple éviter un "émiettement des structures". Un objectif qui peut parfois être difficile à concilier avec les nouvelles obligations imposées aux communes en matière de nombre de places (voir notre article du 16 mars 2009). Dans cette circulaire du 9 décembre, le ministère demandait à ce que tous les PDAHI soient rédigés pour le 31 mars. Dans une lettre adressée à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) le 12 mars 2010, Benoist Apparu est revenu sur ce calendrier : les acteurs locaux auront jusqu'au 1er juin pour élaborer ces plans. Ce report pourrait éviter une simple reprise des anciens schémas AHI (accueil, hébergement, insertion) et permettre une véritable concertation avec l'ensemble des acteurs. Mais, pour la Fnars, cette date "reste inadaptée pour garantir des conditions d'élaboration rigoureuse et concertée".

 

En ligne de mire : la négociation du budget triennal 2011-2013

Pourtant, côté ministère, cette date est impérative. Car, explique le secrétaire d'Etat, ces plans permettront "la préparation de l'exercice budgétaire pluriannuel 2011-2013". Une précision qui n'est pas de détail : en effet pour l'instant, les mesures annoncées en novembre dernier ne font l'objet d'aucun crédit supplémentaire (voir notre article du 10 novembre ci-contre). Benoist Apparu a expliqué à l'ensemble des acteurs associatifs, que, si en 2010 ils se réorganisaient et participaient à sa démarche de refondation, une fois les besoins bien identifiés et le secteur réorganisé, il aurait des arguments sérieux à présenter à Bercy pour l'établissement du budget triennal. Les PDAHI en cours de rédaction sont donc aussi l'occasion pour les acteurs locaux de faire un état des lieux de leurs besoins financiers - en particulier d'investissement - pour les trois années qui viennent.
Or, côté budget de fonctionnement, il y a également de la réforme dans l'air : un groupe de travail réunissant les services de l'Etat et les associations, piloté par l'Igas Gildas Lecoz, se réunit toutes les semaines depuis décembre. Au programme ? Etablir une liste puis la définition précise des prestations réalisées pour l'accès au logement et l'insertion des personnes sans abri. Ce travail vise à définir combien coûte telle action, afin que deux associations qui font le même travail dans deux départements différents reçoivent la même subvention.

Cet objectif qui semble de bon sens n'est pas simple à mettre en pratique. Comment découper l'action d'accueillir un sans-abri ? Comment peut-on mesurer "l'accompagnement social" fait par les travailleurs sociaux? A la Fnars, on refuse une tarification à l'acte, tout en reconnaissant qu'il faut un "véritable système de tarification clair, détaillé, précis pour pallier les insuffisances du système actuel". Benoist Apparu dans son courrier du 12 mars, se montre rassurant : "Je n'envisage pas de tarification à l'acte, système inadapté à ce secteur." Le groupe de travail rendra ses conclusions mi-avril. Comme les PDAHI, ce référentiel devrait être utilisé pour estimer les besoins du secteur sur la période 2011-2013.

 

Une révolution copernicienne dans le secteur de l'accueil et de l'aide aux sans-abri

Enfin, la politique menée par le gouvernement vise à réorganiser dans chaque département l'ensemble des structures oeuvrant pour l'accueil et l'insertion des sans-abri. Avant le 15 septembre, des "services intégrés d'accueil et d'orientation" (Siao) doivent être mis en place. Le préfet va choisir - a priori cet été - deux associations dans chaque département, l'une chargée de coordonner l'urgence, l'autre de coordonner l'insertion des sans-abri (ou parfois une seule pour les deux rôles). Ce choix sera fondé, a assuré Benoist Apparu "sur des critères transparents et clairs, donc non contestables", "les opérateurs choisis devront être légitimes et reconnus". 
Ce point est important : si dans certains départements il n'y a pas de souci, un opérateur étant déjà en charge de la coordination, dans d'autres, certaines associations pourraient être mécontentes de voir leur activité dépendre directement des consignes données par un ancien collègue. En effet, le principe même de la réorganisation est de mieux utiliser les places existantes, de centraliser au niveau départemental les besoins et l'offre. Cela conduit naturellement la structure qui coordonne à avoir le pouvoir d'imposer aux autres associations d'accueillir telle ou telle personne. Une révolution copernicienne pour le secteur, qui imposera aux associations de collaborer davantage entre elles... une collaboration qui peut avoir des limites en cas de pénurie budgétaire lorsqu'il faut se partager des enveloppes. Le secrétaire d'Etat  indique qu'il "a bien conscience que le Siao peut impliquer des changements profonds dans les pratiques professionnelles des acteurs de terrain, services de l'Etat et des collectivités locales, bailleurs sociaux, associations". 
Enfin, Benoist Apparu évoque dans son courrier du 12 mars la répartition des crédits du plan de relance pour l'humanisation des centres d'hébergement : "L'Anah procédera à la répartition de ces enveloppes lors de son prochain conseil d'administration." L'arrêté de nomination du conseil d'administration de l'agence venant de paraître au Journal officiel du 21 mars, ce dossier devrait prochainement avancer.

 

Hélène Lemesle