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Mal-logement / Réfugiés - Mise à l'abri et accueil des migrants : à quand un plan d'ensemble ?

Face à la crise migratoire, la France mène une politique d'accueil et de mise à l'abri des migrants via une série de dispositifs. "La clé du succès repose sur la solidarité nationale" et "l'ouverture de places dans toute la France", estime Emmanuelle Cosse. Les associations d'aide aux migrants et aux réfugiés lui demandent expressément, ainsi qu'à Bernard Cazeneuve, "un plan d'ensemble qui intègre, outre l'hébergement, l'amélioration du premier accueil, de l'accès à la procédure d'asile et une politique d'intégration par le logement, l'emploi et l'éducation/formation".

Dans le cadre des accords européens, la France recevra jusqu'en 2017 plus de 30.000 réfugiés venus de Turquie, du Liban ou encore des hotspots grecs et italiens. Et des milliers d'autres arrivent également par leurs propres moyens et demandent l'asile en France. Dans cette crise, "aucun territoire ne peut s'en sortir seul, et la clé du succès repose sur la solidarité nationale" et "l'ouverture de places dans toute la France", a déclaré Emmanuelle Cosse, mardi 6 septembre, lors de l'annonce par Anne Hidalgo, maire de Paris, d'un "centre de premier accueil des migrants" sur des terrains appartenant à la ville.
Sans doute la ministre du Logement a-t-elle lu avec intérêt la lettre ouverte que lui ont adressé fin août, ainsi qu'à son collègue Bernard Cazeneuve, douze associations engagées dans l'accueil des migrants et des réfugiés (*). Elles demandent explicitement "la mise en œuvre rapide d'un plan d'ensemble qui intègre, outre l'hébergement, l'amélioration du premier accueil, de l'accès à la procédure d'asile et une politique d'intégration par le logement, l'emploi et l'éducation/formation".

161 CAO dans 78 départements

Les 161 centres d'accueil et d'orientation (CAO), répartis dans 78 départements, ont accueilli 5.500 personnes orientées principalement depuis les camps de fortune de Calais et Grande-Synthe, mais aussi de Paris. Sur ces 161 CAO, 148 ont été ouverts depuis octobre 2015, pour un total de près de 2.000 places, qui ont permis à eux seuls de mettre l'abri plus de 4.700 personnes.
La prise en charge en CAO vise à permettre aux personnes migrantes sans-abri de bénéficier d'un temps de répit et d'engager, si elles le souhaitent, une démarche de demande d'asile. Elle leur permet également d'avoir accès à une offre de soins adaptée et d'être orientées rapidement vers des structures qui correspondent à leur situation (Cada pour les demandeurs d'asile, etc.). L'Etat a établi cet été une charte de fonctionnement des CAO, en lien avec les associations. Cette charte décrit les conditions d'accueil et de localisation, les taux d'encadrement, et les prestations telles que la restauration, l'évaluation (juridique, sociale et médicale) de la situation des personnes accueillies et l'accompagnement adapté, la sécurité, etc.
Mais avant le CAO, il y a bien souvent le campement, illicite et insalubre, souvent dangereux pour ses occupants et le voisinage. Pour éviter cela dans la capitale, un nouveau centre de premier accueil des migrants verra le jour à la mi-octobre. Il accueillera "à terme" un millier de places.

"Eviter la formation de campements insalubres dans la capitale"

Anne Hidalgo a annoncé sa création ce mardi 6 septembre. "Ce nouveau maillon dans l'accueil des migrants s'inscrit pleinement dans la stratégie nationale mise en place par l'Etat depuis le début de la crise migratoire", se sont félicités Emmanuelle Cosse et Bernard Cazeneuve. L'articulation du centre de premier accueil avec les dispositifs nationaux déjà en place fera l'objet d'un protocole d'accord entre l'Etat et la ville de Paris qui serait signé dans les prochains jours. Le protocole formalisera également le fait que le ministère du Logement prendra en charge 20% des dépenses d'investissement et 80% des dépenses de fonctionnement du centre, soit un total de 15 millions d'euros dès la première année. Le centre sera administré par une association, Emmaüs Solidarité.
Emmanuelle Cosse et Bernard Cazeneuve estiment également que le centre "contribuera à renforcer l'action de l'Etat pour éviter la formation de campements insalubres dans la capitale", rappelant que l'Etat a procédé à 28 "opérations" permettant "la mise à l'abri de 15.000 personnes". La dernière en date intervenait d'ailleurs le matin même, avec l'évacuation d'un campement de centaines de migrants rue de Flandres, dans le nord de Paris.

Des implantations temporaires sur des friches réservées pour des projets urbains

Le centre de premier accueil se divisera en deux sites : l'un intra-murros sur une friche SNCF, accueillant les hommes seuls ; l'autre à Ivry-sur-Seine sur l'ancienne usine des eaux d'Eau de Paris, pour les familles, les femmes et les enfants. Il orientera les migrants vers un CAO, un Cada, ou une autre forme d'hébergement...
"Ces deux lieux doivent accueillir d'ici deux à quatre ans des projets d'urbanisme. Le camp de réfugiés n'a vocation ni à les remettre en cause ni à les retarder. A ce titre, les installations sont entièrement modulables et pourront être déplacées le moment venu sur d'autres terrains disponibles", a précisé la ville de Paris.
"Ce centre complètera les 74 sites franciliens que l’Etat a déjà mis à disposition accueillant près de 7.000 personnes", se sont également félicités les ministres, faisant référence aux centres d'hébergement de migrants situés dans des centres de vacances, bureaux vides, sites d'Etat inutilisés... en région Ile-de-France.

Un appel à projets pour l'hébergement citoyen

Selon le ministère du Logement, un logement aurait été fourni à plus de 2.500 réfugiés grâce à la mobilisation de logements vacants en zones détendues. Emmanuelle Cosse a par ailleurs lancé cet été un appel à projets qui vise à développer "l'expérimentation de dispositifs d'hébergement de réfugiés chez les particuliers". La ministre espère ainsi pouvoir accueillir 1.000 réfugiés. Par un engagement financier (jusqu'à 1.500 euros par personne et par an), l'Etat soutiendra les associations qui mettront en place un accompagnement individuel des réfugiés et contribueront à la réussite de leur parcours d'intégration.

Soutenir aussi "les entreprises qui souffrent"

En déplacement à Calais vendredi 2 septembre, Bernard Cazeneuve a réaffirmé l'intention de l'Etat de démanteler le "plus rapidement possible" la "jungle" où survivent entre 6.900 et plus de 9.000 personnes selon les sources. Régulièrement, certains d'entre eux élèvent des barrages sur la rocade portuaire avec des barrières ou des arbres pour forcer les camions à s'arrêter et tenter de s'y cacher afin de rallier l'Angleterre. A l'occasion de son déplacement, le ministre de l'Intérieur a également annoncé un nouveau dispositif d'aides aux entreprises locales "de manière à soutenir plus directement les entreprises qui souffrent". Lundi 5 septembre, soit trois jours après la visite de Bernard Cazeneuve, routiers, agriculteurs et commerçants ont dressé des barrages sur l'A-16 près de Calais. A l'issue d'une réunion avec la préfète Fabienne Buccio, le Collectif des entreprises et commerces du Calaisis serait parvenu à la promesse d'un renforcement des effectifs de police, après ceux annoncés vendredi dernier par Bernard Cazeneuve, soit 200 hommes de plus, et "la confirmation d'un démantèlement rapide de la 'jungle'". La préfecture s'en tenait, elle, à l'annonce ministérielle.
129 dossiers d'entreprises ont été examinés depuis mars et selon des chiffres officiels, environ 60% ont débouché sur une aide (délais de paiement, allègement ou remises de cotisations ou de taxes).

Valérie Liquet avec AFP

(*) Fnars, Secours catholique, France Terre d'Asile, la Cimade, Médecins du monde, Secours islamique, Unicef, Salam NPDC, Auberge des migrants, Croix rouge française, fondation Abbé-Pierre, Emmaüs France.
 

 

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