Social - Services à la personne : le Sénat vote le doublement des exonérations, mais le PLFRSS ne passe pas
Comme prévu, le Sénat a voté, en séance plénière, l'amendement déjà adopté en commission des affaires sociales et qui double le montant de l'exonération de charges sociales sur les heures d'aide à domicile applicable aux particuliers employeurs (voir notre article ci-contre du 11 juillet 2014). Celle-ci passerait ainsi, dès le 1er septembre 2014, de 0,75 euro à 1,50 euro par heure travaillée. Cette mesure met en œuvre un engagement du gouvernement (voir notre article ci-contre du 4 juin 2014), mais ce dernier n'avait certainement pas en tête un relèvement de cette ampleur.
Un vote à l'unanimité
L'amendement - présenté par Yves Daudigny, le rapporteur général (PS) de la commission des affaires sociales - a été adopté par le Sénat à l'unanimité. Le fait mérite d'être souligné, car une partie de la majorité est pourtant réservée sur ce dispositif et ne manque pas de mettre en avant le fait que les emplois à domicile - et les divers avantages fiscaux ou sociaux qui les accompagnent - bénéficient en premier lieu aux ménages les plus aisés. Mais, en l'occurrence, l'inquiétude devant le net recul des emplois à domicile (voir notre article ci-contre du 14 avril 2014) et la crainte d'une accélération de la fuite vers le travail au noir l'ont emporté sur tout autre considération.
Seconde délibération et vote bloqué
Malgré ce consensus de sénateurs - ou à cause de lui - les échanges ont été particulièrement tendus entre la majorité et le gouvernement. Ce dernier - par la voix de Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget - a en effet demandé une nouvelle délibération sur les articles amendés. Il a profité de cette seconde délibération pour soumettre un amendement supprimant notamment le doublement de l'exonération. Le tout doublé d'un vote bloqué. Christian Eckert a notamment fait valoir que ce doublement "représente un coût significatif, de l'ordre de 180 millions d'euros et ne bénéficierait pas aux publics les plus fragiles".
C'est peu dire que la démarche a été mal prise, non seulement par le groupe CRC (Communiste), mais aussi par le groupe SRC (Socialiste, Républicain et Citoyen). Jean-Pierre Godefroy, sénateur (PS) de la Manche, a ainsi affirmé qu'"il n'est pas raisonnable, politiquement, de revenir sur un vote unanime du Sénat". Annie David, présidente (CRC) de la commission des affaires sociales s'est dite "très en colère, très déçue, au nom du travail accompli par la commission".
Un résultat joué d'avance
On peut toutefois s'interroger sur l'intérêt de ce nouveau psychodrame. Il était en effet acquis, dès le départ, que le groupe CRC ne voterait pas le PLRRSS. Dès le 15 juillet, à l'ouverture du débat sur le projet de loi, le groupe CRC avait indiqué qu'il voterait contre le texte, en affirmant que le gouvernement "préfère écouter le Medef et les institutions européennes". L'UMP et l'UDI n'ayant non plus aucune intention - pour des raisons différentes - de voter le texte, le résultat était connu d'avance.
La demande de vote bloqué - avec les amendements de suppression du gouvernement - sur la première partie du PLFRSS a juste accéléré le mouvement. Sur 313 suffrages exprimés (sur 344), le texte a été rejeté par 188 voix contre et 125 voix pour. La première partie du PLRFSS n'ayant pas été adoptée, c'est l'ensemble du projet de loi qui est considéré comme rejeté, mettant ainsi un terme à la discussion.
Vers une distinction entre "charges contraintes" et "charges de confort"
La balle revient donc dans le camp de l'Assemblée nationale - qui a adopté le PLFRSS le 8 juillet - et du gouvernement. Il reste à savoir si ce dernier reprendra son engagement d'alléger les charges sur les particuliers employeurs. Lors de la discussion de l'amendement contesté, Christian Eckert affirmait en effet plutôt que "le gouvernement travaille à renforcer l'efficacité des aides existantes, s'efforçant de faire la distinction entre charges contraintes et - pardonnez-moi l'expression - charges de confort, dont j'ai cité des exemples extraits du rapport de la Cour des comptes". En tout état de cause, si allègement il devait y avoir, il serait sans doute d'une ampleur nettement moindre que celui voté par le Sénat.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative pour 2014 (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 8 juillet 2014, rejeté par le Sénat le 17 juillet 2014).