Emploi / Social - Emploi à domicile : il n'y aura ni élargissement des exonérations, ni nouvelle loi pour le secteur
A l'occasion des états généraux de l'emploi à domicile, organisés le 8 décembre 2014, Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem) a demandé qu'une loi soit élaborée en 2015 pour "asseoir la singularité de notre modèle". La fédération a lancé en novembre 2014 une consultation nationale sur internet pour mieux connaître et faire connaître le secteur. A l'heure actuelle, à gauche comme à droite, tout le monde en convient : avec 3,6 millions de particuliers employeurs, 2 millions de salariés et 12,2 milliards d'euros de masse salariale, les emplois à domicile correspondent à un secteur à part entière. "Il s'agit d'un secteur économique incontournable, a ainsi signalé Jean-Marie Guerra, directeur de la réglementation du recouvrement et du service de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), avec 3 milliards de cotisations encaissées. Ce n'est plus un petit secteur." Des propos appuyés par Frédéric Lefebvre, député UMP des Français établis hors de France : "Ce n'est plus un secteur anecdotique, a-t-il affirmé, c'est devenu un secteur à part entière."
Depuis la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, les services à la personne ont beaucoup progressé. En quinze ans, le nombre de ménages bénéficiaires de ces services a doublé. Le secteur s'est aussi largement démocratisé : 30% des bénéficiaires ont des revenus inférieurs à 1.500 euros par mois. En outre, selon les projections réalisées par France Stratégie et la Dares, 322.000 postes, dont 159.000 nouveaux emplois, seraient à pourvoir d'ici 2022, du fait de nombreux départs à la retraite. "C'est un secteur très important pour l'emploi", a ainsi souligné Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du Travail.
"Le secteur n'a pas atteint son potentiel"
Mais si l'évolution du secteur est encourageante, il "n'a pas atteint son potentiel de développement ; il doit continuer à grandir", a affirmé Marie-Béatrice Levaux. Les acteurs mettent en cause l'instabilité fiscale et les atermoiements des pouvoirs publics. Entre 1995 et 2011, les politiques publiques ont favorisé, à travers notamment des allègements de charges sociales, le développement du secteur, ainsi que la lutte contre le travail au noir. "Un tournant arrive en 2011, a rappelé Charles-Antoine Schwerer, économiste chez Asterès, avec le retrait de l'allègement de charges pour les particuliers employeurs non fragiles. Pour la première fois, le nombre d'heures déclarées se met à baisser." En 2011, le gouvernement a en effet décidé de supprimer l'exonération de cotisations patronales de 15 points qui avait été mise en place en 2005. Une hausse du coût du travail estimée à 12% du coût horaire brut d'une aide à domicile… D'après Marie-Béatrice Levaux, 20 millions d'heures déclarées ont été perdues l'an dernier et l'emploi à domicile recule depuis neuf à dix trimestres, conséquences de la suppression de ces allègements de charges.
Entre "universalité" et "ciblage" des aides, le gouvernement a tranché
Pour pallier cette baisse constatée depuis 2011, le gouvernement actuel a soutenu le doublement du dispositif dit "Eckert", qui a fait passer l'abattement de cotisations sociales de 0,75 euro par heure à 1,5 euro à partir de janvier 2015. Une mesure adoptée en novembre 2014 dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais qui concerne uniquement la garde d'enfants de 6 à 13 ans. La Fepem souhaite que le dispositif soit généralisé et que cet allègement de charge devienne "universel".
Les analyses de la Fédération des particuliers employeurs ne font toutefois pas l'unanimité. Adopté le 9 décembre par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, le rapport des députés Martine Pinville et Bérengère Poletti sur l'évaluation du développement des services à la personne met en avant "un bilan contrasté" (Localtis y reviendra dans une prochaine édition). Les créations d'emplois sont certes "non négligeables" – 230.000 emplois entre 2004 et 2007 selon la Dares -, mais elles correspondent à moins de l'objectif fixé en 2005 de 500.000 emplois créés en trois ans. Par ailleurs, toujours selon ce rapport qui préconise de davantage "cibler" les dépenses fiscales et sociales, le coût de cette politique publique a jusque-là été "élevé pour des bénéfices controversés".
Entre l'"universalité" et le "ciblage" des aides, le gouvernement a pour l'instant tranché. A la demande de la Fepem, le ministre du Travail a réaffirmé son désaccord à l'occasion des états généraux. "Je sais que vous auriez aimé un dispositif plus général, mais le contexte de contrainte budgétaire qui est le nôtre n'a pas permis d'aller aussi loin," a-t-il signalé.
Poursuivre les avancées en matière de qualité de l'emploi et de formation
Même fin de non-recevoir pour l'élaboration d'un texte législatif. "Il faut que les particuliers employeurs se vivent comme de véritables employeurs. Ils ont leur spécificité et c'est toute la richesse du dialogue social, notamment au niveau de la branche, de faire vivre cette spécificité, dans un cadre qui n'est pas celui de la loi," a déclaré François Rebsamen.
Autre frein au secteur : la précarité des salariés. D'après les données du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), c'est la multi-activité qui permet à une part croissante d'entre eux d'améliorer leur situation. Enfin, la nécessité de professionnaliser le secteur, d'améliorer la qualité du service mais aussi de revaloriser les métiers pour attirer davantage de jeunes et de salariés en reconversion professionnelle est ressortie au cours des débats. Des actions dans ce domaine sont en cours. François Rebsamen compte sur leur développement. "Je souhaite aussi vous inciter, vous les professionnels du secteur, à poursuivre vos avancées en matière de qualité de l'emploi et de formation," a ainsi affirmé le ministre, saluant les progrès accomplis en la matière, comme l'accord du 21 mars 2014 sur les classifications et ses avenants sur les salaires, qui vont être étendus. D'après le ministre, le nouveau compte personnel de formation, qui sera mis en place en janvier 2015, permettra aussi de mieux accompagner les salariés du secteur.