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Lutte contre l'exclusion - Plan Apparu : vingt mesures pour l'hébergement et l'accès au logement

Benoist Apparu a présenté un plan destiné à "refonder le dispositif d'hébergement et d'accès au logement". Beaucoup de propositions, notamment en faveur d'un meilleur accompagnement social des personnes concernées, dont la mise en oeuvre pourrait être freinée par le manque de moyens financiers.

Le secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme, Benoist Apparu, a présenté le mardi 10 novembre un plan intitulé "Pour un service public de l'hébergement et de l'accès au logement". Il comprend une vingtaine de mesures afin de mieux accueillir, prendre en charge puis orienter vers le logement les personnes sans abri. Le gouvernement affiche sur ce sujet sa volonté d'atteindre l'objectif présidentiel de 2007 : réduire la pauvreté d'un tiers en cinq ans. Ceci en renforçant le rôle des préfets dans le pilotage de ces politiques, en améliorant la coordination entre les intervenants sur le terrain et en contrôlant davantage l'utilisation des fonds d'Etat. Le tout sans crédit supplémentaire.

 

Vingt "propositions partagées"

"Refonder l'ensemble de nos politiques d'hébergement et de logement adapté", tel est l'objectif de Benoist Apparu. Le plan présenté comporte vingt "propositions partagées". Elles sont issues d'un travail de concertation mené par le ministère auprès des Ddass - Drass et des associations ces deux derniers mois. Une concertation qui a laissé de côté les collectivités territoriales - à l'exception du département de Paris - et réservé une place fort modeste aux organismes de logement social. Autre source d'inspiration de ce plan : le rapport d'Isabelle Rougier, directrice adjointe de cabinet de Benoist Apparu, intitulé "Développer la fluidité des parcours de l'hébergement au logement". Rapport organisé autour d'une idée principale : la nécessité d'une meilleure coordination entre les structures s'occupant des sans-abri et les bailleurs HLM. Plutôt que la création de nouvelles places d'hébergement, c'est l'accès au logement qui est privilégié, c'est-à-dire l'utilisation des logements sociaux existants pour loger en priorité les sortants d'hébergement.
Outre cette orientation des efforts vers l'accès au logement, Benoist Apparu a affirmé vouloir renforcer le pilotage par l'Etat des politiques d'hébergement, notamment au niveau départemental. Une déclaration qui intervient alors que tous les ministères préparent la mise en place des nouvelles directions départementales au 1er janvier 2010. Les futures directions de la cohésion sociale arriveront-elles à obtenir des effectifs suffisants pour être en mesure de conduire réellement les politiques de l'hébergement et du logement au niveau départemental ? En attendant une réponse définitive à cette question, Benoist Apparu a annoncé des mesures nombreuses et détaillées qui devraient être effectives au printemps prochain.

 

Associations et travailleurs sociaux en première ligne 

Première mesure-phare du plan : la désignation d'un "opérateur unique" chargé de coordonner l'entrée dans les dispositifs d'hébergement et d'attribuer les places d'urgence. A l'échelle départementale ou infra-départementale, cet opérateur coordonnera le travail des équipes mobiles, du 115, des services d'accompagnement et d'orientation, des accueils de jour. Cet opérateur - a priori un "acteur associatif" - sera désigné par l'Etat après appel à projets. Le développement d'un logiciel permettant de centraliser les places vacantes, notamment en Ile-de-France est également prévu.
Deuxième mesure, la nomination d'un "référent personnel" pour accompagner chacune des personnes prises en charge, jusqu'à leur accès au logement. Qui fera fonction de référent ? "Probablement un travailleur social issu du monde associatif", a indiqué le secrétaire d'Etat. Il a promis que les subventions d'Etat aux associations concernées prendront en compte cette nouvelle mission.
Troisième mesure : la mise en place d'un opérateur unique chargé de cordonner les sorties de l'hébergement. Cet opérateur recensera l'ensemble de l'offre et devra s'atteler à faire correspondre besoins et offres de logement. 
Benoist Apparu a également annoncé la mise en place de deux groupes de travail afin de rédiger des référentiels nationaux "prestation-coût" sur les structures d'hébergement et l'accompagnement social effectué par les associations. Avec pour but de répondre à cette question : quelle prestation l'Etat attend-il d'un centre d'hébergement ou d'une association, pour quel coût ? L'établissement de ce tarif national, avant le printemps, sera probablement l'occasion de discussions nourries au sein de ces groupes de travail.

 

Aucun crédit supplémentaire  

6 millions d'euros : c'est le seul chiffre donné par Benoist Apparu pour financer l'ensemble de ses propositions. Des crédits provenant de la réaffectation de sommes non utilisées dans l'enveloppe 2009 de la mission Ville Logement. Donc pas de crédits supplémentaires.
Une réponse sans appel à la question posée par Etienne Pinte lors de la commission élargie du 3 novembre (voir ci-contre notre article du 4 novembre). Le député, auteur d'un rapport sur ce sujet, constatait alors que "l'hébergement d'urgence est aujourd'hui dans un état de dégradation jamais atteint", estimait les besoins - uniquement pour l'hébergement d'urgence - à 90 millions d'euros et demandait si des crédits supplémentaires étaient prévus ? Réponse visiblement négative du secrétaire d'Etat.
Sauf vote contraire du Sénat, les crédits du programme 177 "prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables" devraient baisser légèrement en 2010 par rapport à 2009. Quant aux aides à la pierre, qui permettent notamment à l'Etat de contribuer au financement des logements d'insertion (PLAI), elles sont en baisse sensible : près de 100 millions d'euros en moins en autorisations d'engagement par rapport à 2009 sur les opérations nouvelles. Avec des objectifs supérieurs de construction, la participation de l'Etat dans chaque logement sorti de terre va nécessairement diminuer.
Le directeur général d'Emmaüs a critiqué surtout ce manque de moyens : "On modifie l'agencement des tuyaux d'une usine à gaz, mais sans forcément modifier la taille des tuyaux. Les bonnes questions sont posées mais il n'y a aucune appréciation des besoins." Quant à Hervé de Ruggiero, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, il s'est montré très peu convaincu à l'annonce de l'affectation de 2.000 jeunes en service civique à des missions de premier accueil et d'urgence : "L'accueil d'urgence nécessite justement des professionnels."
Quant aux collectivités territoriales et aux organismes de logement social, quasiment oubliés lors de la présentation orale du plan par le secrétaire d'Etat, on se doute que l'enthousiasme sera modéré. Les organismes de logement social devraient se voir dessaisir d'une partie de leur autonomie dans l'attribution des logements : Benoist Apparu souhaite "mobiliser" les contingents préfectoraux, du 1%, mais aussi des collectivités territoriales afin que chaque acteur prenne sa part dans l'accueil des sortants d'hébergement. Côté départements, la "redéfinition des responsabilités respectives de l'Etat et des conseils généraux" pourrait également être tonique, notamment autour de la question de la mobilisation du Fonds de solidarité logement. Plus de détails dans le dossier de presse ci-joint.
 

Hélène Lemesle
 

 

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