Apprentissage - Une proposition de loi sénatoriale bientôt déposée pour rénover l'apprentissage
"Dans les prochaines semaines, nous déposerons une proposition de projet de loi (PPL) sur la rénovation de l'apprentissage", déclare à Localtis Elisabeth Lamure, sénatrice du Rhône (Les Républicains) et présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises. Elle s'exprimait à l'issue d'une table-ronde organisée le 1er octobre 2015, au Sénat, sur le thème de la rénovation de l'apprentissage, "une urgence pour les entreprises et pour l'emploi". Cette PPL sera portée par la délégation sénatoriale aux entreprises créée en novembre 2014 à l'instigation du président du Sénat, Gérard Larcher, ancien ministre délégué à l'Emploi, au Travail et à l'Insertion professionnelle des jeunes (2005-2007). Cette délégation est composée de 42 sénateurs, membres de différents groupes politiques du Sénat. Elle est chargée d'informer le Sénat sur la situation et les perspectives de développement des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures visant à simplifier les normes en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires.
"Nous ne manquons pas de moyens financiers mais il faut améliorer leur affectation", poursuit Elisabeth Lamure. Il est également "indispensable d'améliorer l'information des jeunes et des familles" pour éviter les nombreuses ruptures de contrats (25% en moyenne au plan national, d'après l'Association nationale des apprentis/Anaf). La sénatrice déplore en outre "un déficit de lien entre les entreprises et les centres de formation" et "une connaissance encore insuffisante du monde de l'entreprise par les enseignants". "Si beaucoup de choses ont été faites au cours de ces dernières années pour relancer l'apprentissage, beaucoup ont échoué", poursuit Elisabeth Lamure qui souhaite que le système français d'apprentissage "s'inspire de ce qui se fait en Autriche, en Suisse et en Allemagne". "Il faudra un peu casser le vase de Soissons si l'on ne veut pas reproduire indéfiniment le même modèle d'apprentissage", a déclaré en guise d'encouragement, Gérard Larcher, tout en soulignant qu'il est "important de placer les entreprises et les branches professionnelles au centre du dispositif".
Plus de poids aux entreprises
Cette piste est également prônée par l'économiste Marc Ferracci, professeur à l'université Panthéon-Assas, co-auteur avec Pierre Cahuc d'une note du Conseil d'analyse économique (CAE) sur "l'apprentissage au service de l'emploi" (décembre 2014). "Il faut, dit-il, donner plus de poids aux branches et aux entreprises pour ouvrir de nouvelles formations par l'apprentissage et définir leurs contenus." L'autre priorité du moment soulignée par l'économiste consiste à "affecter prioritairement les moyens financiers aux bas niveaux de qualification". Depuis une trentaine d'années, "les effectifs de l'apprentissage ont tendance à augmenter mais principalement au profit du supérieur". D'après Marc Ferracci, la baisse récente - on est passé de 438.000 apprentis en 2012 à 389.500 à fin juillet 2015 (source Dares), bien loin de l'objectif fixé à 500.000 apprentis en 2017 par le président de la République, "s'explique par la baisse des niveaux infra-bac (CAP)". Sans "déshabiller Paul", l'économiste appelle à un rééquilibrage des cibles. Il met également en garde les pouvoirs publics contre le développement des contrats aidés de type emplois d'avenir qui "cannibalisent le contrat d'apprentissage".
Concurrence des emplois d'avenir
L'économiste Bertrand Martinot est sur la même ligne. Cet ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle, auteur d'une étude publiée par le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti )et l'institut Montaigne : "L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes – Plan d'action pour la France tiré de la réussite allemande" appelle à "faire porter les efforts sur les premiers niveaux de qualification". Au nombre des explications au recul de l'apprentissage, il cite "la concurrence des emplois d'avenir, le désintérêt qu'a semblé manifester le gouvernement actuel pour l'apprentissage au cours des deux premières années [du quinquennat], une trop faible mobilisation de l'Education nationale et un manque d'encouragement du gouvernement à l'égard des régions". La disparition du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA) qui avait notamment pour mission d'assurer la péréquation interrégionale entre les centres de formation d'apprentis a eu pour conséquence de "supprimer un outil qui fixait des objectifs : les conventions d'objectifs et de moyens [qui étaient financées par le FNDMA] conclues avec les régions pour développer l'apprentissage", précise Bertrand Martinot.
Déclarant en conclusion que "l'apprentissage est une révolution [qui n'a pas été] achevée", Gérard Larcher a fait plusieurs propositions, au-delà de son souhait de placer les entreprises et les branches au cœur du dispositif. Il faut, dit-il, "reposer la question majeure de l'orientation" et "ré-ouvrir le débat sur le pré-apprentissage", et "rendre plus efficace le financement de l'apprentissage". Il se déclare enfin "favorable au pilotage régional" de l'apprentissage tout en attirant "l'attention sur les risques de distorsion de traitement". "Les parlementaires doivent, dit-il, s'intéresser à ce sujet."