Archives

Habitat - Anah : aider les campagnes plus que les villes?

Les Entretiens de l'habitat, organisés le 22 octobre par l'Anah, avaient pour thème cette année "Quel habitat privé pour l'après-crise ?". Plus que la crise économique, c'est la révolution que constitue le financement par le 1% de l'agence qui était au coeur de tous les débats.

L'Agence nationale de l'habitat (Anah) organisait le 22 octobre son rendez-vous annuel, les Entretiens de l'habitat. Cette édition a été l'occasion de dresser le bilan d'une année 2009 très mouvementée pour l'agence : entre la contribution "volontaire" du 1% à son financement, l'élargissement des missions décidées par la loi Molle (loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion) et la transformation de sa gouvernance, l'agence a connu et connaîtra dans les mois qui viennent un agenda chargé.
En ouverture de cette journée, le secrétaire d'Etat en charge de l'urbanisme et du logement, Benoist Apparu, a assuré Marc-Philippe Daubresse, le président de l'Anah, de son soutien dans cette mission de transformation. Un soutien politique plus que financier.

 

Retour sur une année 2009 mouvementée

Premier effet de la loi Molle, le 1% devient le principal financeur de l'Anah. Une convention triennale entre l'Etat et Action Logement - la structure fédératrice du 1% - fixe le montant de ces versements ; une convention d'objectifs et de gestion entre l'Anah et son ministère de tutelle, le Meedum, fixe les principales règles d'utilisation de ces fonds. Le 1% entre au conseil d'administration de l'Anah et, au niveau local, dans les commissions locales d'amélioration de l'habitat (CLAH).
Elargissement des missions ensuite : l'article 9 de la loi Molle charge désormais l'agence de l'amélioration des structures d'hébergement, des opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) et de requalification des immeubles d'habitat privé dégradés. L'ensemble des opérations menées actuellement par l'Etat dans ces domaines doivent lui être transférées : un décret est attendu avant la fin de l'année pour préciser les modalités de cette substitution.
Enfin, les préfets ou les présidents des collectivités ayant signé une convention de délégation des aides à l'amélioration de l'habitat deviennent les délégués de l'agence : si l'instruction des dossiers d'aide continuera à se faire au sein des services de l'équipement, le réseau territorial disparaît : l'agence aura désormais essentiellement un rôle de soutien aux services instructeurs.

 

Un régime d'aides national, "coloré" par les collectivités territoriales

Face à ces bouleversements, Marc-Philippe Daubresse s'est montré confiant, après un début d'année "difficile financièrement" : les crédits du plan de relance, qui a augmenté de 40% les aides versées par l'agence, sont dépensés suivant le rythme prévu. La convention Etat / 1% permet à l'Anah d'avoir une visibilité sur trois ans pour conduire ses projets.
Avec les collectivités territoriales, plusieurs dossiers sont sur le feu. Le renouvellement des conventions de délégation tout d'abord : les conventions signées en 2006 pour trois ans arrivent en effet à leur terme. Le président de l'Anah a rappelé que ces délégations ne constituent aucunement un "transfert" de compétence. Pour le renouvellement de ces conventions, les préfets de région disposeront d'une feuille de route. Elle devrait insister sur "la fin du guichet ouvert" - comprendre une diminution des enveloppes allouées - et l'obligation pour les collectivités de s'engager d'une part sur des objectifs, d'autre part sur la communication aux bénéficiaires de la provenance de l'argent distribué. La possibilité d'instaurer un système de bonus-malus a été évoquée pour les années à venir, afin d'inciter les collectivités délégataires à s'inscrire pleinement dans les objectifs de l'agence, en "colorant" localement le régime national d'aides.
Sur l'humanisation des structures d'hébergement, Marc-Philippe Daubresse s'est dit "inquiet". On comprend tout d'abord, qu'au-delà des 20 millions d'euros du plan de relance fléchés sur cette action, ces interventions sociales pourraient ne pas être une priorité du 1%, destiné historiquement à aider les salariés à se loger. Plus largement, la question de savoir qui paiera quoi pour ces structures reste ouverte : entre les trois ministères concernés (Logement, Affaire sociales, Politique de la ville), les départements et l'Anah, les débats ont toutes les chances d'être animés. Inquiétude également pour l'outre-mer : le rapport Letchimy publié récemment (voir notre article du 14 octobre) a pointé l'urgence d'agir sur ce dossier. Or, la ligne budgétaire unique, en privant le budget logement de visibilité, rend peu probable son augmentation. 


L'Anah, "bras armé" de l'Etat ?

Benoist Apparu, après avoir rappelé que l'habitat privé concernait 75% des Français, a donné deux priorités à l'Anah : la lutte contre l'habitat indigne et les aides aux propriétaires occupants modestes. Comprendre que seront moins urgentes les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah), les aides aux copropriétés dégradées ou celles aux propriétaires bailleurs.
Sur l'habitat indigne, il a fixé un objectif ambitieux pour 2010 : 23.000 logements réhabilités, avec pour outil notamment le PNRQAD (Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés). Finalement, contrairement à ce qui avait été annoncé (voir ci-contre notre article  du 9 septembre 2009), seules une vingtaine de communes devraient être lauréates, afin de ne pas "faire du saupoudrage". Réponse repoussée en décembre. Quant aux propriétaires occupants les plus modestes, l'Anah devra les aider principalement à adapter leur logement au vieillissement et à réaliser des équipements pour économiser l'énergie.
Au plan national, Benoist Apparu souhaite concentrer les aides à la pierre destinées aux HLM sur les zones tendues et concentrer les aides de l'Anah sur les zones non-tendues. Cette nouvelle géographie de la politique de l'habitat a peu enthousiasmé Marc-Philippe Daubresse : concentrer les aides de l'Anah sur le monde rural pourrait conduire naturellement à une diminution des interventions de l'agence sur les Opah et les copropriétés dégradées, généralement situées en périphérie des villes.
En conclusion de son intervention Benoist Apparu a insisté sur le fait que l'Anah était un "établissement public [administratif, NDLR] d'Etat", qu'il constituait le "bras armé de l'Etat". Précision nécessaire en effet : avec le 1% financeur quasi-exclusif de l'agence et un champ d'intervention qui est loin de concerner uniquement le logement des salariés, la question de sa gouvernance - sur laquelle un décret très attendu devrait être publié avant la fin de l'année - reste en effet pendante. 

 

Hélène Lemesle

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis